La pensée et la pratique révolutionnaires ont-elles besoin de l’université ?

Vendredi 19 janvier 19h30
Vendredi 26 janvier 19h30

L’université, en temps de mouvements sociaux et de révolutions, se transforme souvent en lieu d’organisation, de Hong Kong à Santiago de Chile ou à Athènes. Elle est souvent perçue, y compris par les gouvernements, comme un foyer de contestation dans lequel les jeunes générations font circuler des idées politiques qui pourraient s’attaquer au vieux monde. Mais c’est également un lieu, dans le prolongement de l’école, qui prépare au monde du travail, qui apprend la discipline et le respect de l’autorité, de la hiérarchie, de la norme. C’est un monde aseptisé, bâti sur l’ennui et les mouvements sociaux sont l’occasion d’une explosion de conflictualité qui n’épargne pas l’université et qui se situe souvent en confrontation avec elle, pas en prolongement. En tant qu’institution, elle est à critiquer, à interroger.
Quelle relation entretiennent le milieu révolutionnaire et l’université ? Y a-t-il eu évolution de cette relation au cours de l’histoire ? Quels liens entre théorie et pratique ? À qui revient-il de réfléchir, de produire de la théorie politique ? N’y a-t-il pas le risque, par l’université, d’une séparation entre la pensée et l’action ? Peut-on penser librement à l’ombre de l’autorité ? Qu’y a-t-il d’intéressant et de limites aux formes alternatives de production et diffusion du savoir, de la vulgarisation scientifique aux pédagogies alternatives et autres universités populaires ? Quoi de pire que lorsque les thésards prétendent lutter en faisant leurs thèses sur les mouvements sociaux ? Quelle meilleure manière d’enterrer sa complexité et sa subversion ? À qui laisser l’analyse des mouvements sociaux, lorsqu’ils se déroulent ou a posteriori ? Aux sociologues, aux historiens, aux journalistes, aux philosophes ? A-t-on besoin de thèses pour comprendre ce monde ? Est-ce que ce qu’il manque pour qu’une révolution ait lieu, c’est d’expliquer à ceux qui sont exploités, pourquoi et comment ils le sont ? Quelle critique de la science d’un point de vue anti-autoritaire ? Y a-t-il des spécificités aux sciences humaines ?
Nous ne tâcherons pas seulement de réfléchir aux critiques de l’institution scolaire qu’est l’université, mais aussi de la recherche universitaire, et plus particulièrement en sciences sociales et en sociologie, puisqu’elle prétend donner des outils pour mieux comprendre ce monde. Ces outils ne sont pourtant pas neutres, puisque les statistiques et catégories sociologiques viennent du point de vue de la gestion des populations. Reprendre ces catégories pour penser les révoltes, n’est-ce pas enfermer celles-ci dans de vieux carcans essentialistes et ne pas chercher à bâtir nos propres outils théoriques ? Ce sera l’occasion de poursuivre des discussions que nous avions eu notamment lors d’un cycle de groupe de lecture où nous avions lu Dieu et L’Etat, de Mikhaïl Bakounine, et particulièrement la partie où il livre une critique anti-autoritaire de la science qui cherche, dans l’objectif de tirer des lois générales, à disséquer le monde réel comme on dissèque un lapin, pour comprendre son corps. Bakounine fait un parallèle avec le scientifique qui dissèque le corps social, à la recherche de lois générales et de pareilles abstractions et qui, par son mouvement, ôte le mouvement réel de la vie à ce qu’il analyse.
Dans la suite des réflexions autour de la critique des institutions scolaires, venez nombreux pour discuter de tout cela, et essayer de tirer des fils de réponses à toutes ces questions.