35 heures de trop, compilation de propositions diverses pendant le mouvement contre la réforme des retraites et ses suites

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-Introduction-

Voici une compilation de textes, de tracts, de visuels, et affiches que nous avons réunis dans cette brochure afin de pouvoir rendre compte de quelque chose du mouvement social qui a connu son point fort en France entre janvier et juin 2023, et qui est maintenant à l’agonie. Ces textes sont par plusieurs aspects différents les uns des autres, ils émanent de différents endroits du mouvement parfois d’endroits en désaccord les uns avec les autres, parfois en conflit. Nous faisons ce choix car l’objectif est le suivant : en rendant compte de l’ensemble hétérogène du mouvement avec une perspective, celle du dépassement révolutionnaire (puisque c’est dans ce sens que nous y sommes intervenus), nous pourrons être capables d’en comprendre les failles, les obstacles, les intérêts, et en tirer des pistes pour le futur et le présent. Un bilan par l’archive, en quelque sorte, mais nous y reviendrons. Disons aussi que cette brochure est conçue dans l’idée d’être présentée d’abord à Ljubljana, en Slovénie, lors du prochain anarchist bookfair des Balkans qui s’y tiendra cet été 2023, puis ailleurs, là où elle voudra bien être lue, et qu’elle permette de discuter à ces endroits du dit « mouvement contre la réforme des retraites » mais pas seulement, aussi des luttes qui ont et auront cours à l’avenir à différents endroits du globe. Nous pensons que si les révolutionnaires qui interviennent aux quatre coins du monde étaient capables de se transmettre activement des choses de la sorte pendant ou après des mouvements, et d’établir une réflexion, un dialogue, ou une intervention à partir de ça, nous serions partout bien plus forts et intelligents. Ce mouvement, comme nous le disions, est soit mort, soit à l’agonie. Mais il a été avant ça naissant et vivace. Nous reconnaissons schématiquement trois « moments » dans le mouvement. Le premier a été ponctué par des blocages importants, d’ordres divers, routiers, fluviaux, ferroviaires, et même aériens, sur l’ensemble du territoire. C’est aussi le moment où dans plusieurs villes de France des initiatives ont été lancées pour élargir la question des retraites à celle du travail de manière générale qui se sont incarnées à travers l’existence de diverses assemblées d’organisations et d’assez nombreuses actions tournées contre les dispositifs de contrôle salarial de l’État, contre Pôle Emploi notamment. Les manifestations étaient syndicales, et ne constituaient alors pas le cœur du mouvement, grâce aux nombreuses formes de blocage et de sabotage dont nous avons parlé plus haut. Certaines grèves, dans le secteur des transports, ou des raffineries pétrolières, ont été solidement suivies à l’intérieur des domaines d’activité, mais elles ne se sont malheureusement pas vraiment diffusées aux autres secteurs. À Paris, Rennes, et Nantes une grève a eu plus d’importance que les autres par sa durée et son impact sur la vie quotidienne : celle des éboueurs. D’un côté pratique elle changeait la ville en la rendant dégueulasse, pleine de déchets inflammables, et de l’autre, elle a permis la tenue d’une AG importante où il était possible de s’organiser pour bloquer tous les points de transports des poubelles et pour réagir aux offensives du gouvernement pour casser la grève par la réquisition (mise au travail forcé sous menace juridique et pénale) notamment. Le deuxième moment que nous pourrions différencier du premier a débuté quand l’article 49.3 a été utilisé afin de faire passer en force démocratique la loi sur la réforme des retraites. S’est alors initiée une phase où les manifestations se sont mises à revêtir une nouvelle place dans le mouvement, elles sont devenues sauvages partout en France puisqu’elles sortaient de l’encadrement syndical, et ce dans toutes sortes de villes. Le feu comme arme du mouvement s’est diffusé, et tous les soirs dans plusieurs villes de France les poubelles non ramassées devenaient des barricades empêchant momentanément la circulation routière et les services de la ville (dont l’intervention po licière). C’est à ce