Nous voici le 16 novembre, et le programme des Fleurs Arctiques n’est toujours pas disponible ! C’est vrai, cette fois nous avons pris notre temps. Mais pas d’inquiétudes, il arrive sous très peu, et courra jusqu’à mi-janvier. Pour les impatients, et commeles dates et horaires subissent quelques changements, voici en avant première ce qui va se passer les trois jours prochains :
Samedi 18/11 de 15h à 17h : Groupe de lecture autour d’un texte libre.
Dimanche 19/11 de 16h à 19h : Permanence (en haut) et projection par et pour les enfants (en bas).
Lundi 20/11 à 19h : Avant que commence un nouveau cycle sur les gros monstres, un film sur la famille et ses dysfonctionnements normaux ou anormaux, avec la projection deLa Colline a des yeux dans sa version de 1977 dont voici la présentation.
King Kong – Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack – 1933 – 1h40 (vostfr) – Lundi 5 mars 2018
The Host – Bong Joon-Ho – 2006 – 119 min – Corée (Vost) – Lundi 18 décembre 2017
Pourquoi regarder ensemble des films de gros monstres, ou kaîju ega, du nom de ces films de genre qui, après King Kong en 1933, deviendront à partir du premier Godzilla (1954) une spécialité japonaise ? Pour le plaisir, d’abord, celui des effets spéciaux, du carton pâte et des maquettes, pour la magie du gigantisme. Et puis parce que ces gros monstres viennent des abysses ou du plus profond de la terre pour renvoyer à l’humanité l’image incarnée de la crainte que lui inspire son propre orgueil, sa propre démesure. Les ravages des Kaïju sont la réalisation fatale de la nécessité de détruire un monde qui sans eux n’en finirait pas de perdurer, et finit grâce à eux par s’écrouler dans une apocalypse cathartique.
Kaijū (que l’on prononcera kaizyû) signifie littéralement « bête étrange » ou « bête mystérieuse ». Il s’agit donc d’un terme japonais pour désigner des créatures étranges, particulièrement les monstres géants des films japonais appelés kaijū eiga. La notion japonaise de monstre étant différente de celle des européens, un kaijū est plutôt vu comme une force de la nature devant laquelle l’homme est impuissant et non pas comme une force du mal. Le kaijū n’est pas issu de l’univers religieux, ce n’est pas un démon et il n’est pas nécessairement mauvais ni bon.
Affiche italienne pour Gigantis the Fire Monster (Godzilla Raids Again), 1957
Lorsque Bakounine, Déjacque et Proudhon invoquaient Satan comme figure de la révolte fondamentale contre ce monde, c’était déjà l’idée du kaijū qui frémissait d’exister. Décrit par le révolutionnaire russe comme « le génie émancipateur de l’humanité » et « la seule figure vraiment sympathique et intelligente de la Bible », Satan est identifié à la révolte qu’il symbolise. Nous voyons ici en Godzilla et ses acolytes mastodontesques un souffle symbolique similaire. Et d’ailleurs Tokyo après Godzilla n’est pas si loin des ruines de 1871 à Paris après le passage incendiaire des communards.
Peut être bien, donc, que si King-Kong, Mothra et Godzilla ne sont pas effrayés par les ruines, c’est qu’ils portent dans leur cœur un monde nouveau.
