The Village

M. Night Shyamalan – VOSTF (USA) – 2004 – 1h48
Mardi 21 mai 19h

 

Un village vit isolé dans aucun lieu et aucune époque, séparé de tout monde par la peur panique de « ceux dont on ne parle pas » (« those we don’t speak of »). Un village où la peur est apprise, transmise et entretenue, nécessaire pour protéger, garder en sécurité et permettre de vivre, et empêcher tout rapport à l’ailleurs et à l’altérité. Autour de cette peur s’organisent le bien et le mal qui règlementent la vie de chacun et auxquels tous obéissent. L’obéissance y est présentée comme une condition de la survie. Jusqu’à ce qu’une nécessité plus impérieuse oblige à percer ce mur, réel et virtuel à la fois, à l’intérieur duquel tous sont enfermés. Ce thriller très réussi emmène le spectateur à travers cette peur et cette obéissance jusqu’à ce que la dystopie opère et révèle ce que ce village a de commun avec notre monde et nous fasse percevoir alors comment les rapports de pouvoir, le maintien dans l’ignorance, les constructions morales et superstitieuses opèrent pour maintenir l’existant à tout prix et à quel point l’émancipation passe par la nécessité de traverser la peur et l’angoisse, à partir du moment où on vit dans un monde qui perdure en nous faisant croire que toute altérité est dangereuse.

L’enfance dans et contre l’école

Samedi 25 mai 19h

 

Dans les précédents programmes, la question de l’école a fait l’objet d’un cycle, de textes, et bientôt d’une discussion. Parce que l’école, avec le monde, change et se transforme, que l’école « de droite » traditionnelle dont nous pouvons bien imaginer les méfaits a laissé progressivement place après mai 68 à une école qu’on peut dire « de gauche » intégrant bon an mal an des aspects non négligeables des pédagogies alternatives, et qui pose bien évidemment des problèmes différents ou pas si différents, et change la donne, en quelque sorte s’adapte et nous adapte de mieux en mieux à la bonne gestion du monde. Prétendant proposer une alternative à cette école « de droite », dure, inhumaine et, avec les élèves comme rouages, ou de la caserne, comme le disait Fernand Oury, l’école que nous connaissons aujourd’hui se trouve plus « compréhensive » de l’enfant, accompagnante, multipliant les dispositifs d’aide dite « personnalisée », cherchant à diagnostiquer et à traiter le plus tôt possible les dysfonctionnements dans les apprentissages et autres « déviances », mais elle se trouve de plus en plus insidieuse dans ses fonctionnements, elle vient regarder au plus près de l’être de l’enfant, et la frontière rendue diffuse de l’autorité ne l’abolit pas pour autant. Ces changements qui suivent l’époque nous intéressent donc, afin de complexifier le « A bas l’école », de ne pas en faire un simple slogan, mais d’analyser l’école, de la comprendre et de la penser. La question de l’évaluation, se basant de moins en moins sur les notes dures et froides mais plutôt sur les compétences et le travail, la porosité toujours plus grande entre le monde de l’entreprise et l’école, avec les stages comme grand exemple, moment où ton école t’envoie au travail tout en continuant de t’y surveiller, et ou le travail te surveille pour l’école, moment où le jeune lycéen apprend à vivre dans et pour le monde du travail, la position des professeurs, à la fois amicaux et conseillers d’orientation, punitifs et dépositaires de l’apprentissage, sont autant de pistes de réflexions, de choses dont il est important de discuter, qui sont le reflet sinon une partie primordiale de ce monde. Elles nous permettent de voir combien les vieux rapports d’autorité sont laissés intacts sous des formes d’éducation nouvelles.

A bas l’école et vive l’enfance !

Programme de mars à mai 2019

Télécharger le programme de mars à mai 2019 en A3 pour impression

  • Permanences : vendredi de 16h à 19h et dimanche à partir de 15h
  • Ciné-club : mardi à 19h
  • Groupes de lecture : dimanche à 16h30

 

Edito :

