Les paradis artificiels – vendredi 8 Juin à 19h

Vendredi 8 Juin à 19h

 

L’expression de paradis artificiels proposée par Charles Baudelaire dans son essai du même nom est largement redondante : tout paradis est artificiel. Mais cela n’enlève rien – au contraire – à la charge poétique de la locution qui, à son origine, désignait les stupéfiants. Nous l’entendrons ici dans un sens plus large, quoi que non figé, qui pourrait être résumé par : ce qui donne l’impression de pouvoir – pour un moment – s’échapper de ce monde. De fait, fumer des joints régulièrement tout autant que courir 10 km en sortant du boulot peuvent s’avérer être des paradis artificiels en tant qu’ils contribuent à mieux nous faire accepter la merde quotidienne.

Il ne s’agira donc pas dans cette discussion de se limiter aux stupéfiants ni de tomber dans une condamnation morale, culpabilisatrice et simpliste de la place que chacun donne à ses paradis artificiels mais de penser leur rôle central dans la pacification sociale et la résignation généralisée, comme un rapport détaché avec l’existant qui prend le pas sur le réel. Respirer, penser à autre chose, se couper des autres (ou s’y relier dans l’isolement), prendre du recul sur sa propre existence et sur les problèmes qui l’accompagne : on pourrait sans trop se tromper dire que tout le monde peut avoir besoin de béquilles ou de prothèses pour tenir le coup. Mais, de la même manière que la récré et les loisirs servent à nous rendre bien dociles au cours de l’année scolaire ou de travail, ces moments de désertion illusoire du monde ne devraient pas servir à nous faire mieux supporter la réalité de ce dernier. Accepter les pires conditions de travail pour être « libre » cinq semaines par an, n’est-ce pas précisément ce sur quoi repose notre propre asservissement ?

L’alcool, la drogue (qu’elles soient dites « dures » ou « douces »), l’amour, la littérature, la télévision, la religion, le sexe, la politique, le divertissement, la chimie sur ordonnance, le travail, l’idéologie et la théorie, la technologie, le virtuel, la philosophie, l’art, la culture, le jeu, l’hygiène, etc. Mais aussi, peut-être, l’enfermement dans la normalité parallèle de l’alternative. Toutes ces choses sont-elles bien des paradis artificiels ? Il serait bien triste de le penser si cela implique de refuser tout plaisir ou toute aide pour supporter ce monde. Plutôt que d’interroger ce qui serait l’essence de chacune de ces pratiques, il peut être plus intéressant de questionner notre rapport à ces dernières.

Il s’agira donc de discuter, dans une perspective révolutionnaire et en réfractaires à ce monde, des limites des paradis artificiels, de la notion de réel et de notre rapport à ce dernier.

A l’époque de la post-modernité, les paradis artificiels affinent leur rôle plus que jamais et prospèrent de la chute des grandes hypothèses révolutionnaires. Poser la question des paradis artificiels, c’est ainsi poser la question du refus de ce monde et des perspectives que ce refus propose : la fuite dans un ailleurs illusoire ou la confrontation ici et maintenant.

Tout ceci ce questionne, bien évidemment, et se discute, se réfléchit, en s’évitant à tout pris la forme groupe de parole.

Tout texte, extrait vidéo ou audio, musique ou autre qui puissent nourrir la discussion sont bienvenus et pourront être partagés le soir de la discussion.

Nausicaä de la vallée du vent – lundi 25 juin à 19h

Hayao Miyazaki, 1984, vostfr, 1h56

lundi 25 juin à 19h

« Je ne peux pas croire qu’il s’agisse de la même personne… sous le coup de la colère, elle n’est plus elle-même. On dirait un ômu brûlant d’une rage destructrice…»

Mille ans auparavant, les dieux guerriers ont détruit la terre en sept jours de feu (à voir dans Giant God Warrior Appears in Tokyo, produit par les studios Ghibli en 2012, et projeté au début de chaque ciné-club du présent cycle sur les Kaijus). Le vivant et ses insectes ont repris le dessus, et la fukai, cette gigantesque forêt qui ne cesse de gagner du terrain, envahit tout, rase les villages avec ses spores toxiques. La forêt pourrit l’air, rendu donc irrespirable sans masques à gaz. C’est dans ce monde post-apocalyptique remplis de Kaijus que Nausicaä vit et respire dans une vallée balayée par des vents salvateurs. Tout cela apparemment sans heurts… Si ce n’est l’avancée de la fukai mystérieuse d’un côté et celle de la malveillance dominatrice humaine de l’autre.