moment que la police et la justice ont été relativement débordées, et ont été contraintes d’opérer des interpellations massives de plusieurs centaines de personnes par soirs sur l’ensemble du territoire afin d’essayer d’endiguer la situation. Une fenêtre s’est ouverte en ce qui concerne l’autonomie vis à vis des forces syndicales à ce moment, aussi car cela signait le passage de la réforme et la vacuité du militantisme traditionnel réformiste. Cette fenêtre ouverte, par laquelle nous ne nous sommes pas suffisamment engouffrés avant qu’elle ne se referme, devrait nous faire réfléchir à ce qu’il se passe quand nous réussissons à nous défaire du giron syndical, à nos perspectives au sein du mouvement. Les manifestations sauvages se sont progressivement ritualisées, ralenties, et interrompues jusqu’à aujourd’hui où la situation est revenue à la normale. La troisième, c’est celle dans laquelle nous nous trouvons, c’est celle de la désertion syndicale, de la répression étatique, de la mort du mouvement que nous décrivions plus haut. Le retour aux manifestations syndicales comme seule force d’intervention collective, toujours moins fortes et espacées dans le temps, l’arrêt progressif des grèves massives, jusqu’à la reprise normale du travail, les condamnations judiciaires successives et l’interruption de la plupart des espaces d’organisations signent, en même temps que l’intersyndicale, la mort du mouvement. Mais en réalité nous voyons deux choses qui sont mortes, et deux choses bien précises : le mouvement syndical, et ses espoirs « réformistes modérés » de voir la retraite se maintenir à 62 ans, ainsi que les possibilités de dépassement révolutionnaires et émancipatrices qui auraient pu naître et se développer à l’occasion d’un tel mouvement, selon notre hypothèse. Ces deux choses sont mortes mais nous en voyons d’autres qui sont bien vivantes, ce sont les luttes qui n’en finissent pas, qui commencent ou qui résistent à la fin des appels syndicaux, comme la mobilisation lycéenne, les luttes contre les frontières et la gestion étatique de l’immigration, où la défense contre la répression policière et judiciaire des luttes. C’est les émeutes massives qui viennent d’éclater partout en France à la suite du meurtre du jeune Nahel et qui s’attaquent autant aux commerces qu’aux autres agents du maintien de l’ordre (commissariats, mairie, école, prison, etc.) et qui parviennent en quelques nuits à ouvrir des perspectives que des mois de mouvement n’avaient pas réussi à envisa ger. Ce qui est toujours bien vivant également, c’est l’État et le Capitalisme, qui s’incarne chaque jour au travail, par le contrôle et la gestion sociale, par le développement des technologies liées aux dispositifs de surveillance divers, et par les prochaines lois qui, toujours dans le sillage de la réforme des retraites, visent à faire travailler toujours plus pour gagner moins ceux qui travaillent toujours trop pour gagner pas grand chose. Cette brochure comprend une deuxième partie pour traiter en particulier d’un événement dont nous n’avons pas encore parlé dans le descriptif général, parce que nous considérons qu’il revêt assez d’importance pour le traiter d’une manière particulière. Cet événement, c’est Sainte Soline, un week end écologiste à l’appel d’une Organisation en vogue, les Soulèvements de la terre, où plus précisément les suites de cet événement, dont la répression a été délirante (plus de 200 blessés dont 2 entre la vie et la mort), comme une vengeance contre l’ensemble du mouvement, et qui a donné lieu à de nombreux textes, de nombreuses réactions, de nombreuses actions, notamment autour d’un collectif qui a pris la parole contre l’État et le Capitalisme en dégageant une opposition autonome aux directions du mouvement, Les Camarades du S., blessé gravement à la tête pendant la manifestation principale du week end organisé par les Soulèvements. Pour mieux présenter tout ceci, nous avons rédigé une introduction à un dossier consacré à cet événement d’une grande importance au sein du mouvement social. Pour que la mémoire des interventions protéiformes au sein des mouvements nous serve à agir aujourd’hui et demain, partout dans le monde, pour la révolution. Juillet 2023

