Rouge comme le ciel

Cristiano Bortone – 2010 – VOSTF (Italie) – 96’

dimanche 9 juin à 19h

L’histoire, inspirée d’un fait réel, se passe en Italie au début des années 70. Un enfant devient accidentellement aveugle. Il va devoir quitter l’enseignement classique pour intégrer une école spécialisée tenue par l’église catholique. Refusant de devenir l’handicapé qu’on veut qu’il devienne, et en l’occurrence d’apprendre le braille, il va découvrir, dans un élan libérateur et amoureux, un rapport au monde, aux sensations et à leur expression, singulier et subversif. Ce film magnifique dépasse la question du rapport au handicap pour parler de l’altérité inventive et révoltée de l’enfance, et au-delà, du fait que c’est dans le refus de ce à quoi on veut nous assigner et dans l’affirmation de la singularité de chaque rapport au monde que l’émancipation peut advenir, faisant toujours brèche dans cette normalité qui cherche à formater tout un chacun, y compris ceux qu’elle considère comme «anormaux».

Canine

Yórgos Lánthimos – VOSTF (Grèce) – 2009 – 1h36
Mardi 28 mai 19h

 

Quand la famille, relais par l’éducation des normes du monde extérieur, coupe les liens entre sa progéniture et ce même monde, toute possibilité de comparaison avec la norme et donc toute critique devient ardue. La normalité ne tient plus son rôle minimal (et en lui-même problématique) de garde-fou, et les parents se révèlent tyrans. Le contrôle devient permanent et les règles imposées, bien que paraissant absurdes, sont un miroir déformé de la gestion familiale dans ce monde, de la figure patriarcale, des valeurs transmises, comme la compétition et le mérite.

C’est grâce à la peur, celle du monde extérieur et de sa dangerosité supposée que les parents maintiennent le joug, et notamment par le père, monarque absolu de ce monde, qui s’arrête à la clôture entourant la maison, mais également par la prise de pouvoir sur le langage, sur la signification du temps et sur la provenance de toute chose utile.

Dans ce film dérangeant où tous les repères sont remis en cause, la violence et l’horreur sous-jacentes des rapports familiaux sont omniprésentes, dans un climat où le bizarre et l’angoissant règnent, le malsain et le glauque traversent l’histoire.

Que faire aujourd’hui de la question de l’organisation ?

Vendredi 31 mai 19h

Parcourir l’histoire des expériences confrontatives et révolutionnaires permet de constater une grande variété de positionnement sur la question de savoir comment s’organiser (ou refuser de le faire). Malgré les apparences, l’importance de cette question ne réside pas seulement dans des questions de contingences tactiques (rien de plus efficace qu’une armée… mais on a pu voir le type de révolution dont une armée est capable!), car la manière dont on s’organise donne forme aux rapports qui se construisent dans les luttes et les expériences révolutionnaires, et aussi parce que, qu’on le veuille ou non, c’est bien souvent cette manière de faire qui se transmet d’expérience en expérience.

La question est parfois ouvertement posée, parfois elle ne l’est pas, souvent ce qui en est dit formalise une réalité bien plus complexe, voire la contredit. Ne pas la poser en prétendant l’avoir déjà résolue dans un corpus doctrinal auquel il suffirait de se conformer revient en général à promouvoir des pratiques et fonctionnements autoritaires dont le vingtième siècle et son léninisme devrait avoir conduit à faire sérieusement table rase. Et pourtant, alors même que les années 70 ont initié une critique sans appel de ces fonctionnements partidaires et, au-delà, des travers produits par la volonté de construire des Organisations, on en retrouve aujourd’hui ici ou là des relents inattendus.

« Que faire ? » ou plutôt peut être « comment faire ? » en attendant la révolution et pour qu’elle advienne : la question reste ouverte et son déni n’apporte bien souvent pas de meilleures solutions que sa résolution forcée. Il est évident qu’elle se pose de manière d’autant plus intéressante que la situation qui l’impose l’est aussi. Dans le désert, la tentation des ratiocinations stériles est tenace. La réduction des enjeux en période de disette produit aussi des ravages : savoir comment faire tourner les tâches ménagères dans un squat n’est pas exactement du même ordre que se demander comment vivre et se battre pendant la Commune. Il reste qu’on touche aux mêmes types de questionnements et qu’on donne en général à ce qui est proposé une valeur universelle.