Un monde ravagé, ou subsiste un éclat d’espoir, un monde qui tue l’humanité, des animaux géants qui laissent parler leur rage incompréhensible, des champignons toxiques d’une beauté propre à l’imagination de Hayao Miyazaki, c’est ce que propose cette dystopie de 1h50. S’y joue la cruauté humaine qui fait loi dans ce monde, une réflexion sur la nature d’un monstre, d’un Kaiju.

L’innocence bienveillante fait face à la peur, à la répulsion, et la domination, au pouvoir. Nausicaä, à la manière d’un renard-écureuil ou d’un Omu, fait face à ce monde en montrant les griffes et des yeux rouges, ou calmement et le regard paisible. C’est dans ce film l’affrontement entre l’humanité et le sauvage qui se joue, avec tous leurs liens complexes, et Nausicaä en étrange équilibre entre les deux.

Made In Britain – lundi 11 juin à 19h

Alan Clarke, 1982, vostfr, 1h16

lundi 11 juin à 19h

Dans une période d’insignifiance et de confusion politique extrême comme la nôtre, il est intéressant de se pencher sur le fait que la révolte, point de départ nécessaire à toute transformation sociale, est effectivement de nature à pouvoir partir dans tous les sens. Qu’elle se trompe en se dirigeant à l’endroit de boucs émissaires désignés par le pouvoir ou par l’imbécillité collective, qu’elle emprunte les chemins d’un nihilisme désobéissant aux uns pour mieux ériger l’obéissance à d’autres et à Dieu en principe mortifère comme le propose aujourd’hui l’option djihadiste, voyage inclus, ou bien qu’elle s’attelle à des perspectives émancipatrices, la révolte est toujours à la fois un produit et une réponse à ce monde carcéral de misère ; misère sociale, économique, affective, politique, etc. Dans ce film brutal, court et marquant, on suit le parcours de Trevor, jeune homme enragé de 16 ans, ballotté entre l’agence pour le chômage, le centre social et le pavé, qui, face à l’ennui et l’absurdité capitaliste, ne trouve que le racisme pour exprimer sa rage aveugle, se flanquant d’une croix gammée entre les deux yeux, comme provocation et défiance ultime. A travers lui, ses idées infâmes, sa transgression, c’est au nihilisme contemporain et existentiel que l’on touche, le sien d’abord, et celui de la répression ensuite. Car la révolte, quelle que soit sa nature, entraîne sa réponse étatique, sous la forme de la répression ou de l’intégration. Ce nihilisme ancré dans la pénurie sociale et culturelle mérite que les révolutionnaires se penchent dessus avant qu’il ne vienne à bout de leurs perspectives en transformant les individus en traders ou en Trevor.

Akira – vendredi 31 août à 19h

Katsuhiro Otomo, 1988, vostfr, 2h04

vendredi 31 août à 19h

Akira est un film d’animation prenant place en 2019 dans un Tokyo post-apocalyptique, reconstruit suite à sa destruction  trente ans plus tôt à cause de ce qui semblerait être une bombe atomique. Dans ce Neo-Tokyo, sale, ravagé par la drogue, les sectes et les combats entre gangs de motards, des émeutes incontrôlables éclatent tous les jours à tel point que l’armée est obligée d’intervenir, en vain. Le film nous raconte l’histoire de Kaneda, un lycéen en maison de correction, leader d’un gang de motards. Suite à une baston en moto avec un autre gang et la rencontre avec un être étrange, doté de pouvoir paranormaux, un des membres du gang de Kaneda, Tetsuo, va se faire enlever par l’armée qui mènera des expériences sur lui.
Comme le film Testuo, que nous avions projeté dans le cadre du ciné-club, Akira aborde des thématiques propres à un genre qu’il a contribué à faire émerger, le « cyber punk ». Les questionnements du film sont portés à la fois dans sa narration et dans son esthétique, accompagné d’une bande son angoissante, parfois bruitiste (respirations, frottements de tuyaux…). Akira est une réflexion sur l’urbanisme, avec ses échelles écrasantes, ses immeubles imposants, nimbés de pubs et de verre, symptomatique un développement incontrôlable, du capitalisme et de l’emprise urbaine sur les individus. Le film nous questionne également sur la prothèse cybernétique, la modification corporelle génétique, la technologie et l’énergie nucléaire toujours au service du pouvoir et du maintien des rapports de domination.