-Addendum-

Comme nous l’avons écrit dans l’introduction, cette compilation de textes a été diffusée à l’occasion du BAB, festival du livre anarchiste des Balkans qui se tenait cette année à Ljubljana. Quelques personnes invitées au festival pour une discussion sur les archives anarchistes ont proposé la tenue d’une discussion plus large sur le mouvement contre la réforme des retraites, sur les émeutes, sur la solidarité avec Serge, avec les blessés de Sainte Soline, avec Nahel, et pour creuser des perspectives révolutionnaires à partir de ces expériences à l’international. Cette discussion, qui était la seule du festival sur ces sujets, était pour beaucoup l’occasion d’apporter d’autres points de vue sur ces derniers mois de révolte en France – points de vue pouvant être divergents de ceux exprimés dans cette compilation puisque, comme nous l’avons écrit dans l’introduction, nous ne prétendons pas être exhaustifs ni représenter quoi que ce soit, et encore moins donner des leçons sur comment intervenir depuis une position hautaine et méprisante dont nous ne voulons pas ni ici, ni dans les luttes. L’intelligence collective et le rapport aux luttes doivent se creuser par la confrontation d’expériences et de points de vue différents, encore et toujours. Pourtant, cette nécessité de l’élaboration publique n’a pas été du goût d’une poignée de personnes de la région parisienne connues pour avoir comme principal terrain d’intervention les milieux militants qui ont tout fait pour empêcher la tenue de cette discussion en utilisant le BAB comme terrain de jeu pour régler des embrouilles de chapelles. Ayant échoué d’obtenir de la part des organisateurs l’annulation de la discussion, ils ont tenté un happening de type Femen en traitant toute personne participant au débat sur le mouvement de raciste, transphobe, islamophobe, sexiste, protecteur d’agresseur. Nous tenons à réaffirmer que toutes ces accusations sont fausses et ne sont rien d’autre que l’importation mensongère de quelques individus malveillants qui instrumentalisent honteusement ces sujets importants pour des question de rivalité politiques. Le point culminant de cette instrumentalisation honteuse étant l’utilisation dans ce happening d’une banderole faite pour rendre hommage à Noa Milivojev, une personne trans récemment assassinée à Belgrade, en Serbie. Nous n’avons pas les mots pour qualifier un tel détournement. La bibliothèque s’inscrit depuis ses débuts et s’inscrira toujours dans les luttes pour l’émancipation et la liberté de tous et toutes.
Le milieu parisien pue depuis un certain temps la banalisation et l’instrumentalisation du racisme, du sexisme, de la transphobie, en jouant sur certaines tensions similaires déjà présentes dans les milieux anti-autoritaires.
Ici et là, continuons à diffuser cette compilation, faisons et lisons en d’autres, réfléchissons aux pratiques anti-autoritaires. À bas les chefs, les flics et les juges du milieu parisien et d’ailleurs ! A bas la transphobie, le racisme, l’homophobie, le sexisme, et à bas tout ceux qui instrumentalisent ces questions !
Courage aux organisateurs du BAB et à tout les autres collectifs des Balkans et d’ailleurs qui vont payer les pots cassés de ces embrouilles parisianno-centrées alors qu’ils ont sans doute bien mieux à faire, pendant que les parisiens sont rentrés bien au chaud chez eux en s’en frottant les mains.

 

 

Discussion autour des émeutes en cours

Lundi 3 juillet 19h30

Parce qu’il est important et urgent de réfléchir, de discuter et de s’organiser pour être à la hauteur de cette vague puissante de révoltes émeutières qui n’accepte pas un mort de plus, un mort âgé de dix sept ans, nous proposons une réunion publique exceptionnelle lundi 3 juillet aux Fleurs Arctiques à 19h30. Pour la révolution, pour Nahel, pour les morts, les blessés, les enfermés, pour que nos solidarités détruisent enfin la démocratie et ses institutions répressives. Libertés, émeutes, révolutions !

Émeutons-nous !

(english below)

le 29 juin 2023

Un jeune homme de 17 ans, Nahel, a été tué par balles par un flic avant-hier, le 27 juin à Nanterre, exécution sommaire pour quelque chose qui se retrouve nommé « un délit de fuite » ou « refus d’obtempérer », quelque chose qui ressemble à tenter la liberté pour ne pas rester à la merci de deux flics prêts à tuer. Nous n’avons pas les mots, nous les cherchons encore, pour exprimer notre colère et notre solidarité totale, sans conditions et avant même d’en savoir plus sur tout ce que la presse déverse depuis les rumeurs de commissariats. En voici tout de même quelques uns, puisque s’exprimer nous paraît quand même nécessaire.

17 ans, putain.