Affiche polonaise pour Godzilla vs. The Smog Monster, 1971
La colline a des yeux – Wes Craven – 1977 – 90 min – USA (Vost)
Lundi 20 novembre 2017 à 19h
Bricolé à partir d’un budget dérisoire, La colline a des yeux a tout à voir avec Massacre à la Tronçonneuse ou The Devil’s Reject que nous avions projeté il y a quelques mois dans une ambiance hilare, mais avec le cœur bien accroché. Ambitieux dans ses intentions et primitif dans sa concrétisation, ce film post-Vietnam dont le déroulement a été rendu archi-classique par trente années de redites et de remakes, propose un scenario original pour l’époque : Une famille pieuse avec un bébé sur la route en camping-car et dirigée par un flic raciste du meilleur des crus se retrouve accidentellement au beau milieu d’une zone d’essais nucléaires de l’armée américaine. Contraints de quitter la route par une série de bizarreries, ils se retrouvent pourchassés par une bande de locaux, bien évidement, complètement dégénérés, anthropophages et pervers, sortes de Flintstones cannibales avec des noms divins. La famille « moyenne » ici-présente se révèle bien familiale puisqu’elle en contient tous les tabous, les dominations et les rapports pathogènes qui caractérisent son mode d’organisation. Avec ce film, c’est presque comme toujours la même problématique qui transparaît dans ce ciné-club, celle d’une sauvagerie effrayante qui révélerait en retour celle refoulée des « honnêtes gens » et de la civilisation. Ici encore, la famille dégénérée versus la famille moyenne, toutes dysfonctionnelles à bien des égards, servent à montrer que même à son stade d’organisation sociale le plus dépouillé – la famille nucléaire – cette société est pourrie jusqu’à l’os et doit être détruite pour pouvoir redevenir sauvages en nos propres termes, et non ceux d’un monde radioactif de flics, de fric et de rapports de pouvoir à toutes les échelles.
Mujeres Libres, c’est une organisation libertaire espagnole de masse qui a existé de 1936 à 1939 pendant la guerre civile espagnole et la révolution… Mais les Mujeres Libres, c’est aussi, et à ça ces 20 000 femmes ne peuvent plus grand-chose, une des quelques nouvelles coqueluches d’un certain féminisme d’aujourd’hui et en particulier des défenseurs des pratiques de « non-mixité » qui cherchent, en dépit de tout, à enraciner leur proposition politique dans une histoire des luttes révolutionnaires. A croire que s’inscrire dans une tradition historique (aussi éloignée soit-elle) est un moyen de palier à la faiblesse argumentative qui peut parfois même la masquer.
Elles n’y peuvent rien, mais pourtant leurs textes peuvent encore parler. C’est pourquoi nous sommes naïvement retournés lire ces textes, et ce que nous y avons trouvé nous semble justifier la réédition présente, assortie d’une introduction et débarrassée des notes qui, dans une édition récente, se sont donné pour étrange objectif de « corriger » les textes et d’orienter leur lecture pour les faire rentrer dans les schémas de pensée actuels de la postmodernité. Des schémas qui pourtant n’ont pas d’autre perspective que d’en finir avec celle des Mujeres Libres : la révolution (en l’occurrence, « sociale et libertaire », car il s’agit bien de militantes anarcho-syndicalistes).
Libre à chacun ainsi de relire Lucia Sanchez Saornil et de se faire un avis sur ce qu’il y aurait aujourd’hui à faire et à dire des textes de ces femmes dont la perspective explicite, comme les textes publiés ici le montrent, est d’imposer leur participation « en mixité » (avec des hommes, donc) à la lutte révolutionnaire, alors en cours dans l’Espagne des années 30.
Brochure éditée par Ravage Editions en collaboration avec le groupe de lecture de la bibliothèque Les Fleurs Arctiques à Paris, octobre 2017.
Sommaire :
Faire entrer les Mujeres Libres au panthéon du féminisme libéral ? 20 000 femmes, ça fait beaucoup… Notes de lectures sur les Mujeres Libres, la question de la « non-mixité » et le féminisme – P. 4
La récupération : Cas d’école – P.18
La Question féminine dans nos milieux Par Lucía Sánchez Saornil (1935) – p.22
Annexe : La non-mixité en question – Être en lutte ou être lutte ? – P.40
On pourra trouver cette brochure à la bibliothèque à prix libre, ou la télécharger sur le site de Ravage.
Les permanences ont lieu tous les samedis de 16h à 19h, elles sont suivies d’une projection libre les samedis 7 et 21 octobre à 18h, où vous pourrez venir avec des propositions de films… et les films en question.
Groupes de lecture
Tous les dimanches à 15h – les 8 et 22 octobre, on poursuit avec Dieu et l’Etat de Bakounine, et autour d’un texte court libre les 15 et 29 octobre.
Les dimanches 8 et 22 octobre à partir de 16h, projection par et pour les enfants !
