Discussion autour du mouvement social et des émeutes de 2023

Vendredi 10 novembre 19h30

Vendredi 27 octobre 19h30

De janvier à juin, un mouvement contre la réforme des retraites a mobilisé très largement en France et dans divers secteurs : grèves des raffineries et des éboueurs qui ont été longuement reconduites, blocage de périphériques, de ports, péages gratuits, blocages de lycées, occupations de fac, manifestations syndicales ou plus sauvages… Le mouvement a eu de l’ampleur dans toute la France, même les plus petites villes. C’était inédit depuis le mouvement des gilets jaunes de 2019.

Puis, suite au meurtre de Nahel, des émeutes ont embrasé toute la France pendant plusieurs jours, s’attaquant, avec une conflictualité inédite, aux commissariats, prisons, mairies, préfectures, magasins, etc…

Aujourd’hui, le mouvement contre la réforme des retraites est mort, mais il est important de comprendre ce qu’il s’est passé et ce qui est encore vivant malgré la fin des grosses manifestations et la répression qui continue. Faire vivre un mouvement va avec le fait de partager une expérience, des analyses et des perspectives collectivement et publiquement.

C’est ainsi que nous avons décidé de faire la présentation d’une compilation de textes écrits pendant le mouvement social, assorti d’un dossier spécial sur Sainte-Soline : tracts, appels à action, communiqués, affiches… Si cette compilation est très loin d’être exhaustive, elle saura, nous l’espérons, rendre compte des différentes phases de ce mouvement, de ce qui l’a caractérisé, des pratiques nouvelles et anciennes qui ont émergé pendant le mouvement, de leur limites, des différentes interventions et des différents conflits (notamment contre les syndicats et les prises de direction des mouvements) qui ont eu lieu pendant ces mois en France. Le but n’est pas seulement de faire un bilan ou un exposé exhaustif sur cet épisode de luttes, mais bien de tirer des idées et des perspectives futures ensemble.

Pourquoi le mouvement contre les retraites est-il mort ? Pourquoi les émeutes de juillet se sont-elles arrêtées ? Comment retrouver de la puissance collective ? Comment faire pour ne plus retomber dans les mêmes impasses ?

Vous pouvez retrouver la compilation de textes en cliquant ici.

Les Petites Marguerites

Lundi 6 novembre 19h30

Lundi 30 octobre 19h30

Věra Chytilová – 1966
VOSTF (Tchécoslovaquie) – 74’

Il n’y a plus rien à voir, plus rien à faire. Tout est en train de pourrir, de dépérir. Deux femmes errent dans une ville tchécoslovaque des années 60, à la recherche d’action, de quelque chose à faire pour sortir de la torpeur et de l’ennui. Elles décident de tout envoyer chier, de ne plus rien attendre pour faire exploser la norme et renverser la table, en riant, en se moquant de la bourgeoisie et du patriarcat. Les deux personnages semblent à mi-chemin entre les frères Blanko et Noiro, du manga Amer Béton de Taiyō Matsumoto, errants comme des délinquants naïfs dans une ville hostile mais qu’ils font leurs, et entre les sœurs Papin, de Les Bonnes de Jean Genet, motivées par une force invisible, une révolte satyrique et destructrice contre la bourgeoisie

Marie et Marie, c’est leurs noms, ne sont pas les seules à expérimenter la folie créatrice, la réalisatrice explore aussi dans le film des formes rarement vues au cinéma. Le montage, la couleur, le cadrage, tout, semble venir de l’imaginaire déchaîné des Marie. Elles interagissent avec le film et semblent chercher à s’en affranchir pour faire irruption dans la salle, ce qui arriva, peut-être en partie, deux ans plus tard en printemps 1968. Dans la suite des discussions que nous avons depuis longtemps à la bibliothèque autour de la notion de subversion (voir le texte que nous avions écrit d’appel à la discussion ici en novembre 2022), nous vous proposons de discuter ensemble de ce film après sa projection le lundi 30 octobre à 19h30. L’occasion de se demander : qu’est-ce que la subversion en dehors d’une révolte collective ? Quel lien peut entretenir la représentation de la subversion au cinéma avec un mouvement révolutionnaire ?

Agenda Octobre 2023

Lundi 02/10, 19h30, Ciné-club : Les duellistes

Jeudi 05/10, de 16h à 18h : Permanence

Dimanche 08/10, 16h : Groupe de lecture

Jeudi 12/10, de 16h à 18h : Permanence

Vendredi 13/10, 19h30, Discussion : Projection et discussion autour de «L’image manquante» de Rithy Panh et «C’était un samedi, chronique de la déportation des Juifs de Ioannina»

Dimanche 15/10, 16h : Groupe de lecture

Lundi 16/10, 19h30, Ciné-club : Dernière nouvelles du cosmos

Jeudi 19/10, de 16h à 18h : Permanence

Dimanche 22/10, 16h : Groupe de lecture

Jeudi 26/10, de 16h à 18h : Permanence

Vendredi 27/10, 19h30, Discussion : Discussion autour du mouvement social et des émeutes de 2023

Dimanche 29/10, 16h : Groupe de lecture

Lundi 30/10, 19h30, Ciné-club : Les petites marguerites

Jeudi 02/11, de 16h à 18h : Permanence

Dimanche 05/11, 16h : Groupe de lecture

Lundi 06/11, 19h30, Ciné-club : Les petites marguerites

Jeudi 09/11, de 16h à 18h : Permanence

Vendredi 10/11, 19h30, Discussion : Discussion autour du mouvement social et des émeutes de 2023

Permanence / ciné-club de l’été

A partir de ce mercredi 19 et tous les mercredi de l’été, la bibliothèque propose une permanence à 18h suivie d’une projection libre à 19h30, n’hésitez pas a venir avec des films (sur un support USB) que vous souhaitez présenter/discuter. Venez nombreux !