La Révolution… et vivre sans l’attendre

Le mouvement des Gilets Jaunes se poursuit, alors même que le gouvernement, habitué à ce que les mouvements se terminent à partir du moment où les médias l’annoncent, avait cette fois mis le paquet sur la com’ avec son « grand débat », victoire de la parole démocratique libérée, pour les « gentils mécontents », espérant ainsi les séparer des « casseurs » à coup d’arrestations, de procès à tout va, de peines de prison, de blessures et de mutilations. Mais rien ne s’arrête, et lors des dernières manifs, en particulier celle du 16 mars, divers épisodes émeutiers ont éclaté, notamment sur les Champs Elysées, ravagés par la casse et par de joyeux pillages, le temps d’un acte. Un mouvement dans lequel le certain et l’incertain se côtoient et dont l’intérêt (mais pas seulement…) tient plutôt à ce qui continue à y rester flou (les manières de s’organiser ou pas, une certaine rage qui s’exprime de manière multiforme…) qu’à ce qui semble maintenant bien installé dans le mouvement (le « peuple » uni comme force agissante avec ses drapeaux français et ses « ennemis invisibles », l’absence de la question migratoire sauf sous la forme de replis xénophobes assumés, les grilles de lectures populistes et conspirationnistes qui trouvent une place très inhabituelle dans un mouvement social).

Il nous semble important, dans un temps différent que celui des actes ritualisés du samedi, de prendre un peu de recul et de proposer de retraverser des questions qui se posent à ce mouvement comme à tous les autres, plus encore peut-être dans la mesure où il emprunte peu les voies royales de la contestation de feu le mouvement ouvrier, des questions propices à la mise en œuvre de la question révolutionnaire. C’est ainsi qu’on évoquera le 31 mai la question toujours ouverte (ou du moins dont il faut se méfier des tentatives de la refermer…) de ce qu’implique s’organiser ou refuser de le faire, en se demandant que faire aujourd’hui de la question de l’organisation ? Pour partir de ce qui infuse aujourd’hui nombre d’expériences existancialo-militantes, on pourra relire pour cette discussion la Tyrannie de l’absence de structure, texte phare du tournant réactionnaire des nouvelles théories de l’oppression aux Etats-Unis.

Dans la même optique, on discutera le 6 avril de la question, primordiale dans notre époque, de la réaction et de son odeur de pourri, qui gangrène aujourd’hui par tous les bouts et même les plus extrêmes un champ politique déboussolé, et dont les contours ne semblent plus à tous évidents alors même que ses caractéristiques liées au maintien de l’existant (xénophobie, autoritarisme, judiciarisme…) et à la peur de tout ce qui pourrait le transformer, sont bien identifiables. On repartira aussi de cet effet de déboussolement dont certains profitent pour agiter à nouveau de vieilles lubies léninistes pour évoquer le 11 mai la question de l’avant-gardisme sous toutes ses formes.

Et puis, le 19 mai on abordera plus frontalement la question centrale qui nous réunit, à partir d’expériences et de points de vue divers, dans cette bibliothèque, celle des perspectives révolutionnaires, en commençant par se demander si la Révolution est un mirage à partir de Vers les mirages, texte publié dans L’anarchie en 1911 et signé Le Rétif (alias Victor Serge) et d’autres contributions anciennes ou produites pour l’occasion, dans une discussion qui ouvre un cycle sur la question Révolutionnaire, qui traverse déjà l’ensemble de nos réflexions et qui se poursuivra dans les temps à venir.

En poursuivant une réflexion en cours sous diverses formes à la bibliothèque, on parlera le 25 mai de l’école telle qu’elle est aujourd’hui, des manières par lesquelles elle cherche à nous adapter à ce monde dans l’optique de trouver des biais par lesquels on pourrait l’attaquer.

  • Pour le plaisir et parce que les images du temps d’après la catastrophe que peut inventer le cinéma en disent beaucoup sur ce monde qui n’en finit pas de ne pas se détruire, on commence au ciné-club une série de projections autour du genre post-apocalyptique, pendant que se poursuit le cycle sur les Kaïju, ces créatures qui nous montrent magnifiquement comment un monde se termine. Quelques-unes des autres thématiques déjà évoquées au ciné-club trouveront aussi des échos dans ce programme, comme celle par laquelle nous avions commencé, la famille et la communauté, et leur domination de proximité mais tellement effective et pathogène.
  • Dans les groupes de lecture qui se poursuivent le dimanche à 16h, nous continuerons à lire des textes variés, en nous concentrant pour une partie des séances sur des textes autour de l’anti-psychiatrie et plus largement de réflexions autour de la folie et du soin, à repenser sans doute à l’aire du « safe » dans laquelle l’indifférence, la moquerie, le harcèlement et le « trollage » circulent bien plus que l’attention. Nous continuerons aussi à nous intéresser dans ce cadre à l’effervescence post-68, les deux sujets n’étant pas déconnectés.
  • Nous avons récemment réorganisé la distribution de livres, brochures et périodiques, nous sommes preneurs de suggestions d’ouvrages à distribuer et le catalogue est consultable sur notre site. Il est possible de commander par courrier ou mail, ou de passer à la bibliothèque aux heures où elle est ouverte pour feuilleter ce que nous avons.
  • Enfin, les permanences qui se tiennent pour cette période le vendredi de 16h à 20h et le dimanche à partir de 15h sont des moments où il est possible de nous rencontrer, de discuter de tout ce qu’on voudra ou presque, de proposer des initiatives diverses qui pourraient prendre place dans ce lieu, d’emprunter des ouvrages en prêt ou de se procurer des textes en diffusion.