C’est effectivement en période de disette révolutionnaire que sort aux Etats-Unis un texte qui va être abondamment traduit et servir de bible à toute une aire alternativiste qu’on pourrait dire post-révolutionnaire. La tyrannie de l’absence de structure de Jo Freeman qui part du constat que le refus de se structurer n’empêche pas qu’une structure existe dès lors qu’on fait quelque chose à plusieurs, veut tout simplement, en prenant la question de manière complètement anhistorique, revenir au bon sens de la bonne gestion formalisée comme solution non seulement efficace mais plus anti-autoritaire que le laisser-aller du refus de l’organisation (qui produirait automatiquement la reproduction des travers autoritaires des rapports de ce monde). Sortant des milieux alternativistes, cette brochure devient aujourd’hui une référence en termes d’organisation subversive, comme un retour critique qui remettrait de l’ordre face à des expériences trop libertaires, trop « anarchiques », non sans conséquences sur les manières de faire anti-autoritaires. Et voilà balayées toutes les critiques du Parti, les subtilités autour de la question de savoir si on peut s’organiser en refusant l’Organisation, les réflexions autour de l’affinité comme point de départ de l’action, toutes ces élaborations théorico-pratiques qui nous intéressent justement par leurs contradictions et polémiques utiles. Encore une fois on nous propose une solution à une question qui n’a d’intérêt sans doute que si elle reste ouverte.

C’est ce que nous voudrions discuter sur la base critique du texte de Jo Freeman et en lien avec la traduction en cours à la bibliothèque du texte de Jason McQuinn qui y répond : « A Review of The “Tyranny of Structurelessness”: An organizationalist repudiation of anarchism »

On y parlera donc de ce que peut signifier « s’organiser dans des perspectives anti-autoritaires », de savoir si cette expression a un sens ou s’il faut refuser jusqu’au terme lui-même, et surtout des risques qu’il y aurait à refermer cette question sur des théories ou des pratiques qui prétendraient l’avoir résolue.

Cycle post-apocalyptique

Le ciné-club des Fleurs Arctiques, est un moment où l’on discute et réfléchit à partir de toutes sortes de films, choisis par nos soins pour ce qu’ils peuvent donner à penser. C’est aussi l’occasion de se rendre compte que certains genres et sujets traversent le ciné-club et font écho à une vision plus globale d’un certain cinéma ainsi qu’à une vision critique d’un certain rapport au monde. Dans la suite des cycles (éternellement en cours) sur la famille, sur l’école, sur les Kaiju et leurs ruines, nous commençons maintenant un nouveau cycle sur les films post-apocalyptiques. Nous avions déjà, dans les programmes précédent, projeté Mad Max : Fury Road et Nausicäa, deux films qui ont tous deux donné lieu à des moments collectifs de discussion féconds sur la critique de notre monde, et qui ont induit d’une certaine manière ce cycle autour du genre post-apocalyptique.

Le cinéma post-apocalyptique, enfant irradié de la science-fiction, connait son explosion à la fin des années 70 avec la revue psychédélique et psycho-active de bande dessinée Métal Hurlant à laquelle participèrent des figures transgressives comme Moebius, Jodorowsky ou encore Druillet, inspirant déjà le film Mad Max (1979). S’inspirant du Punk pour son style trash, jusqu’au-boutiste, bricolé, provocateur et son refus nihiliste des horizons, qu’il dépasse, littéralement (se situer après l’apocalypse, c’est aussi prendre au sérieux le no-future et repartir de la fin du monde, souvent même longtemps après et vivre encore malgré tout dans ses ruines…). Ce cinéma se pose directement dans une posture qui est pour nous d’un intérêt certain, qui porte en elle une dimension anti-politique et philosophique en se situant dans un existant dont la faillite est déjà actée. Comme une graine est un arbre en puissance, le genre du film post-apocalyptique nous met face à ce que notre monde pourrait porter après lui de sauvage, d’animal, de chaotique, d’affreux et de magnifique. Peut-être qu’imaginer un monde détruit et ravagé nous servirait à analyser et critiquer notre monde, qui n’est pas détruit du tout ou dont la destruction n’a jamais été actée. Quand l’on pense (et que l’on regarde) post-apocalyptique, ce qui fait écho en nous, c’est anormalité, bouleversement, folie et résidus de l’ancien monde, et l’humain qui louvoie entre tous ces états, portant comme toujours la révolution dans ses espoirs les plus fous. De fait notre point commun avec le film post-apocalyptique est qu’il critique toujours le monde d’avant. On peut choisir de voir le genre post-apocalyptique comme une invitation à l’action, à provoquer une étincelle qui nous sorte radicalement et définitivement de toute béatitude, et en continuant à rêver éveillé.