Le gouvernement a essayé de diminuer la portée du drame pour éviter la confrontation directe, pour protéger ses flics, se protéger lui-même, ainsi que le monde de merde et de misère qu’il maintient en place. Pour tenter de se prémunir face à la colère de tous, il a utilisé une technique dégoûtante : celle de l’atténuation et de la pacification, en ne lésinant pas sur l’usage de mensonges. Mettre en avant, par les médias et les déclarations de presses des différents partis de gauche et de droite, que l’adolescent avait un casier judiciaire (ce qui s’est avéré faux), que le policier était en danger (ce qui s’est tout autant avéré faux), invoquer le rôle de médiation de la justice et du deuil national pour régler le problème. Toutes ces techniques sont bien rodées mais ont été inefficaces hier et aujourd’hui : Tout le monde sait que cette exécution n’est pas un problème privé, entre un policier et une famille, pas plus qu’elle n’est une bavure exceptionnelle. Ce que la presse et l’État défendent en salissant ceux qu’ils exécutent, c’est la possibilité de maintenir l’ordre coûte que coûte, c’est la possibilité de nous tenir en joue et de tirer, c’est la possibilité d’une « légitime défense » de sa propre existence au prix de nos vies. C’est nous contre eux. Et tout le monde se contrefiche qu’il ait un casier judiciaire ou non, comme tout le monde se contrefiche que ceux que ses flics visent soient fichés S, ou qu’ils soient défavorablement connus de la CAF, de pôle emploi ou des services de police. Tout le monde sait qu’il faut se battre, et personne ne semble avoir envie de pleurer en silence. Alors que les pompiers, le gouvernement, la gauche et tous les pacificateurs appellent au calme, la mère de Nahel a courageusement demandé « une révolte pour son fils ».

Les tentatives d’endormissement de la colère sont pour l’instant un échec : le jour même, des émeutes ont éclaté à Nanterre, et la révolte s’est propagée dans tout le 92, dans une partie du 93, et dans d’autres villes, à Bordeaux, à Lille, à Nantes, à Roubaix. Par endroits, les policiers sont débordés, blessés, et parfois s’enfuient, abandonnent. La seconde nuit d’émeutes a été encore plus offensive et s’est étendue à d’autres villes, à Toulouse, à Lyon, à Strasbourg, à Clermont-Ferrand, dans quelques endroits de Paris, dans le XXème, à Belleville, à la Chapelle, dans le sud du XIIIème…, et surtout dans énormément de villes d’Île-de-France. Ce matin, les services de nettoyage peinent à masquer les traces de la révolte. Voitures, bus, lignes de tram, mairies, barricades, écoles et commissariats, tout flambe. Des pillages ont eu lieu,
de magasins, camions, supermarchés. Cette largeur de vue pour mieux cibler ce qui maintient l’ordre et cette pertinence dans les attaques, que le mouvement contre les retraites a peiné à ouvrir malgré son ampleur, on
dirait que deux nuit d’émeutes commencent à l’envisager. La prison de Fresnes a été très courageusement prise d’assaut durant la deuxième nuit d’émeute, pour aller libérer les prisonniers, pour tous nous libérer. Une brèche s’ouvre, une brèche pour faire trembler ce qui hier paraissait invincible. Mais hier, c’était novembre 2005. Hier, c’était les gilets jaunes. Hier, c’était mai 68. Hier aussi nous avons fait trembler l’État, son maintien de l’ordre, et ainsi nous comprenons que cet ordre est loin d’être inattaquable, puisqu’il tremble.

Il nous faut rentrer dans cette brèche, et nous voyons quelques moyens qui sont à notre portée à tous, ici et maintenant. Nous souhaiterions, dans l’idéal, pouvoir dépasser ces « quelques moyens à la portée de tous » et pour cela il nous faut, comme les émeutiers de Nanterre, trouver des moyens nouveaux pour trouver de l’efficacité contre nos ennemis, la police de l’état, du capitalisme, de la démocratie, et plus encore contre l’apathie, la résignation, le suicide quotidien, le désintérêt collectif. Tout cela n’est pas normal, et doit être combattu, pour Nahel, pour M. tué dans le CRA de Vincennes, pour les milliers de personnes qui meurent aux frontières de l’Europe, pour Serge et les blessés du maintien de l’ordre à Sainte-Soline et partout, et pour tous les autres d’hier et de demain, pour nous tous, pour en finir aussi avec la pitié, le paternalisme et la condescendance, avec toute notre rage d’en finir avec ce monde et avec un désir de liberté, intact.