Au plaisir de vous y rencontrer !

 

[Distro] Des Ruines n°3/4 (double) – Début 2019

Revue disponible à la bibliothèque

Nous recevons et diffusons :

Nous sommes heureux d’annoncer, après une longue absence, quelques complications et un travail de plusieurs années, la sortie d’un double numéro de la revue anarchiste apériodique mais loin d’être prématurée Des Ruines, au format A4 relié et avec cette fois-ci 308 pages et trois grands dossiers. Des Ruines se donne toujours pour ambition de remuer les réflexions, recherches et débats autour des perspectives révolutionnaires anarchistes et antiautoritaires ; certains débats vifs et d’actualité, certains autres intemporels ou laissés de côté et exhumés pour l’occasion. Elle a besoin de vous pour être lue et distribuée, contactez-nous.


 

On peut télécharger les quinze premières pages de la revue au format PDF (couverture + édito + sommaire) en cliquant sur la couv à gauche.

 

Voici le sommaire en image  :

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Brève réponse à une « attaque » discursive

« L’esprit humain est capable de tout »
Maupassant

« Les autres changent, nous on ne change pas ! »
Slogan martelé par les cortèges de la CNT des années 90

          Avis de tempêtes, « bulletin anarchiste pour la guerre sociale », publie dans son numéro 14 son avis sur la dernière brochure co-éditée par les Fleurs Arctiques et Ravages Editions : Contre l’anarcho-libéralisme et la malédiction des Identity politics. C’est dans la rubrique « Le coffre aux perles », le titre c’est « lost in space », et c’est une attaque manipulatrice, irraisonnée, haineuse, indiscriminée pourrait-on dire, non seulement d’un texte (en fait plus exactement de la traduction collective d’un texte précédée d’une introduction qui rend compte des discussions qu’a suscité ce travail de traduction au sein d’un groupe de lecture réunissant une dizaine de personnes, mais la « critique » acerbe n’en tient et n’en rend pas compte), mais aussi d’un lieu, d’un projet, et, comme le bazooka cherche aussi paradoxalement la précision dans le tir, d’une des personnes, ciblée quasi-ouvertement, qui participent à ce lieu. Alors il nous faut répondre, brièvement, parce que ce qui est dit est malhonnête, mensonger, et à vrai dire autoritaire, détestable et indigne à tout point de vue. Continuer la lecture de « Brève réponse à une « attaque » discursive »

[Brochure] Contre l’anarcho-libéralisme et la malédiction des Identity politics

Ce texte a été publié sous forme de brochure sur un site qui lui est consacré (wokeanarchists.wordpress.com) le 25 novembre 2018 par des compagnons du Royaume-Uni se présentant comme «  anarchistes auto-déterminés résistant à la cooptation de notre mouvement par le libéralisme, l’université et le capitalisme  ». Nous ne traduisons pas ce texte par communion politique fondamentale (par exemple l’égalitarisme politique et la fondation de sociétés futures ne sont pas des préoccupations pour nous), mais afin d’apporter de l’eau au moulin des débats actuels sur les questions identitaires au sein des milieux radicaux d’extrême gauche. En effet, il nous semble que cette question, qui est ici abordée sous l’angle de la manière dont les Identity politics vident l’anarchisme de son sens, concerne bien plus largement tous ceux qui s’intéressent aux perspectives révolutionnaires. Ce texte nous a aussi intéressé parce qu’il évoque courageusement, à partir d’expériences concrètes, les conséquences délétères pour l’élaboration théorique et pratique de la diffusion de ces «  idéologies de l’identité  », et la manière dont cette question fait l’objet d’une sorte de tabou discursif pendant que s’installent des pratiques d’exclusions brutales, d’accusations sans appel et de judiciarisation sans place pour la défense. Le processus décrit dans ce texte envahit depuis quelques années la plupart des aires subversives et on voit s’y développer, en même temps qu’une obsession affichée pour le «  safe  » vu comme un ensemble de principes abstraits, une indifférence à la réalité parfois terrible des relations telles qu’elles existent et circulent dans les milieux «  déconstruits  ». [Extrait de l’Avant-propos des traducteurs]

