Dimanche 7 janvier 2018 à 19h
Il y a maintenant un peu moins d’un an était diffusé sur Arte le documentaire Ni Dieu ni Maître – Une histoire de l’anarchisme de Tancrède Ramonet. Dans une période de misère politique, alors que la main mise sur l’histoire des luttes et des mouvements révolutionnaire reste le dernier bastion auquel s’accroche le vieux Parti Communiste, ce documentaire qui se présente comme une « réhabilitation de l’anarchisme » a été accueilli plutôt positivement dans les milieux militants et institutionnels.En période de disette, tout n’est pas pour autant bon à prendre.
S’il nous a semblé nécessaire de réaliser une lecture critique de cette « histoire de l’anarchisme » tout public, c’est d’abord pour ce que ce travail véhicule comme lecture identitaire de l’anarchisme, mais également parce que son optique est la réhabilitation de celui-ci dans le cadre de l’historiographie stalinienne à la française opérant ainsi la liquidation de ce qu’il peut en rester de subversif pour aujourd’hui.
La vision de l’anarchisme qu’il défend participe activement à la déconstruction en cours de l’héritage révolutionnaire dans lequel on nous propose de venir piocher des figures quasi-mythologiques pour consolider une construction idéologique qui ne fait rien d’autre que valider le présent, et cette mythopoiésis en carton nous semble caractéristique d’un rapport au passé mais encore plus d’un rapport au présent désastreux.
Il ne s’agit pas pour nous de défendre le pré-carré d’une quelconque identité anarchiste ou la pureté d’un courant philosophico-politique — d’ailleurs bien malmené en tant que tel par la perspective de vulgarisation de ce documentaire —, et c’est d’un point de vue révolutionnaire que nous avons commencé à y réfléchir. A travers cette réduction de l’anarchisme — comme on réduit une tête chez les Jivaro —, c’est la perspective révolutionnaire en elle-même qu’on travaille à liquider, quelle que soit la manière dont on peut la formuler et la concevoir. Déconstruire ce documentaire concerne donc tous les révolutionnaires qui n’acceptent pas de se laisser bercer et endormir dans cette époque qui voudrait faire de la révolution un souvenir du passé qui prend la poussière comme des castagnettes sur une cheminée et qu’on regarde de temps en temps avec nostalgie avant de la mettre au grenier quand on ne se souviendra même plus de quoi il s’agit.
Réfléchir autour de ce que ce documentaire fait à la révolution, c’est une occasion à saisir pour réinsuffler de la vie au refus de ce monde, qui a une histoire dont l’anarchisme fait assurément partie. C’est œuvrer à la construction des bribes d’une autre histoire complexe, pleine de contradictions et riche de possibles multiples, la nôtre, et la reparcourir du point de vue d’un présent qui en a grand besoin. Il s’agit donc aussi de refuser les pratiques de muséification de l’histoire et de la praxis révolutionnaires à l’œuvre dans cette époque.
C’est autour de ces thématiques que nous proposons de réfléchir ensemble le pour une session de travail publique afin de présenter le travail en cours, d’en discuter plus largement et d’envisager ensemble les perspectives à lui donner.
On pourra également discuter, au travers des informations délivrées lors de la promotion des deux premières parties, du troisième volet du documentaire consacré à l’anarchisme d’aujourd’hui et intitulé « Les Réseaux de la colère », actuellement en recherche d’un diffuseur.