Apocalypse Now

Francis Ford Coppola – VOSTF (USA) – 1979 – 3h22

Mardi 26 mars à 19h

 

Pour le capitaine Willard, gueules de bois et insomnies rythment les allers-retours entre la jungle et les beaux quartiers de Saigon. Comme pour beaucoup au Vietnam en 69, les paradis artificiels achèvent d’effacer les frontières entre guerre et routine, entre enfer quotidien et quotidien vide de sens.

Le décor est posé. Les Chinook se glissent dans l’orage rouge et les bombes tapissent les cimes vertes. Ceux qui se trouvent entre les deux sont condamnés, d’une manière ou d’une autre. Un Colonel, Kurtz, a embrassé la folie et l’horreur de la guerre pour s’y construire un royaume perdu, au fin fond de la forêt, au bout de la Rivière Nung.

C’est précisément cette rivière que le Capitaine Willard va remonter afin de retrouver le Colonel dissident. Le Nung symbolise une quête de sens, et lie en son cours tous les protagonistes. Armé d’un rafiot, de quelques compagnons d’infortunes et de la toute puissance des Etats Unis d’Amérique, il s’embarque pour un voyage introspectif où chaque méandre qui l’éloigne de la civilisation le rapproche un petit peu de Kurtz et sa devise : L’Apocalypse, maintenant.

 

Les Dents de la mer

Steven Spielberg – VOSTF (USA) – 1975 –  2h04

Mardi 2 avril 19h

Et si le plus efficace de tous les prédateurs marins décidait de faire de nos stations balnéaires son plus rentable garde-manger ? Voilà une proposition que nous ne pouvions pas décemment ne pas vénérer, ceux qui connaissent notre ciné-club peuvent facilement se l’imaginer… Dans le cadre du cycle sur les Kaiju aux Fleurs Arctiques, nous n’avions pas encore évoqué ce genre de Kaiju-là. Le super-prédateur le plus terrifiant de l’océan n’est ni un monstre chimérique et mythologique, ni une armée asiatique impériale alliée des nazis et surgissant de la mer en laissant l’Amérique sous le choc, non, il s’agit seulement de ce pauvre requin. Tour à tour symbole, dans la culture populaire, d’une finance méprisante de la vie humaine, de la super-prédation optimisée, ou bien encore de l’inconnu qui dort au fond des abysses mais qui pourrait surgir à tout moment avec une puissance et une force que la civilisation ne peut considérer autrement que comme le pinacle d’une barbarie sauvage intentionnalisée et insupportable ; il faut croire que ce pauvre requin incivil, autiste et sauvageon recueille tout le ressentiment civilisé et anthropocentré contre sa grande gueule, en tant que paroxysme monstrueux de la peur sans être lui-même ni un mythe ni un monstre en dehors de l’imagination humaine et de sa normalité pathogène, un peu comme la révolution, sommes-nous tentés d’analogiser.

Avec la musique imparable de John Williams, deux notes répétées jusqu’à l’angoisse primordiale, le second film de Spielberg qui raconte exactement la même histoire que le précédent (Duel, 1971) mais hors de la route, Jaws pourrait lui aussi être considéré comme un film de genre porteur d’une critique sociale acerbe, bien que dissimulée et métaphorique, dans une Amérique nixonnienne en plein fiasco militaire et politique (Watergate) et secouée par les protestations massives et protéiformes contre la guerre du Vietnam et la ségrégation raciale.