Dans cette lutte que nous allons être nombreux à mener, rappelons nous toujours que l’ennemi que l’on a en face de soi, celui qui nous mène une guerre ouverte, n’est pas le seul. N’oublions pas celui qui se met à notre côté, celui qui récupère et tue de l’intérieur, qui aspire et vampirise : la gauche, ses grands frères moralisateurs et ses sociologues de comptoirs, la négociation de la paix sociale qui très vite voudra encadrer et tuer la haine dans le calendrier judiciaire qui, lui avant tout, est notre ennemi. C’est ce calendrier judiciaire lui-même qui prolonge les arrestations. Solidarité avec les 180 interpellés de la nuit dernière.

De Nanterre à la France entière et au reste du monde

ÉMEUTES !

RÉVOLUTIONS !

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Programme de mai à juin 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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En mai et juin la bibliothèque propose les discussions suivantes :

le 30 mai le 7 juin : S’organiser efficacement contre les résurgences de l’antisémitisme et du négationnisme d’extrême gauche

le 3 juin : Autonomie et perspectives révolutionnaires, discussion autour de la brochure « Pour un anarchisme révolutionnaire » en présence du collectif Mur par mur.

le 11 juin  16 juin : démontage judiciaire autour d’un des volets de l’affaire dite « Machine à expulser »

le 23 juin : discussion autour de l’affiche « Soldats », contre les directions des mouvements pendant qu’elles dirigent et parce qu’elles dirigent

 

 

Au ciné-club seront projetés :

le 29 mai : Zabriskie Point, Antonioni, 1975

le 5 juin : Saint Maud, Rose Glass, 2019

le 12 juin : L’Homme des hautes plaines de Clint Eastwood, 1973

le 26 juin : Crossing Guard, Sean Penn, 1995

 

Zabriskie Point

Lundi 29 mai 19h30

Michelangelo Antonioni – 1970

VOST (USA) – 105’

Dans la suite des road movie comme Easy Rider de Dennis Hopper, Zabriskie Point d’Antonioni raconte une errance chaotique à travers les Etats Unis, à la fin des années 60. Des révoltes étudiantes à Los Angeles jusqu’au désert de la Vallée de la Mort, Mark et Daria se rencontrent et traversent l’Arizona, un peu par hasard, voyage qui finit par laisser place à un presque vide spatial et cinématographique. Mais ce vide se transforme aussi en un rythme qui se ralentit au point de faire défiler des paysages qui deviennent l’histoire elle-même, à l’esthétique brûlante et saturée. Jusqu’à la dernière scène contemplative et explosive, à la bande son déchaînée.

S’organiser efficacement contre les résurgences de l’antisémitisme et du négationnisme d’extrême gauche

Mardi 30 mai 19h30

Mercredi 7 juin 19h30

Y a-t-il vraiment besoin d’être épigraphe pour voir l’antisémitisme sous le tag… ?