La Bourse ou la Vie ?
Les Fleurs Arctiques s’organisent de façon autonome face à un loyer résistant et revenant mensuellement à la charge tel un ressac vengeur et la prochaine vague risque de faire mal. Depuis que, suite à une fringale subite, nous avons mangé notre mécène, la nécessité de courir après l’argent chaque mois prend une énergie dont nous avons cruellement besoin pour faire vivre les activités des Fleurs Arctiques. Poursuivant néanmoins notre principe d’ouverture, nous faisons ainsi appel à vous pour soutenir de manière protéiforme ce local orienté vers l’offensive hétérogène.
Les dons réguliers sont bien évidemment encouragés, nous avons d’ailleurs mis en place un système de souscription mensuelle à la hauteur que vous souhaitez, merci d’ailleurs à celles et ceux qui le font déjà. Il est aussi possible de faire des dons ponctuels, par courrier (nous contacter) ou sur place, ce qui pourrait permettre de se rencontrer. Tout soutien matériel et don de livres sont également les bienvenus et permettent à la bibliothèque d’agrémenter le lieu et d’enrichir sa collection de prêts. Livres anciens ou récents, raretés ou nouveautés, brochures ou tracts, revues ou articles peuvent être déposés à votre guise et discutés selon votre humeur.
La fréquence des ouvertures de la bibliothèque cherche à rendre possible rencontres et initiatives, alors n’hésitez pas à venir, seul ou en groupe, proposer discussions, réflexions, interventions, projections, groupes de travail ou séances de lecture.
En présence de compagnons de la Caisse de Solidarité avec les Compagnons Emprisonnés et Poursuivis (« Tameio ») d’Athènes, nous aurons l’occasion de discuter des modalités de défense collective face à la répression, de revenir sur les procédures en cours contre des révolutionnaires, et notamment celles construites autour de la nouvelle loi anti-terroriste du gouvernement Syriza, ainsi que d’en apprendre davantage sur les luttes en cours à l’intérieur des prisons grecques, qui, vues d’ici, sont massives. On pourra également revenir sur l’expérience enrichissante du Réseau de Prisonniers en Lutte (DAK), entres autres, dans la lutte contre les nouvelles prisons de haute sécurité (de « type C »), et sur l’affaire dite du double braquage de Velvento/Kozani en 2013 contre une dizaine d’anarchistes. On trouvera des suggestions de lecture sur le contexte des luttes anarchistes et anti-carcérales en Grèce sur le blog de la bibliothèque.
Les dons effectués lors de cette soirée seront reversés à la caisse de solidarité.
On pourra trouver les deux brochures suivantes à la bibliothèque :
White God – Kornél Mundruczó – VOST (hongrois) – 2014 – 2h
Dans un contexte qui a toutes les caractéristiques du génocide racial, de sa logique gestionnaire et concentrationnaire à la création de figures stéréotypées en passant par la fabrication de l’oubli même de ce génocide, White God nous raconte l’histoire d’amitié entre une inadaptée et un exclu pour nous interpeller sur des questionnements bien plus généraux. Il nous offre également le récit étonnant d’une insurrection urbaine canine, dans laquelle la main qui nourrit est enfin mordue, et dans laquelle on voudrait abolir les races et donc la bâtardise et les séparations/hiérarchies entre exploités qu’elles produisent. Car s’il fait écho à la situation politique hongroise, le film s’en saisit pour nous parler plus largement d’exploitation et d’aliénation, qu’elles soient institutionnelles ou interindividuelles, légales et officielles ou illicites et « alternatives ». Ainsi Lili, une jeune fille, ne trouve sa place dans aucun des deux mondes qui lui sont proposés et Hagen, un chien, se voit autant exploité par l’Etat que par des voyous. On constate que tous les rapports interpersonnels au sein de ces sphères qui se voudraient opposées reproduisent les mêmes schémas utilitaristes. Musicalement baigné dans les notes de la deuxième rhapsodie hongroise de Liszt, le film fait évoluer la signification de celles-ci à mesure que l’on découvre la réalité du monde. Tout d’abord apaisantes, elles deviennent rapidement celles de la normalisation, de l’autorité et de la coercition avant de représenter dans une version cartoonesque, comme une mauvaise blague, l’horreur d’un système. À ce morbide tableau le film oppose la camaraderie entre chiens opprimés, la nécessité de la vengeance et son dépassement par la révolte joyeuse. De nombreuses questions propres au processus de révolte sont abordées au cours du film, et si la scène finale devait ne nous en poser qu’une ce serait celle-ci : La reconnaissance des revendications spécifiques par l’autorité doit-elle pour autant arrêter le mouvement de révolte qui en est né ?