Nous proposons donc pour cette soirée Kaiju une petite croisière tranquille à la rencontre de la révolution et de ses mâchoires prêtes à engloutir, digérer et enfin rejeter ce monde au néant. Que le Grand Requin Sauvage et impoli nous dévore enfin !

De la méga-gauche à la méga-droite : ce parfum pourri de réaction

 
Samedi 6 avril 19h

En même temps qu’une « droitisation » incontestable du monde à toutes les échelles de la vie quotidienne et des idées, on perçoit simultanément l’essor d’une pensée dominante réactionnaire se matérialisant dans des discours extrêmement confus et variés, souvent artificiellement opposés, et que l’on retrouve de l’extrême droite jusqu’à l’extrême gauche. Se développent donc aujourd’hui des discours pendant que des alliances se nouent avec des groupes de droite et des groupes religieux sous le prétexte d’une « convergence des luttes » (synonyme d’alliance de circonstance), tandis que de plus en plus on peut lire d’insupportables élucubrations réactionnaires et souvent racistes sous pavillon « radical » (cf. Lieux Communs, PMO, Houria Bouteldja, Jean-Claude Michéa, etc.), qu’une parole raciste et raciale, souvent à l’égard des personnes désignées comme « juives » semble pouvoir se libérer dans certains milieux et médias « radicaux » pourtant très mainstream. On pouvait déjà déplorer l’organisation de meetings « antifascistes » en compagnie d’organisations religieuses profondément réactionnaires et d’anciens leaders de la « Manif pour Tous », pour qui la priorité partagée était de soulager les consciences religieuses blessées dans la France post-attentats, une « cause » que beaucoup de révolutionnaires ont bienheureusement encore du mal à faire leur malgré le rouleau-compresseur prescriptif de l’université et de la religion.

Qu’est-ce qui s’est perdu, aujourd’hui, pour que toutes les soupapes de sécurité qui rendaient – plus ou moins, selon les questions et les époques – les révolutionnaires imperméables au fascisme, aux populismes et aux valets de dieux, se soient ainsi cassées ?

De cette réaction fétide, on en retrouve aussi bien dans les critiques passéistes et de droite de la postmodernité – les Onfray, Finkelkraut, Zemmour, Todd, etc. qui inondent les canaux principaux de la culture de masse de leur propagande raciste d’extrême droite sur tous les sujets possibles – que dans les critiques post-modernes et postrévolutionnaires de gauche des pensées et des mouvements révolutionnaires anarchistes et autonomes, hâtivement jugés comme démodés et inintéressants par des apôtres de notre époque débarrassés de toute perspective universaliste. A tel point qu’aujourd’hui c’est peut-être dans l’exploration de la question de l’universalisme que pourrait se retrouver un chemin subversif à même d’abolir enfin les séparations imaginaires qui cloisonnent de plus en plus l’humanité asservie à elle-même. La réaction aussi a toujours été l’ennemi historique de toute forme d’universalisme, hormis ceux du barbelé, de la normalité et du fric.

Mais comment pourrait-on être révolutionnaire et en même temps déplorer la perte de valeurs anciennes, traditionnelles, soi-disant précapitalistes ? Ou bien défendre des Etats, des nations, des drapeaux et des dictateurs sous pavillon « anti-impérialiste » ? Prôner un retour aux conditions féodales préindustrielle sous le prétexte d’une critique instrumentale ou pseudo-radicale de la technologie comme le font certains groupes armés écologistes éloignés et aujourd’hui ennemis déclarés de l’anarchisme et de la révolution ? Ou encore se faire nouvel apôtre de la défense ou de la préservation des sensibilités religieuses heurtées ou de la défense des valeurs familiales et judiciaires de ce monde ? Céder à la séduction populiste et à l’opportunisme politique éhonté au moindre soubresaut ? Organiser des chasses à l’anormalité sous prétexte de déconstructionnisme normatif ? Prôner le conservatisme et le puritanisme comme nouvelles radicalités ? Judiciariser les rapports et se faire procureurs des rumeurs et juges des exécutions et ce sans même envisager une place quelconque pour « la défense » ? Et puis quoi d’autre maintenant ? Nous proposons donc à travers cette soirée d’identifier la réaction sous ses formes diverses sans s’arrêter aux discours de façades parfois efficacement enrobés d’un voile de confusion volontaire, et sans céder aux mirages provoqués par la décomposition politique qui voudrait établir une cartographie de la réaction qui inclurait l’antinationalisme, le refus du religieux et la critique de toutes les identités du vieux-monde, qu’elles soient sociales, ethniques, politiques, assignées ou revendiquées, et donc ainsi, toute perspective révolutionnaire anti-autoritaire.