Programme de juin à août 2018

Consulter/télécharger le programme de juin à août 2018 pour lecture web.

Pour la version à imprimer en A3 cliquer

En juin :

  • Permanences : jeudi 17h – 20h et dimanche 15h30 – 19h30
  • Ciné-club : lundi tous les 15 jours – 19h
  • Groupes de lecture : samedi – 16h
  • Ciné-club enfants : dimanche tous les 15 jours – 15h30

En juillet et en août :

  • Permanences : vendredi 16h – 19h
  • Ciné-club : vendredi tous les 15 jours – 19h, les autres permanences seront suivies de projections libres
  • Groupes de lecture : samedi – 16h



Edito :

Depuis ce printemps, quelque chose comme un mouvement tente de se déployer. Occupations, manifs, grèves des transports, blocages, sabotages… Des partiels sont bloqués, l’idée de se donner enfin les moyens de bloquer le bac commence à circuler… des ingrédients sont là. Mais le goût de la sauce peine encore à piquer assez fort.
Et il y a bien de quoi être nombreux à vouloir en finir avec l’existant : tous triés aux frontières, à l’école, à pôle emploi, et tous envoyés là où on sera rentable, assignés à un statut de merde, un taf pourri, des miettes d’allocations en échange des preuves d’une bonne insertion en cours. Voilà la réussite que propose ce monde, voilà la bonne gestion que cherche à produire la loi ORE et l’ensemble de l’arsenal législatif dans laquelle elle s’insère. On pourrait donc bien vouloir tout liquider…
Pourtant, c’est surtout 68 qui finit d’être liquidé dans son énième commémoration (à Monoprix, comme à la CGT ou dans les ventes d’art contemporain). Loin de dégager un terrain propice à ce que s’inventent enfin les prémices d’une révolution qui pourrait venir, cette liquidation sordide semble bien emporter avec elle les dernières bribes d’une époque ou cette perspective vivait. Et, faute de perspectives révolutionnaires peut-être, le mouvement actuel peine à se donner les moyens de son autonomie et de son débordement, et se laisse piéger dans l’enfermement dans des facs occupées défendues comme des territoires (« ZAD partout »), dans la folklorisation de la radicalité en manifestation et dans la gestion bureaucratique des pratiques militantes et la politicaillerie des lectures identitaires et paternalistes autour desquelles se recompose la gauche de la gauche.
Alors pour essayer de partager questionnements et analyses, on propose de discuter, le 15 juin, pour l’occasion, de la place des perspectives révolutionnaires dans un mouvement social, dans celui d’aujourd’hui, dans ceux du passé, et en général. On pourra ainsi poursuivre la réflexion entamée autour de la discussion de l’été dernier sur l’opposition entre convergence des luttes et dépassement, tout en se posant actuellement et inactuellement la question des moyens et des perspectives qu’on se donne pour intervenir. Par ailleurs, la liquidation des perspectives révolutionnaires par l’enfermement dans des arrière-mondes séparés, bien que s’incarnant dans le mouvement actuel, relève également d’une logique plus large, que l’on tentera d’approcher le 8 juin en se posant la question des paradis artificiels comme fuite hors du réel.
Dans le cadre des groupes de lecture, on cherchera à s’y retrouver dans les propositions politiques qui frayent plus ou moins leur chemin aujourd’hui, en particulier en lisant ensemble l’Appel (quitte à froisser quelques amis, nous pensons qu’il est maintenant temps de confronter la proposition qui s’est formulée dans le petit livre marron il y a quinze ans à ce qu’elle est devenue aujourd’hui), et en lisant des textes autour de la question de la territorialisation des luttes.
Et puis on poursuit le ciné-club des adultes avec les gros monstres qui n’ont toujours pas peur des ruines et portent sans doute toujours dans leur coeur un monde nouveau, et d’autres films qui nous ont semblé propices à la discussion, et celui des enfants, qui regarderont bien ce qu’ils voudront.
En juin, pendant les permanences du jeudi et du dimanche, la bibliothèque est ouverte à tous pour discuter de tout ça, donner des nouvelles, en prendre, proposer des idées de discussion, de projections ou autres, questionner ce projet, apporter des livres pour la bibliothèque, en emprunter, déposer des tracts, revues, brochures, journaux pour la diffusion, venir en chercher… et même amener de l’argent dont la bibliothèque a structurellement besoin (sans assignation aucune, sauf celle des huissiers).
A partir du mois de juillet, les permanences se dérouleront le vendredi et seront suivies une semaine sur deux de projection libres : tous ceux qui viennent peuvent amener un film et le proposer.