Lors d’une première discussion, la question de la non-mixité — vue ici comme une idéologisation d’états de faits qui ont effectivement existé dans les luttes, sans nom ou sous un autre — a été ouverte. Il s’agissait entre autres de cerner ce qui différencie l’auto-organisation et la non-mixité, alors même que cette dernière se revendique parfois de la première. Cette réflexion se conçoit comme un travail à poursuivre, ici ou ailleurs, sous divers angles, par des débats, des textes, des discussions publiques, etc. Pour continuer, nous proposons d’ores et déjà une deuxième occasion d’en débattre le 21 octobre 2017, avec pour projet d’aborder plus précisément divers exemples historiques de formes d’auto-organisation souvent assimilées (aujourd’hui, donc a posteriori) à de la « non-mixité » et qui pourtant ne se sont pas pensées et théorisées comme telles, comme les Mujeres Libres en Espagne, les luttes indigènes (dans le vrai sens du terme) contre la colonisation ou les « collectifs autonomes » de sans papiers au milieu des années 90 en France. On commencera aussi à discuter de l’exemple cité comme un mantra — malgré sa complexité historique et sociale — par certains des plus radicaux dans la défense de la non mixité : le Black Panther Party.
Comme la première fois, il ne s’agira pas d’épuiser la question mais bien plutôt de poursuivre une proposition de réflexion dont chacun doit pouvoir se saisir, quel que soit le positionnement sur la question. Il n’est pas nécessaire d’avoir participé à la première discussion.
On pourra lire le texte d’appel ici, une brochure réalisée pour l’occasion là, ainsi qu’une contribution à la discussion.
Les permanences ont lieu tous les samedis de 16h à 19h, elles sont suivies d’une projection libre les samedis 9 et 23 à 18h, où vous pourrez venir avec des propositions de films… et les films en question.
Groupes de lecture
Les groupes de lecture ont lieu tous les dimanches de 15h à 17h. Nous continuerons avec « Dieu et l’État » de Bakounine les dimanches 10 et 24, et on pourra choisir ensemble un texte court le dimanche 17.
La non-mixité est une proposition politique née dans certains courants du féminisme. Il s’agit, dans un paradoxe qui pose déjà question en lui-même, de s’organiser entre soi sur la base d’une catégorisation à laquelle on est censé s’opposer. S’organiser « entre femmes » serait par exemple la solution pour s’opposer aux formes de domination liées à la séparation des genres, alors qu’on contribue ainsi à l’instituer. La généralisation de lectures identitaires étend de nos jours son acception à toutes formes d’identité qui chacune justifierait sa forme d’organisation non-mixte dans une optique de différentiation et de séparation. Cette proposition politique pourrait être vue comme une dégénérescence de la pratique de l’auto-organisation, qui, dans un contexte de lutte (dont la non-mixité n’aurait pas besoin puisqu’elle fait lutte en soi et pour soi), propose le refus de l’organisation de la lutte par d’autres que ceux qui la mènent. D’ailleurs c’est parfois toute l’histoire des luttes des dernières décennies et de leur recherche d’autonomie qui se retrouve réduite au prisme de cette lecture. Quand les uns ou les autres s’organisent en collectif de manière autonome, certains parlent alors de « non-mixité ouvriers », de « non-mixité chômeurs », voire de « non-mixité squatters » et on naît « premier concerné » avant même d’avoir l’idée de se révolter ou de lutter. Continuer la lecture de « La non-mixité en question : Être en lutte ou être lutte ? »