35 heures de trop, compilation de propositions diverses pendant le mouvement contre la réforme des retraites et ses suites

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-Introduction-

Voici une compilation de textes, de tracts, de visuels, et affiches que nous avons réunis dans cette brochure afin de pouvoir rendre compte de quelque chose du mouvement social qui a connu son point fort en France entre janvier et juin 2023, et qui est maintenant à l’agonie. Ces textes sont par plusieurs aspects différents les uns des autres, ils émanent de différents endroits du mouvement parfois d’endroits en désaccord les uns avec les autres, parfois en conflit. Nous faisons ce choix car l’objectif est le suivant : en rendant compte de l’ensemble hétérogène du mouvement avec une perspective, celle du dépassement révolutionnaire (puisque c’est dans ce sens que nous y sommes intervenus), nous pourrons être capables d’en comprendre les failles, les obstacles, les intérêts, et en tirer des pistes pour le futur et le présent. Un bilan par l’archive, en quelque sorte, mais nous y reviendrons. Disons aussi que cette brochure est conçue dans l’idée d’être présentée d’abord à Ljubljana, en Slovénie, lors du prochain anarchist bookfair des Balkans qui s’y tiendra cet été 2023, puis ailleurs, là où elle voudra bien être lue, et qu’elle permette de discuter à ces endroits du dit « mouvement contre la réforme des retraites » mais pas seulement, aussi des luttes qui ont et auront cours à l’avenir à différents endroits du globe. Nous pensons que si les révolutionnaires qui interviennent aux quatre coins du monde étaient capables de se transmettre activement des choses de la sorte pendant ou après des mouvements, et d’établir une réflexion, un dialogue, ou une intervention à partir de ça, nous serions partout bien plus forts et intelligents. Ce mouvement, comme nous le disions, est soit mort, soit à l’agonie. Mais il a été avant ça naissant et vivace. Nous reconnaissons schématiquement trois « moments » dans le mouvement. Le premier a été ponctué par des blocages importants, d’ordres divers, routiers, fluviaux, ferroviaires, et même aériens, sur l’ensemble du territoire. C’est aussi le moment où dans plusieurs villes de France des initiatives ont été lancées pour élargir la question des retraites à celle du travail de manière générale qui se sont incarnées à travers l’existence de diverses assemblées d’organisations et d’assez nombreuses actions tournées contre les dispositifs de contrôle salarial de l’État, contre Pôle Emploi notamment. Les manifestations étaient syndicales, et ne constituaient alors pas le cœur du mouvement, grâce aux nombreuses formes de blocage et de sabotage dont nous avons parlé plus haut. Certaines grèves, dans le secteur des transports, ou des raffineries pétrolières, ont été solidement suivies à l’intérieur des domaines d’activité, mais elles ne se sont malheureusement pas vraiment diffusées aux autres secteurs. À Paris, Rennes, et Nantes une grève a eu plus d’importance que les autres par sa durée et son impact sur la vie quotidienne : celle des éboueurs. D’un côté pratique elle changeait la ville en la rendant dégueulasse, pleine de déchets inflammables, et de l’autre, elle a permis la tenue d’une AG importante où il était possible de s’organiser pour bloquer tous les points de transports des poubelles et pour réagir aux offensives du gouvernement pour casser la grève par la réquisition (mise au travail forcé sous menace juridique et pénale) notamment. Le deuxième moment que nous pourrions différencier du premier a débuté quand l’article 49.3 a été utilisé afin de faire passer en force démocratique la loi sur la réforme des retraites. S’est alors initiée une phase où les manifestations se sont mises à revêtir une nouvelle place dans le mouvement, elles sont devenues sauvages partout en France puisqu’elles sortaient de l’encadrement syndical, et ce dans toutes sortes de villes. Le feu comme arme du mouvement s’est diffusé, et tous les soirs dans plusieurs villes de France les poubelles non ramassées devenaient des barricades empêchant momentanément la circulation routière et les services de la ville (dont l’intervention po licière). C’est à ce moment que la police et la justice ont été relativement débordées, et ont été contraintes d’opérer des interpellations massives de plusieurs centaines de personnes par soirs sur l’ensemble du territoire afin d’essayer d’endiguer la situation. Une fenêtre s’est ouverte en ce qui concerne l’autonomie vis à vis des forces syndicales à ce moment, aussi car cela signait le passage de la réforme et la vacuité du militantisme traditionnel réformiste. Cette fenêtre ouverte, par laquelle nous ne nous sommes pas suffisamment engouffrés avant qu’elle ne se referme, devrait nous faire réfléchir à ce qu’il se passe quand nous réussissons à nous défaire du giron syndical, à nos perspectives au sein du mouvement. Les manifestations sauvages se sont progressivement ritualisées, ralenties, et interrompues jusqu’à aujourd’hui où la situation est revenue à la normale. La troisième, c’est celle dans laquelle nous nous trouvons, c’est celle de la désertion syndicale, de la répression étatique, de la mort du mouvement que nous décrivions plus haut. Le retour aux manifestations syndicales comme seule force d’intervention collective, toujours moins fortes et espacées dans le temps, l’arrêt progressif des grèves massives, jusqu’à la reprise normale du travail, les condamnations judiciaires successives et l’interruption de la plupart des espaces d’organisations signent, en même temps que l’intersyndicale, la mort du mouvement. Mais en réalité nous voyons deux choses qui sont mortes, et deux choses bien précises : le mouvement syndical, et ses espoirs « réformistes modérés » de voir la retraite se maintenir à 62 ans, ainsi que les possibilités de dépassement révolutionnaires et émancipatrices qui auraient pu naître et se développer à l’occasion d’un tel mouvement, selon notre hypothèse. Ces deux choses sont mortes mais nous en voyons d’autres qui sont bien vivantes, ce sont les luttes qui n’en finissent pas, qui commencent ou qui résistent à la fin des appels syndicaux, comme la mobilisation lycéenne, les luttes contre les frontières et la gestion étatique de l’immigration, où la défense contre la répression policière et judiciaire des luttes. C’est les émeutes massives qui viennent d’éclater partout en France à la suite du meurtre du jeune Nahel et qui s’attaquent autant aux commerces qu’aux autres agents du maintien de l’ordre (commissariats, mairie, école, prison, etc.) et qui parviennent en quelques nuits à ouvrir des perspectives que des mois de mouvement n’avaient pas réussi à envisa ger. Ce qui est toujours bien vivant également, c’est l’État et le Capitalisme, qui s’incarne chaque jour au travail, par le contrôle et la gestion sociale, par le développement des technologies liées aux dispositifs de surveillance divers, et par les prochaines lois qui, toujours dans le sillage de la réforme des retraites, visent à faire travailler toujours plus pour gagner moins ceux qui travaillent toujours trop pour gagner pas grand chose. Cette brochure comprend une deuxième partie pour traiter en particulier d’un événement dont nous n’avons pas encore parlé dans le descriptif général, parce que nous considérons qu’il revêt assez d’importance pour le traiter d’une manière particulière. Cet événement, c’est Sainte Soline, un week end écologiste à l’appel d’une Organisation en vogue, les Soulèvements de la terre, où plus précisément les suites de cet événement, dont la répression a été délirante (plus de 200 blessés dont 2 entre la vie et la mort), comme une vengeance contre l’ensemble du mouvement, et qui a donné lieu à de nombreux textes, de nombreuses réactions, de nombreuses actions, notamment autour d’un collectif qui a pris la parole contre l’État et le Capitalisme en dégageant une opposition autonome aux directions du mouvement, Les Camarades du S., blessé gravement à la tête pendant la manifestation principale du week end organisé par les Soulèvements. Pour mieux présenter tout ceci, nous avons rédigé une introduction à un dossier consacré à cet événement d’une grande importance au sein du mouvement social. Pour que la mémoire des interventions protéiformes au sein des mouvements nous serve à agir aujourd’hui et demain, partout dans le monde, pour la révolution. Juillet 2023