La raison du plus faible – lundi 2 juillet à 19h

Lucas Belvaux, 2006, Belgique, 1h56

lundi 2 juillet à 19h

Inspiré par la fameuse prise d’otage de Tilff en 1989, La raison du plus faible est à la fois un film de braquage et un film « social ». Les personnages font corps avec les décors glauques de l’environnement urbain liégeois, avec la misère, l’ennui, l’alcool, l’usine et le chômage, mais aussi avec le sentiment d’injustice et la révolte que produit ce monde. Un petit groupe de pieds nickelés, à la fois traversé de bonhommie, de courage et d’inexpérience, décide de sortir de l’apathie de l’absence de luttes et de solidarité, en allant chercher l’argent là où il se trouve, dans un geste à la fois audacieux et, pour certains, désespéré. S’ensuit une aventure humaine, un regain d’espoir dont l’efficacité et la réussite semblent hors de portée tant l’aventure consiste, d’abord et surtout, à retrouver la dignité perdue sur les lignes d’assemblages, dans le fond des bouteilles, dans les cellules des prisons, dans la morne gangue urbaine, dans les tickets de loto qui ne font que ruiner ceux qui le sont déjà, écrasant les espérances contre le béton de la réalité du vieux monde. Loin du pathétique et de la démagogie populiste dans lesquelles ce genre de film sombre parfois, Lucas Belvaux présente ici des personnages complexes pris dans des rapports d’exploitation et de misère face auxquels ils sont rendus impuissants par l’absence de réponse à la hauteur du drame. Si le film accède à la grâce dans ses derniers instants, c’est bien que toute tentative de reprendre sa vie en main en ses propres termes constitue déjà, en soi, un acte de guerre contre l’existant. Résonnant face à l’insignifiance, ce film est un hymne à la révolte, un hommage à la conséquence de ceux qui franchissent le pas, répondant à la peur : « C’est avant d’y être qu’il faut que tu saches jusqu’où tu veux aller ».