Il y a quelques semaines, un tag ouvertement antisémite est apparu sur un mur dans un des bâtiments de l’université Paris 8 à Saint Denis. « Vive la Palestine, 39-45 le retour, soyez preparer » (sic), à côté d’un « Free Palestine » et d’un « macron dégage » dont l’écriture et/ou la couleur diffèrent. Malgré les dénégations d’une palanquée de gauchistes prompt à y voir la marque d’un coup retors de l’extrême droite (auquel il ne faudrait pas réagir, ce qui reste en soi discutable, même si c’était le cas, voir plus bas), les circonstances et les tags à proximité revendiquant le soutien au rappeur antisémite Freeze Corleone ne laissent pas vraiment de doute sur le fait qu’il s’agisse d’un antisémitisme d’extrême gauche pur origine certifiée.
Y a -t-il vraiment besoin de déplier les présupposés explicites de cet énoncé ? Que ce soit nécessaire fait déjà partie du problème, mais allons-y rapidement, par souci de clarté. Donc on affirme ici la défense de « la Palestine », en s’inscrivant dans la lignée anti-impérialiste de la défense des nationalismes et de leurs perspectives étatiques pour les « peuples opprimés » par les nationalismes et les Etats des « peuples oppresseurs », et ce faisant on commence par confondre les palestiniens avec l’Etat qui est supposé les représenter. Depuis les années 70, on nous fait subir cet espèce de campisme stupide qui prétend qu’aspirer à un Etat serait émancipateur, et que les gens qui subissent la domination « impérialiste » auraient besoin que de loin (toujours de loin), on défende ce qui les dominera plus tard, en l’occurrence « leur » Etat. La suite va un gros cran plus loin, en invitant à se préparer au retour de 39-45, posant l’extermination des juifs (seul lien avec la question palestinienne, à travers une assimilation déjà antisémite des dits « juifs » à l’Etat d’Israël), donc la perspective génocidaire des nazis dont la réalisation a été assez loin pour qu’on se rende compte de ce que ça donne, comme solution à la question palestinienne. On ne sait pas bien si c’est une perspective conçue comme utopique et désirable, ou si c’est de l’ordre de la menace de rétorsion, mais ça revient au même, d’autant plus que ce chemin de présenter la perspective d’un génocide comme une juste vengeance à laquelle on doit s’attendre est un des chemins que prennent les résurgences antisémites à gauche depuis quelques années*.
C’est la première raison qui nous conduit à proposer cette discussion : certes, c’est pas la première fois, oui, c’est juste un tag, mais il y a un moment où il va falloir réagir de manière efficace et concertée en arrêtant de détourner les yeux et de penser qu’on a mieux à faire : combattre l’antisémitisme et toute les formes de racisme, en particulier quand elles émergent du côté de ce qui se représente comme subversif, est une urgence à chaque instant renouvelée. Vu l’instensification du phénomène, il va bien falloir finir par trouver les moyens de s’y confronter.
La deuxième raison qui motive cette proposition de discussion, c’est ce qui s’est passé sur les réseaux et dans les couloirs (autour de certains comptoirs et dans quelques « bases arrières » sans doute aussi) suite aux premières réactions que ce tag a suscité. On a vu une floppée de gauchistes, pour certains connus dans le petit monde select du post marxisme sauce bouteldjiste débouler en force pour défendre… la Palestine. Comme si vouloir réagir à ce tag, c’était s’opposer à la lutte des palestiniens (et comme si l’Etat état une perspective émancipatrice pour ceux qui luttent). Outre cette passion pour le fait de réprimer par principe toute réaction sur ce sujet quelle qu’elle soit (passion qui peut rendre graphomane et conduire à écrire des pages et des pages pour dire qu’il ne faut pas en faire cas, comme là (référence textes de NF à propos de Claude Guillon), et défendre l’idée qu’il est de la première urgence de ne rien en penser, cet afflux d’avis concordants pour considérer que dire que ce tag est antisémite, c’est un peu comme défendre la colonisation de la Palestine nous renforce dans l’idée qu’il faut plus que jamais aujourd’hui cesser tout déni, tout laisser-faire et toute complaisance.
C’est pourquoi nous proposons de nous retrouver le mardi 30 mai pour prendre le temps d’échanger, de mieux comprendre peut-être, et surtout de trouver les moyens de combattre ce trop vivace antisémitisme d’extrême gauche.

 

* Comme on peut le voir dans Les Blancs les Juifs et nous d’Houria Bouteldja, pamphlet antisémite de gauche édité à la Fabrique dans lequel le désir d’exterminer « les juifs » et le négationnisme (donc le désir d’exterminer les juifs tout en niant les spécificités de ce projet) sont présentés comme une menace légitime, un risque objectif à prendre en compte et finalement une rétorsion compréhensible face à la situation d’oppression des dits racisés (qu’on naturalise de ce fait comme naturellement antisémites ce qui est déjà complètement raciste).

Discussion autonomie et perspective révolutionnaire autour de la brochure « Pour un anarchisme révolutionnaire » du collectif Mur par Mur

Samedi 3 juin 19h30

Le 3 juin sera présentée cette brochure aux Fleurs Arctiques, qui est une reprise critique du livre « Pour un anarchisme révolutionnaire », écrit par le même collectif Mur par mur mais qui ici prend une dimension nouvelle, la brochure s’appuyant sur les différentes discussions publiques qui ont suivit la sortie du livre.
Ce livre, actualisé donc, nous semble intéressant à rediscuter par la présentation publique de cette brochure puisqu’il cherche à redéfinir l’anarchisme en se replongeant dans les débats constitutifs de la perspective révolutionnaire afin d’en réactualiser le contenu, le sérieux, et la prégnance.