-Addendum-

Comme nous l’avons écrit dans l’introduction, cette compilation de textes a été diffusée à l’occasion du BAB, festival du livre anarchiste des Balkans qui se tenait cette année à Ljubljana. Quelques personnes invitées au festival pour une discussion sur les archives anarchistes ont proposé la tenue d’une discussion plus large sur le mouvement contre la réforme des retraites, sur les émeutes, sur la solidarité avec Serge, avec les blessés de Sainte Soline, avec Nahel, et pour creuser des perspectives révolutionnaires à partir de ces expériences à l’international. Cette discussion, qui était la seule du festival sur ces sujets, était pour beaucoup l’occasion d’apporter d’autres points de vue sur ces derniers mois de révolte en France – points de vue pouvant être divergents de ceux exprimés dans cette compilation puisque, comme nous l’avons écrit dans l’introduction, nous ne prétendons pas être exhaustifs ni représenter quoi que ce soit, et encore moins donner des leçons sur comment intervenir depuis une position hautaine et méprisante dont nous ne voulons pas ni ici, ni dans les luttes. L’intelligence collective et le rapport aux luttes doivent se creuser par la confrontation d’expériences et de points de vue différents, encore et toujours. Pourtant, cette nécessité de l’élaboration publique n’a pas été du goût d’une poignée de personnes de la région parisienne connues pour avoir comme principal terrain d’intervention les milieux militants qui ont tout fait pour empêcher la tenue de cette discussion en utilisant le BAB comme terrain de jeu pour régler des embrouilles de chapelles. Ayant échoué d’obtenir de la part des organisateurs l’annulation de la discussion, ils ont tenté un happening de type Femen en traitant toute personne participant au débat sur le mouvement de raciste, transphobe, islamophobe, sexiste, protecteur d’agresseur. Nous tenons à réaffirmer que toutes ces accusations sont fausses et ne sont rien d’autre que l’importation mensongère de quelques individus malveillants qui instrumentalisent honteusement ces sujets importants pour des question de rivalité politiques. Le point culminant de cette instrumentalisation honteuse étant l’utilisation dans ce happening d’une banderole faite pour rendre hommage à Noa Milivojev, une personne trans récemment assassinée à Belgrade, en Serbie. Nous n’avons pas les mots pour qualifier un tel détournement. La bibliothèque s’inscrit depuis ses débuts et s’inscrira toujours dans les luttes pour l’émancipation et la liberté de tous et toutes.
Le milieu parisien pue depuis un certain temps la banalisation et l’instrumentalisation du racisme, du sexisme, de la transphobie, en jouant sur certaines tensions similaires déjà présentes dans les milieux anti-autoritaires.
Ici et là, continuons à diffuser cette compilation, faisons et lisons en d’autres, réfléchissons aux pratiques anti-autoritaires. À bas les chefs, les flics et les juges du milieu parisien et d’ailleurs ! A bas la transphobie, le racisme, l’homophobie, le sexisme, et à bas tout ceux qui instrumentalisent ces questions !
Courage aux organisateurs du BAB et à tout les autres collectifs des Balkans et d’ailleurs qui vont payer les pots cassés de ces embrouilles parisianno-centrées alors qu’ils ont sans doute bien mieux à faire, pendant que les parisiens sont rentrés bien au chaud chez eux en s’en frottant les mains.