Groupe de lecture de l’Appel – Les samedis du mois de juin à 16h

Dans le cadre des groupes de lecture

Les samedis du mois de juin à 16h

L’Appel est ce petit livre marron, sans auteur ni éditeur, qui a été diffusé à partir de 2003. Ses modalités de diffusion, en grand nombre et « sous le manteau », avec très vite des traductions qui lui permettent de circuler dans plusieurs pays d’Europe, contribuent, au moins autant que son contenu, à intriguer : le coup éditorial fonctionne. Sorti à un moment où peu de textes théoriques généraux circulent dans les « aires subversives », cet appel à mobilisation du Parti Imaginaire est lu, discuté, et, d’une certaine manière et à une certaine échelle, entendu, en particulier par son public cible : une jeunesse en mal de théorie de la révolte et aux « subjectivités friables ». Dans les aires subversives, il énerve, intrigue, mais petit à petit imbibe des milieux déjà gagnés par les apories de la post-modernité, plus par son vocabulaire et son style que comme une pensée structurée à partir de laquelle on réfléchit et on argumente. Ce petit texte vient fournir des affirmations et de l’arrogance là où on se laissait bercer dans l’incertitude et un certain activisme perdu dans l’anti-intellectualisme. Il réconcilie alternativisme mou et folklore radical. D’une certaine manière, il fait son office et le « nous » de « nous avons commencé » se met à consister a posteriori. En quelques années, aidé d’investissements financiers conséquents (« investissements » parce qu’on en attend évidemment une forme de rentabilité), se constitue une aire – faite d’adeptes convaincus et de missionnaires zélés – entourée d’un public complaisant. L’accroissement numérique réel des recrutements s’arrête assez vite, mais le succès de scandale de l’Insurrection qui vient, cette fois diffusé très normalement par La Fabrique, un éditeur de gauche véritable, et en librairie – succès grandement « aidé » par les suites très médiatiques des arrestations imprévues de Tarnac – vient asseoir une réputation tout en élargissant l’écho de ces énoncés. On connaît la suite. Des tribunes dans le Monde, Libé, Die Zeit, des lieux de vie mais aussi de consommation et de « production » (des restaurants, une usine à pâte…), une politique de contrôle territorial et d’installation de colonies ici ou là, la participation à des élections locales, un opportunisme politique décomplexé, des méthodes politiques de trotskystes ou de Tutte Bianche (pragmatisme, ouverture et démocratisme apparent, coup de poing à ceux qui entravent la mise en œuvre de la ligne politique), des moyens de diffusion en phase avec l’époque (« Lisez Lundi Matin°! » comme le répète un tag publicitaire) donnent des possibilités de faire fructifier les quelques mouvements sociaux récents, en se posant à la fois en représentant d’une certaine radicalité et en cherchant à se positionner quelque part dans la recomposition de la gauche de la gauche. Pourtant, le temps passant, des dissonances d’importance se font sentir, des amitiés se dénouent avec fracas, les dégâts humains deviennent visibles, le double discours et le grand écart entre la radicalité affichée et les intentions politiques deviennent difficile à tenir.

Alors que la proposition politique qu’il a ouvert est arrivée à une sorte de point de maturité (qu’ils parviennent à exister politiquement à gauche de la gauche ou qu’ils échouent, à partir de maintenant la voie est tracée…), c’est le moment de revenir à ce petit livre et de le lire ensemble aujourd’hui. La confrontation entre la réalité de ce que cette proposition est devenue et la manière dont elle s’est énoncée au départ permettra peut-être de comprendre comment a opéré la séduction et d’analyser ce qui s’est dit au regard de ce qui en est fait. Il s’agira en somme d’éclairer le texte, ses mots, ses manières d’affirmer, sa rhétorique persuasive en somme, par la réalité qui s’est agrégée à partir de lui.

On procèdera de la manière la plus simple et collective possible : on lit ensemble, on discute librement de ce qu’on est en train de lire, on prend des notes de ce qui se discute. On pourra lire autour du texte aussi : d’autres textes d’obédience appelliste, d’autres qui adoptent un point de vue critique. Ce groupe de lecture, qui commence au mois de juin, va se poursuivre le temps qu’il faudra. Il n’est pas nécessaire de l’avoir pris à son début et de venir à toutes les séances pour y participer, mais quelques chose se poursuivra, de semaine en semaine.

Les 400 coups – vendredi 27 juillet à 19h

François Truffaut, 1959, 1h39

vendredi 27 juillet à 19h 

Antoine Doinel n’aime pas vraiment l’école. Il préfère largement l’école buissonnière, pour aller avec son pote au cinéma ou emmerder les passants. Mais par définition l’autorité du monde et ses adultes ne veulent pas son bonheur et il va devoir ruser entre famille, professeurs, balances et bien d’autres salauds pour vivre et faire les 400 coups, en bref échapper à la réalité de ce monde.
Le film donne un récit tiré de l’enfance de Truffaut et de celles de bien d’autres par le prisme d’Antoine Doinel, à mi-chemin entre école buissonnière et poésie de la paresse, entre enfance insouciante et rêveuse, blagueuse, vivante. En face, le monde adulte triste, complexe et toujours dans un mélange de désintérêt et de contrôle à son égard. C’est donc une réflexion sur le monde et son école, sur ses adultes, sur son système et ses institutions, face à l’espiègle jeunesse pour qui l’obéissance est bien la dernière des passions.
Et à partir du moment ou l’enfance devient incontrôlable, tout devient plus sérieux et la rébellion n’est plus un jeu d’enfant.