Saint Maud

Lundi 5 juin 19h30

Rose Glass – 2019
VOST (Royaume-Uni) – 83’

Saint Maud est une étude de cas brutale, qui donne un accès à la psychologie du personnage principal, sur la question épineuse de la foi, ici chrétienne, absolutiste et fanatique, ainsi que ses effets sur la santé mentale. Ou lorsqu’une auxiliaire de vie se décide, plutôt que d’accompagner avec douceur la mort d’une danseuse/chorégraphe (qui a vécu et vit encore librement ses désirs malgré qu’elle se trouve en phase terminale), à prendre en charge son salut, ceci malgré son passé de pécheresse et l’activité déterminée des forces du mal, objectivées en permanence par le personnage principal. C’est ici le mysticisme chrétien, cette relation vécue comme personnelle par tant de personnes à travers le monde avec des êtres fictifs comme Jésus, Marie, ici Marie-Madeleine, etc. qui sont directement questionnés. Ou comment la religion n’a besoin d’aucune matérialité pour laisser ses ouailles se faire réellement posséder par des démons. Traumatisme et psychose, foi et condamnation, grâce, transcendance, extase et prédation, et un film terrible et bouleversant, qui pourrait aussi bien être une interprétation complètement hostile à l’Église catholique de la Transverbération de Thérèse D’avila.

Démontage judiciaire : Affaire « Machine à expulser »

Discussion déplacée le vendredi 16 juin 19h30

Dimanche 11 juin 18h

Ce démontage judiciaire est une des propositions issues de la discussion publique organisée le mois dernier à la bibliothèque, à propos du mouvement social en cours, et en solidarité avec Serge, camarade très gravement blessé à Sainte Soline, qui était alors plongé dans le coma. De nombreuses personnes étaient venues réfléchir aux différentes manières d’intervenir pour intensifier la conflictualité et exprimer une solidarité avec les blessés de Sainte-Soline. A quelques jours de cette boucherie répressive, la presse se faisait tout particulièrement le relais du déversoir fantasmatique désormais récurrent de haine contre « l’ultra-gauche » et « les fichés S » (deux catégories purement policières) que les discours de Darmanin tentaient d’isoler du reste du mouvement, pour justifier d’avoir transformé cette manifestation en champ de bataille. On se réjouissait alors de constater qu’une certaine forme de solidarité et de refus de telles distinctions (futures dissociations en justice) se maintenaient vivaces, entre autres grâce aux communiqués de la famille et des camarades de Serge, fermement déterminés à les refuser.
C’est donc dans ce contexte qu’il a semblé pertinent aux personnes réunies de réfléchir à la précédente période qui a connu, en France, un acharnement policier, judiciaire et médiatique contre les dits « terroristes » de la dite « ultra-gauche » : la politique de fichage des anarcho-autonomes alors qu’Alliot Marie était ministre de l’Intérieur, le contexte de la circulaire Dati du 13 juin 2008 qui ordonnait aux parquets de se dessaisir des dossiers impliquant la fantasmatique MAAF (mouvance anarcho-autonome francilienne) en faveur de la section antiterroriste du parquet de Paris, y compris les délits mineurs. 4 grosses instructions vont émerger de cette phase répressive : l’affaire dite « fumigène-dépanneuse » (voir les brochures « Mauvaises Intentions ») suite à la découverte d’un engin incendiaire sous une dépanneuse de la police, la très médiatique affaire de Tarnac, l’affaire de Chambéry – dans laquelle un engin explosif artisanal tue une compagnonne et en blesse grièvement un autre – et la double affaire dite « machine à expulser » autour de la répression de la lutte contre les CRA suite à l’incendie par les retenus du centre de rétention de Vincennes en 2008. C’est cette dernière qu’on va d’abord explorer.
La perspective sera donc de comprendre l’usage policier qui a été fait alors des instructions anti-terroristes, des débuts de l’enquêtes aux procès (sur une dizaine d’années le plus souvent) afin de mieux nous armer contre la justice, le renseignement et la police qui menacent aujourd’hui d’utiliser le même type d’arsenal. Point commun entre toutes les affaires de cette période : les chefs d’accusation spectaculaires et gros à faire trembler toutes les mamies ont, dans l’ensemble, fini par se réduire comme peau de chagrin ; les personnes qui ont subi ces instructions, en étant perquisitionnées, arrêtées, filaturées, écoutées, filmées, mises en examen, incarcérées, assignées à résidence, maintenues sous des contrôles judiciaires, pendant parfois presque une décennie, ont fini pour la plupart, par être accusées d’à peine quelques tags ou dégradations légères, refus de signalétique avec des peines de l’ordre du sursis ou de l’amende… C’est donc l’un des volets de l’affaire dite « Machine à expulser » que nous chercherons à démonter collectivement : une affaire, d’abord classé en anti-terrorrisme et qui a concerné une quinzaine de personnes au départ, suite à une phase de luttes offensives contre les frontières et l’enfermement des sans-papiers suiteà l’incendie du CRA de Vincennes en 2008. Cette affaire n’a été close qu’en 2016, avec la mise en accusation dans deux procès d’une dizaine de personnes pour des délits mineurs, c’est l’un de ces deux procès, concernant 4 personnes dans lequel nous nous plongerons. On pourra donc revenir sur les dossiers d’enquête, sur les moyens énormes que la section anti-terroriste s’est donné et sur la traduction au final assez ridicule en justice. Ne nous laissons jamais faire !
Une brochure a été élaborée au moment du procès en première instance pour retracer l’intensité de cette phase de lutte, qui n’est pas séparable de la répression qu’elle a essuyé, nous vous conseillons donc de la consulter ici : lien « Le vaisseau des morts a brûlé » ainsi que la déclaration d’un des prévenus (cf. Ça ne se passera pas comme ça).