Against Anarcho-Liberalism and the curse of identity politics, 25 novembre 2018. Traduit, introduit et annoté de l’anglais de Woke Anarchists par le groupe de lecture des Fleurs Arctiques (bibliothèque révolutionnaire à Paris) et Ravage Editions, décembre 2018.

Brochure téléchargeable ici et physiquement disponible à la bibliothèque.

Street Trash

Jim Muro – 1987 – USA (vost) – 1h40
Mercredi 12 décembre 19h30

Avec son mauvais gout assumé, son lumpenprolétariat urbain dézingué, ses clochards fondus, ses punks psychopathes, son Amérique décompo-reaganisée et post-guerre du Vietnam, ses couleurs fluos omniprésentes, ses eighties plus dégueulasses que jamais, ses situations et personnages cartoonesques et gore, et sa maitrise technique inattendue (plans en steady-cam à la fois ultra-efficaces et novateurs – son réalisateur, dont c’est ici l’unique film, deviendra par la suite le Mr Steady-cam d’Hollywood chez Scorcese, Cameron, etc.), ce film, aujourd’hui connu seulement de quelques forcenés du cinéma bis et d’esthétique Thrash metal de la fin des eighties (dont l’imagerie semble directement sortie de ce film), est un film culte à mettre entre toutes les mains averties.
A la fois burlesque, satyrique et gore, dans la lignée d’Evil Dead (Sam Raimi, 1981) ou Braindead (Peter Jakson, 1992), ce film fauché mais méticuleux, participe de ce cinéma de bricolage transgressif et subversif par la finesse étrange de critiques sociales cachées sous des litres bourrins de tout ce que ce monde tient comme aux antipodes de cette même finesse, comme douteux, ignoble, indélicat, immoral et subversif. Non loin du cinéma de John Waters (sur lequel nous nous pencherons prochainement dans ce ciné-club), nous sommes ici projetés dans la vie de deux jeunes clochards vivant dans une décharge, dans laquelle tout le monde veut leur peau (et dans ce film, tout le monde veut la peau de tout le monde), et dans laquelle vient de commencer à se diffuser un nouvel alcool, le « Viper », liquéfiant immédiatement ses consommateurs et provoquant la mort dans des explosions visuelles imprévisibles et inoubliables. Des points de vue sur l’alcool, la normalité la misère sociale et le dénuement humain qui rappelleront la projection de Wake in Fright lors d’un cine-club endiablé et de joyeuse mémoire à la bibliothèque.

A propos du « mouvement des gilets Jaunes »

Samedi 15 décembre 18h

Un moment pour faire le point, confronter analyses expériences éventuelles et points de vues autour de ce « mouvement des gilets jaunes » dans lequel la tentation semble exister de se jeter à corps perdu, et qui nous semble pour le moins poser question, surtout depuis qu’il prend des formes « émeutières » – mais seulement le week-end, parce que le lundi, la France bosse. C’est sans doute l’occasion de mettre la notion de radicalité à l’épreuve de l’époque et de ce qui s’y passe. La question de l’intervention se posera aussi. Quelle possibilité de dépassements peut-on envisager dans ce qui semble s’être développé sur les bases d’un « mouvement de droite » (notion à discuter). On pourra également se demander ce qu’implique le choix d’y participer sans avoir ce genre de réflexion. Plusieurs textes publiés ici ou là, à partir de divers points de vues et dans des perspectives variées, pourront venir nourrir la discussion, qu’on espère contradictoire, persuadés que nous sommes que rien n’est joué et que tout reste à penser, repenser et à faire, et que des espaces manquent pour s’y préparer et confronter les points de vue.

Et d’ailleurs, le gilet jaune, ça se porte au-dessus ou en dessous du Kway noir ?

