Quel internationalisme révolutionnaire aujourd’hui ?
Vendredi 24 avril à 19h
Faire exister des rapports avec les révoltes d’ailleurs, qui ont lieu dans d’autres endroits que ceux ou chacun se situe précisément,est d’une importance capitale d’abord . Déjà, c’est la porte qui permet de sortir des raisonnements étriqués, coincés à des échelles absurdes et bien souvent aussi institutionnelles que mythologisées comme la ville, le quartier, ou encore le pays, le peuple ou la nation. Ce faisant, le discours s’affine en trouvant le chemin d’une universalisation concrète, du côté des luttes et des révoltes ce qui permet alors une attaque et une critique de l’État, à titre d’exemple, mais l’État de manière générale, et pas simplement de l’État français, américain ou chilien. Un des questionnements, que l’on pourrait voir comme un des enjeux de l’internationalisme, devient alors de garder la complexité de chaque situation singulière tout en pensant, critiquant et attaquant l’ensemble.
C’est un questionnement nécessaire, car il découle de la pensée qui aborde l’État comme une structure de pouvoir allant à l’encontre de la liberté de chacun comme de tous, et que ce « chacun » et ce « tous », pour recouvrer cette liberté, doit l’attaquer et la critiquer dans ses fondements, et ce quelque soit son histoire où l’endroit où il y est confronté. Ces raisons viennent évidemment conforter une empathie immédiate avec les révoltes d’ailleurs, qui peine parfois à trouver de quoi se réaliser dans la pratique.
Des brigades internationales pendant la guerre d’Espagne à l’attaque des intérêts d’un État contre lequel d’autres se révoltent, en passant par les luttes contre les guerres coloniales, l’élan internationaliste a d’ailleurs une histoire, et toujours les révolutionnaires de toutes sortes ont cherché à dépasser l’enfermement de « leurs » frontières pour se solidariser en parole et/ou en actes avec d’autres révoltés ou révolutionnaires et ne pas se satisfaire de considérer que la révolution se fera parce que chacun lutte là où il est. Néanmoins, cette histoire a aussi montré certaines limites. Limites de l’anti-impérialisme, avec ses écueils « orientalistes » (vive la violence et les armes quand ça se passe loin et que c’est « exotique », mais vive les élections et les pétitions gauchistes ici…), ou sa tendance à prendre les dirigeants issus de la décolonisation, et parfois même des tyrans sanguinaires comme Ho-Chi-Minh, Mao, Pol-Pot ou Khadafi, pour des figures révolutionnaires, confondant ainsi les révoltés avec leurs nouveaux dirigeants.
Limites, certes beaucoup moins graves, mais à réfléchir quand même, du « tourisme militant » qui peuvent conduire à se déplacer de révolte en révolte ici ou là pour n’y chercher finalement rien d’autre qu’un maximum d’adrénaline. La solution serait-elle alors de se replier sur des enjeux strictement locaux et immédiats, de ces enjeux dont nous serions sûrs d’être les premiers concernés ? D’autant plus dans une époque où se développe une pensée et des pratiques particularistes dans le sens ou l’objectif n’est plus l’analyse et l’attaque globales, mais devient la particularisation de chacun dans sa petite situation, sa petite identité toujours plus restreinte et étriquée, définie par mille mots et définitions, milles cases toujours plus petites.
On se focalise sur une portion de lutte, un quartier par exemple, en ne cherchant jamais à mettre en exergue les aspects communs que peuvent avoir des situations singulières, mais en cherchant à montrer au contraire à quel point les conditions de chacun sont différentes et séparées. C’est bien parce que nous ne le pensons pas que nous proposons cette discussion. Alors ce sera l’occasion à la fois de reparcourir différents moments de cette histoire, mais aussi de se demander quel internationalisme peut être mis en pratique aujourd’hui.