L’homme des hautes plaines

Lundi 12 juin 19h30

Clint Eastwood – 1973

VOST (USA) – 101’

Un étranger vêtu de noir arrive à Lago, petite ville de pionnier dans le désert. Il devient rapidement un personnage à la fois craint et utile, voire nécessaire à la sécurité de la ville, puisque le shérif lui demande de la défendre contre trois bandits dont la libération est prochaine et qui menacent de la détruire. Si les motivations de celui qui ne dira jamais son nom restent mystérieuses, sa détermination semble féroce dans l’accomplissement d’une vengeance dont la défense de la ville n’est qu’un moyen, alors que la scène du meurtre d’un ancien shérif tué à coups de fouets revient sous forme de flashs de manière récurrente. La fin sera bien plus apocalyptique, du moins dans le cadre de ce monde isolé que constitue cette ville dans le désert dans laquelle se déroule ce quasi huis-clos, et le héros disparaîtra de l’écran seul, comme il y est entré. Le scénario s’inspire d’un fait divers de 1964, le viol et le meurtre d’une jeune italo-américaine, Kitty Genovese à Brooklyn en présence de nombreux témoins dont aucun n’a prévenu la police ou n’est intervenu, au point que les circonstances de ce meurtre ont inspiré la notion d’« effet du témoin » ou « effet spectateur » en psychologie des foules, théorie qui démontre, expériences à l’appui, que, de manière fortement contrintuitive, la probabilité de secourir quelqu’un est plus forte quand le témoin de l’agression est seul que quand plusieurs personnes assistent à une agression. Mais le film dépasse largement le cadre de ce fait divers dont il décale énormément les données précises, pour interroger la vengeance en elle-même, raison de vivre et d’agir du personnage, les moyens qu’il se donne, aussi terribles voire pires que l’acte qu’il punit, ses motivations, les proportions que prend sa vengeance et quelque chose comme sa légitimité, à défaut de légalité, dans le cadre de cet Ouest sauvage dans lequel les institutions supposées prendre en charge et détourner la rage vengeresse ne pèsent rien face à la détermination d’un homme, dont le projet devient le destin de tous.
Et, en plus de la perfection formelle et scénaristique de ce western qui fait partie des premiers films dans lesquels Eastwood joue et réalise, c’est bien pour réfléchir à cette question de la vengeance comme moteur et moyen de l’attaque et de la destruction de l’existant, et de sa représentation cinématographique que nous proposons cette projection, dans le cadre d’un cycle déjà en cours autour de cette question dont nous voudrions discuter les liens évidents et problématiques à la fois avec la perspectives révolutionnaires.