Subversion

Vendredi 25 novembre 19h30

La subversion semble une notion complexe à définir aujourd’hui, puisque cette dernière est sans cesse utilisée que ce soit par les fafs, la droite, l’État, la gauche, les gauchistes et les révolutionnaires et son sens se disperse galvaudé de part et d’autre. L’État désigne comme subversif tout ce qui peut lui nuire allant des illuminés de Daesh aux vieux croulants putchistes. Les fascistes et l’extrême-droite se pensent subversifs par transgression de la morale, qui ne rompt en aucun cas avec ce monde mais cherchant à rendre majoritaire les conceptions les plus réactionnaires et autoritaires possible. Cette transgression à contrario de ce que l’on désignerait comme subversion passe souvent par le symbolique, la surface de ce que la subversion attaque à la racine. Il y a donc bien deux notions à séparer, celle de la transgression, dont le rapport à l’existence ne consiste peut-être qu’en le contourner, le détourner là où la subversion serait ce qui (semble) faire rupture ou même parfois seulement s’énonce comme tel.
Alors que faire ? Abandonner la subversion à ces aléas ? Comment alors laisser place à ce qui met des bâtons dans les roues de l’ordre du monde, l’ordre actuel, mais aussi tout ordre futur, quelque utopique qu’il puisse être ? Comment cesser d’être attentifs à ce qui met des grains de sables dans une machine qu’on cherche à détruire, comment ne pas voir que ces grains de sables inattendus peuvent y parvenir bien mieux qu’un arsenal théorique même 100% révolutionnaire, comment nommer ces pratiques diffuses radicalement contre l’Etat et le capitalisme dont la permanence montre à quel point tant qu’il y aura de la contrainte et de l’exploitation, l’aspiration à les subvertir ne cessera de s’exprimer ?
La subversion dont il sera donc question ici est bien la subversion par rapport à l’ordre établi, par rapport au monde. Il est clair qu’au cours de l’histoire les révolutionnaires se sont souvent appuyées sur cette dernière soit comme un horizon, une énigme ou une quête qu’il faudrait résoudre (comment subvertir ? Comment être subversif ? Qu’y-a-t-il de subversif à cette époque) ou alors à la traîne de celle-ci essayant sans cesse de la rattraper, de l’intégrer ou de la capter. Par ailleurs, si la subversion se trouve être un sujet de discussion sérieux entre une partie des révolutionnaires, sur son importance ou sa primauté, d’autres en revanche ne la considèrent pas qu’elle mérite d’être prise en considération ni dans l’analyse du capitalisme et de l’État ni comme plaies éventuelles de ceux-ci qu’il faudrait élargir. De nombreuses tendances marxistes, notamment léninistes passent à la trappe la question de la subversion ou de la marge par soucis d’efficacité ou d’unité du Prolétariat, ou pour préserver la possibilité d’une stabilité post révolutionnaire de type étatique, qui n’aurait plus à être subvertie. Glaçant. La question est également de savoir si la subversion fait lutte en soi, car maints actes sont subversifs mais peuvent rester limités à l’institution ou au cadre qu’ils subvertissent.
Le retour du religieux à la fois sur le devant de la scène politique mais aussi sa diffusion s’étendant ces dernières années semble reposer plus que jamais cette question de la subversion dont on peut dire qu’un des avatars les plus simples (de part la clarté de l’acte ou du propos) à comprendre est le blasphème. La subversion pose également la question de l’art, où le problème est bien plus complexe à comprendre puisqu’il prend racine dans une institution qui aura tôt fait de récupérer ce sens de subversion (ou tout ce qui est subversif qu’il soit art ou non) pour en faire un mantra et un objectif des artistes jusqu’à trouver l’absence même d’art subversif.
La subversion ne se limite pourtant pas à ces deux exemples, et elle peut être ce vers quoi nous tendons dans un moment de lutte qui commence à se scléroser dans ses propres habitudes.
La subversion est-elle être centrale dans la production de nos analyses et perspectives d’intervention au sein des luttes ? La subversion est-elle vaine en dehors d’un mouvement ? La subversion en toute occasion est-elle une attaque à ce monde ?