L’argent de poche

François Truffaut – 1976 – 1h45
Mercredi 9 janvier 19h30

Au milieu des années 70, dans une petite ville de province, des enfants vivent, s’ennuient, s’amusent, s’aiment, vont au cinéma, à l’école, jouent la montre jusqu’à la sonnerie pour éviter de répondre à une question de leur institutrice, bref, essayent de se frayer un chemin entre l’école et la famille, et de trouver la liberté de grandir enfin. Pour l’un d’entre eux, c’est terrible, et, entre la maltraitance familiale et l’indifférence institutionnelle, ça pourrait finir mal. Un regard sur la vie des enfants, en somme, dans ce qu’elle a de banal et d’extraordinaire, de terrible et de joyeux, ce à quoi ils doivent faire face et comment ils peuvent s’en sortir, ce qui les aide ou au contraire les enfonce. Ce n’est pas la première fois que Truffaut filme l’enfance. Ce film, beaucoup moins connu que Les 400 coups, sans doute moins iconique, est aussi d’une certaine manière beaucoup plus réaliste, et pas seulement parce qu’il le tourne avec une majorité d’acteurs non professionnels. Mais, comme dans Les 400 coups, ce réalisme ne l’empêche pas d’en faire un hymne à la liberté de l’enfance et une critique radicale de ce qui l’entrave.

La révolution est-elle soluble dans la gestion des risques ?

Vendredi 11 janvier à 19h

 

Depuis les années 2000, une nouvelle logique que l’on pourrait appeler « assurancielle » se développe et vient ajouter son expertise à l’arsenal coercitif qui peaufine la mise au travail et au pas de tout un chacun. En effet dans des domaines aussi variés et lourds de conséquences que l’assurance chômage avec le PARE (plan d’aide au retour à l’emploi) et la sécurité avec les Lois de sécurité quotidienne (matrice des dispositifs répressifs actuels), la question n’est plus de rémunérer les chômeurs au pro-rata de ce qu’ils ont travaillé, ou de punir les délinquants et criminels en fonction d’une échelle morale du bien et du mal, elle devient de gérer les populations au mieux des intérêts de l’État et du capital. Mesurer le risque de perdre de l’argent, du temps d’exploitation, etc. et y remédier : le projet est finalement assez rationnel. Comment prendre le moins de risque possible ? Comment perdre le moins de jours de mise au travail ? Comment arrêter à moindre frais ceux qui mettent en péril la bonne marche de ce monde ? Voilà ce qui régit les lois qui règlementent nos vies. Et si, pour arrêter les banlieusards en joggings qui manquent de « civilité », c’est plus simple dans les transports parce qu’ils ne prennent généralement pas de ticket, on instaurera des peines de prison pour les récidivistes de la fraude. C’est ce qu’on appelle une logique proactive. Pour l’affiner et la rendre de plus en plus efficace, les laboratoires de sciences sociales travaillent main dans la main avec les services de sécurité et de répression, le tout pour nous gérer au mieux.
Et c’est l’entièreté de notre vie à tous qui se retrouve enserrée dans les mailles de cette gestion.
Plus encore, c’est une vision du monde dans lequel on vit qui se retrouve envahie par cette logique délétère. Pour s’adapter à ce monde, chacun doit désormais gérer au mieux sa petite personne, les risques qu’il prend ou qu’il fait courir, ses efforts, ses déplacements, ses colères, ses passions, ses amours, et rentabiliser l’ensemble. L’ensemble des rapports sociaux se retrouvent asservis à des formes de contractualisation. La perspective, c’est la sécurité, l’assurance. C’est-à-dire au fond que tout reste pareil. Rien n’est pire que la surprise, l’imprévu, qu’on conjure par la prière du contrat. Vivre dans ce monde, c’est apprendre à se préserver, se ménager, s’économiser.
Reste qu’à ce petit jeu de la sécurisation, on y perd beaucoup, et en particulier le goût à tout ce qu’on ne connaît pas encore, à tout ce qui peut mettre en danger le confort, même très précaire, du petit trou dans lequel ce monde nous a proposé de nous installer. On y perd le goût de la singularité de l’expérience, irréductible à ces petits calculs de rentabilité, on y perd l’attrait pour l’inventivité, pour ce qui change, on y perd toute impatience pour ce qui bouleverserait ce monde.
Les milieux subversifs ne sont pas en reste, qui nous assaillent d’injonction à la contractualisation, en amitié, en amour, en politique. Et là, ce qu’on risque d’y perdre, c’est justement l’amitié, l’amour… et la révolution.

C’est de tout cela qu’on propose de discuter le vendredi 11 janvier, parce que pour commencer à vivre enfin contre ce monde, il va falloir comprendre comment se désinserer de ces logiques qui prétendent garantir notre survie en nous empêchant de vivre.