Les Guerriers de la Nuit

 Walter Hill – VOSTF (USA) – 1979 – 1h24

Mardi 9 avril 19h

Dans un grand amphithéâtre, toutes les bandes de New York se sont réunies à l’appel des Gramercy Riffs et de leur chef Cyrus. Ces derniers souhaitent dans une grande réunion, unir toutes les bandes des différents quartiers de la ville afin de lancer un assaut massif contre les flics et les institutions et la société. Cependant, une des bandes n’est pas de cet avis et va éliminer Cyrus tout en attribuant cet assassinat aux Warriors qui vont alors s’enfuir du lieu de la réunion jusqu’à leur QG à Coney Island. Cette course poursuite fait s’enfoncer les Warriors dans les méandres du Bronx où différentes bandes veulent leur peau.

La manière de dépeindre l’existant de ce film de Walter Hill datant de 1979, dont une scène a été censurée pour son message émeutier, a été une source d’inspiration majeure pour le genre post-apocalyptique que ce soit dans sa manière de filmer les gangs, la ville, la crasse, la violence et la brutalité que peuvent prendre les rapports humains. Si ce film nous offre des scènes qui n’ont rien à envier aux films d’arts martiaux des années 80 ainsi que des scènes de violence inspirées directement par Orange Mécanique de Stanley Kubrick, il nous invite aussi à une réflexion sur la normalité des années 70 dans le Bronx.

Scènes de chasse en Bavière

Peter Fleischmann – VOSTF (Allemagne) – 1969 – 1h20
Mardi 16 avril 19h

Il ne faut pas salir son costume du dimanche ! Dans un petit village clôs de Bavière, où tout le monde se connaît, s’épie, se calomnie, tout commence et se termine à l’Eglise. Pourtant, la critique de la religion et de la morale que permet le film en noir et blanc de Peter Fleishman, et qui se relie très bien à la discussion sur Religion et modernité d’un programme précédent des Fleurs Arctiques, interroge bien plus que la dimension répressive. Le réalisme du film qui suit de près le quotidien des habitants du village, paysans pour la plupart, bien qu’ils aillent quelques fois travailler plus loin à l’usine, indice d’une modernité industrielle dont nous ne connaîtrons pas davantage la date, met en relief tout ce que la morale de la communauté permet, tolère, voire favorise. C’est donc un catholicisme identitaire de torgnolles, de viols, d’agressivité et de moqueries qui est mis à l’écran. Bien loin d’une austérité ou d’un ascétisme de la religion, ce sont ici les rires gras et les musiques folkloriques de la bande son qui masquent les cris et empêchent les individus de s’exprimer. On rit avec la communauté en riant des autres, ou on se tait. Trois personnages incarnent trois formes d’extériorité, de différence aux yeux de la société, et leurs rapports internes, ainsi que leurs rapports avec les autres membres du village, nous permettront de soulever la question de l’intégration, de la désactivation de tout potentiel critique. Ainsi « la salope », « l’idiot » et « le pédé » peuvent faire partie de la grande famille dès lors que leur marginalité appartient au défoulement quotidien de l’agressivité et de la moquerie, dès lors qu’ils acceptent de se taire et de rester dans leurs rôles attribués… mais si jamais l’étranger ne peut plus être assimilé à l’organisme, mettant en péril la stabilité des mœurs, alors la chasse est ouverte. Le catholicisme bavarois est l’occasion de soulever une réflexion sur la manière dont n’importe quel milieu identitaire, qu’il soit religieux ou non, parvient à se conserver et à se perpétuer.