L’épisode d’Haymarket square
Samedi 5 mai à 19h
Il y a maintenant un peu moins d’un an était diffusé sur Arte le documentaire Ni Dieu ni Maître – Une histoire de l’anarchisme de Tancrède Ramonet. Dans une période de misère politique, alors que la mainmise sur l’histoire des luttes et des mouvements révolutionnaires reste le dernier bastion auquel s’accroche le vieux Parti Communiste, ce documentaire qui se présente comme une « réhabilitation de l’anarchisme » (!) a été accueilli plutôt positivement dans les milieux militants et institutionnels. En période de disette, tout n’est pas pour autant bon à prendre. S’il nous a semblé nécessaire de réaliser une lecture critique de cette « histoire de l’anarchisme » tout public, au-delà des imprécisions et des erreurs grossières qui perlent ce documentaire de bout en bout, c’est d’abord pour ce que ce travail véhicule comme lecture identitaire de l’anarchisme, mais également parce que son optique est la réhabilitation de celui-ci dans le cadre de l’historiographie stalinienne à la française, opérant ainsi la liquidation de ce qu’il peut en rester de subversif pour aujourd’hui.
Nous proposons plus spécifiquement ce soir, de discuter de ce que les auteurs de ce documentaire font aux évènements d’Haymarket Square en 1886 à Chicago, épisode historique et insurrectionnel qui servira jusqu’à nos jours de symbole du 1er Mai. Nous verrons comment, celles et ceux que l’on nous présente dans le documentaire comme dans de nombreux fascicules libertaires ou d’Etat, comme de doux agneaux, martyrs intégraux de la cause des travailleurs, innocents dans l’âme : les dits « martyrs » de Haymarket, étaient en fait, comme beaucoup d’autres insurgés de ces temps agités, de simples anarchistes et révolutionnaires, ni innocents ni coupables, ni héros ni martyrs, qui ce jour-là, avaient pris la décision courageuse d’une tentative insurrectionnelle armée à Chicago. Tentative qui se soldera par un échec, et la mise à mort tragique de plusieurs des participants, assassinés par la justice. Un épisode malmené par de nombreux historiens, qu’ils soient universitaires ou libertaires, souvent malmené par les révolutionnaires eux-mêmes, que ce soit par ignorance (entretenue par un mouvement libertaire organisé amorphe et content de lui, mais à l’article d’une mort certaine), ou par préférence d’une version victimaire et édulcorée d’un épisode qui devrait plutôt inspirer la fierté que la réécriture innocentiste et légitimiste.
Une toute autre « version » : la vérité, porteuse d’un autre monde, dans laquelle ce ne sont pas des flics et des complots qui posent des bombes, mais bien les révoltés, pourra s’exprimer ce soir contre la démarche de muséification et de javellisation bourgeoise de l’histoire des luttes à l’œuvre dans ce documentaire comme dans toute dynamique de « réhabilitation » de la violence révolutionnaire aux yeux de l’Etat et de la bourgeoisie.
A travers cette réduction de l’anarchisme — comme on réduit une tête chez les Jivaros —, c’est la perspective révolutionnaire en elle-même qu’on travaille à liquider, quelle que soit la manière dont on peut la formuler et la concevoir. C’est la nature subversive de l’anarchisme (que l’on retrouve chez les insurgés d’Haymarket) et la nécessité révolutionnaire face aux alternatives post-capitalistes et para-étatiques (promues dans ce documentaire) que l’on attaque pour mieux les enterrer sous des piles de vieux livres.
Nous proposons un moment de discussion autour de toutes ces questions le samedi 5 mai 2018 à 19h à la bibliothèque révolutionnaire Les Fleurs Arctiques, 45 Rue du Pré Saint-Gervais, 75019 Paris – Métro Place des Fêtes (lignes 7bis et 11 du métro).