Steven Spielberg – VOSTF (USA) – 1975 – 2h04
Mardi 2 avril 19h
Et si le plus efficace de tous les prédateurs marins décidait de faire de nos stations balnéaires son plus rentable garde-manger ? Voilà une proposition que nous ne pouvions pas décemment ne pas vénérer, ceux qui connaissent notre ciné-club peuvent facilement se l’imaginer… Dans le cadre du cycle sur les Kaiju aux Fleurs Arctiques, nous n’avions pas encore évoqué ce genre de Kaiju-là. Le super-prédateur le plus terrifiant de l’océan n’est ni un monstre chimérique et mythologique, ni une armée asiatique impériale alliée des nazis et surgissant de la mer en laissant l’Amérique sous le choc, non, il s’agit seulement de ce pauvre requin. Tour à tour symbole, dans la culture populaire, d’une finance méprisante de la vie humaine, de la super-prédation optimisée, ou bien encore de l’inconnu qui dort au fond des abysses mais qui pourrait surgir à tout moment avec une puissance et une force que la civilisation ne peut considérer autrement que comme le pinacle d’une barbarie sauvage intentionnalisée et insupportable ; il faut croire que ce pauvre requin incivil, autiste et sauvageon recueille tout le ressentiment civilisé et anthropocentré contre sa grande gueule, en tant que paroxysme monstrueux de la peur sans être lui-même ni un mythe ni un monstre en dehors de l’imagination humaine et de sa normalité pathogène, un peu comme la révolution, sommes-nous tentés d’analogiser.
Avec la musique imparable de John Williams, deux notes répétées jusqu’à l’angoisse primordiale, le second film de Spielberg qui raconte exactement la même histoire que le précédent (Duel, 1971) mais hors de la route, Jaws pourrait lui aussi être considéré comme un film de genre porteur d’une critique sociale acerbe, bien que dissimulée et métaphorique, dans une Amérique nixonnienne en plein fiasco militaire et politique (Watergate) et secouée par les protestations massives et protéiformes contre la guerre du Vietnam et la ségrégation raciale.
Nous proposons donc pour cette soirée Kaiju une petite croisière tranquille à la rencontre de la révolution et de ses mâchoires prêtes à engloutir, digérer et enfin rejeter ce monde au néant. Que le Grand Requin Sauvage et impoli nous dévore enfin !