Halloween – vendredi 13 juillet à 19h

John Carpenter, 1978, vostfr, 1h31

vendredi 13 juillet à 19h

Après avoir été interné pendant 15 ans suite au meurtre de sa sœur, Michael Mayers s’échappe et revient dans sa ville natale pour tuer de nouveau. L’histoire d’Halloween est connu tout comme son analyse habituelle ( Mayers représente le retour du conservatisme des années Régan et la liquidation de la culture des années 60-70 par le meurtre d’adolescents ). Et pourtant, ce monstre lent et imposant, au faciès inexpressif, qui reste impassible devant sa propre destruction. Produit par ce monde à travers ses tentatives d’apprivoisement et d’enfermement, mais aux intentions inconnues si ce n’est la fin du refouement et le déchainement de ses frustrations contre les normes de cette société – ces mêmes normes qui empèchent à ceux qui s’y conforment de voir et d’apprécier la menace. Ce monstre semble avoir toutes les caractéristiques du Kaiju tout comme le film dont il est le protagonniste celle du Kaiju Ega que ce soit par l’annonce de la destruction, le personnage de professeur-Cassandre et jusque dans son final… C’est notamment autour de la question du monstre, de l’identification du spectateur-pervers à celui-ci par la mise en scène et sa dé-monstration que l’on propose de regarder ce film qui a poser les bases du slasher. Et qui de mieux qu’un vendredi 13 pour le faire.

Le Roi et l’Oiseau – vendredi 10 août à 19h

Prévert & Grimault, 1980, 1h27

vendredi 10 août à 19h

« C’est l’histoire d’un roi très mauvais qui a des ennuis avec un oiseau très malin et plein d’expérience ; il y a aussi des animaux qui sont très gentils, deux amoureux et beaucoup de gens épouvantables. » (Prévert)

Où les bergères cessent de toujours épouser les rois, où les oiseaux et les fauves s’échappent de leurs cages, où les hommes n’ont plus à vivre loin du soleil et de la lune.
Ce grand renversement commence par une petite affaire : dans le royaume de Taquicardie, la bergère aime le ramoneur, le roi aime la bergère. Pour épouser de force la bergère, qui s’est enfuie avec le ramoneur, le portrait du roi se débarrasse de son original et lance la police aux trousses des deux fuyards, partis découvrir le monde. Un oiseau espiègle et grand ennemi du roi les aide à échapper aux différentes polices, dans le dédale du royaume de Taquicardie. Pourchassés, rattrapés, de nouveau enfuis, ils sèment derrière eux la révolte. Mais l’agitation finit par dépasser les protagonistes eux-mêmes lorsqu’un colosse de fer, un kaiju, d’abord arme du roi pourchassant les fuyards, puis distraction de l’oiseau pour permettre l’évasion des amoureux, finit par semer de lui-même la destruction dans l’ensemble du royaume, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien que des pas dans le sable. Et, dans la joie du repos, il s’assoit, contemple les ruines et pleure en silence.
La bergère et le ramoneur, par qui tout commence, refusent l’autorité du roi et des traditions pour s’aimer et s’enfuir. Cette subversion en entraîne d’autres, et s’achève dans la destruction intégrale du royaume par la main du colosse, produit par et pour le pouvoir puis devenu autonome, semblablement incompréhensible, fou. Mais la figure étrange et destructrice du colosse est aussi celle qui porte l’achèvement de ce conte poétique : car dans ce film où l’on ne parle que de liberté, les prisons ne sont véritablement brisées qu’après la destruction totale du royaume.