35 heures de trop, compilation de propositions diverses pendant le mouvement contre la réforme des retraites et ses suites

Cliquer sur l’image pour le pdf en format lecture, ou ici (pour la couv) et ici (pour l’intérieur) pour un format pdf imprimable

-Introduction-

Voici une compilation de textes, de tracts, de visuels, et affiches que nous avons réunis dans cette brochure afin de pouvoir rendre compte de quelque chose du mouvement social qui a connu son point fort en France entre janvier et juin 2023, et qui est maintenant à l’agonie. Ces textes sont par plusieurs aspects différents les uns des autres, ils émanent de différents endroits du mouvement parfois d’endroits en désaccord les uns avec les autres, parfois en conflit. Nous faisons ce choix car l’objectif est le suivant : en rendant compte de l’ensemble hétérogène du mouvement avec une perspective, celle du dépassement révolutionnaire (puisque c’est dans ce sens que nous y sommes intervenus), nous pourrons être capables d’en comprendre les failles, les obstacles, les intérêts, et en tirer des pistes pour le futur et le présent. Un bilan par l’archive, en quelque sorte, mais nous y reviendrons. Disons aussi que cette brochure est conçue dans l’idée d’être présentée d’abord à Ljubljana, en Slovénie, lors du prochain anarchist bookfair des Balkans qui s’y tiendra cet été 2023, puis ailleurs, là où elle voudra bien être lue, et qu’elle permette de discuter à ces endroits du dit « mouvement contre la réforme des retraites » mais pas seulement, aussi des luttes qui ont et auront cours à l’avenir à différents endroits du globe. Nous pensons que si les révolutionnaires qui interviennent aux quatre coins du monde étaient capables de se transmettre activement des choses de la sorte pendant ou après des mouvements, et d’établir une réflexion, un dialogue, ou une intervention à partir de ça, nous serions partout bien plus forts et intelligents. Ce mouvement, comme nous le disions, est soit mort, soit à l’agonie. Mais il a été avant ça naissant et vivace. Nous reconnaissons schématiquement trois « moments » dans le mouvement. Le premier a été ponctué par des blocages importants, d’ordres divers, routiers, fluviaux, ferroviaires, et même aériens, sur l’ensemble du territoire. C’est aussi le moment où dans plusieurs villes de France des initiatives ont été lancées pour élargir la question des retraites à celle du travail de manière générale qui se sont incarnées à travers l’existence de diverses assemblées d’organisations et d’assez nombreuses actions tournées contre les dispositifs de contrôle salarial de l’État, contre Pôle Emploi notamment. Les manifestations étaient syndicales, et ne constituaient alors pas le cœur du mouvement, grâce aux nombreuses formes de blocage et de sabotage dont nous avons parlé plus haut. Certaines grèves, dans le secteur des transports, ou des raffineries pétrolières, ont été solidement suivies à l’intérieur des domaines d’activité, mais elles ne se sont malheureusement pas vraiment diffusées aux autres secteurs. À Paris, Rennes, et Nantes une grève a eu plus d’importance que les autres par sa durée et son impact sur la vie quotidienne : celle des éboueurs. D’un côté pratique elle changeait la ville en la rendant dégueulasse, pleine de déchets inflammables, et de l’autre, elle a permis la tenue d’une AG importante où il était possible de s’organiser pour bloquer tous les points de transports des poubelles et pour réagir aux offensives du gouvernement pour casser la grève par la réquisition (mise au travail forcé sous menace juridique et pénale) notamment. Le deuxième moment que nous pourrions différencier du premier a débuté quand l’article 49.3 a été utilisé afin de faire passer en force démocratique la loi sur la réforme des retraites. S’est alors initiée une phase où les manifestations se sont mises à revêtir une nouvelle place dans le mouvement, elles sont devenues sauvages partout en France puisqu’elles sortaient de l’encadrement syndical, et ce dans toutes sortes de villes. Le feu comme arme du mouvement s’est diffusé, et tous les soirs dans plusieurs villes de France les poubelles non ramassées devenaient des barricades empêchant momentanément la circulation routière et les services de la ville (dont l’intervention po licière). C’est à ce moment que la police et la justice ont été relativement débordées, et ont été contraintes d’opérer des interpellations massives de plusieurs centaines de personnes par soirs sur l’ensemble du territoire afin d’essayer d’endiguer la situation. Une fenêtre s’est ouverte en ce qui concerne l’autonomie vis à vis des forces syndicales à ce moment, aussi car cela signait le passage de la réforme et la vacuité du militantisme traditionnel réformiste. Cette fenêtre ouverte, par laquelle nous ne nous sommes pas suffisamment engouffrés avant qu’elle ne se referme, devrait nous faire réfléchir à ce qu’il se passe quand nous réussissons à nous défaire du giron syndical, à nos perspectives au sein du mouvement. Les manifestations sauvages se sont progressivement ritualisées, ralenties, et interrompues jusqu’à aujourd’hui où la situation est revenue à la normale. La troisième, c’est celle dans laquelle nous nous trouvons, c’est celle de la désertion syndicale, de la répression étatique, de la mort du mouvement que nous décrivions plus haut. Le retour aux manifestations syndicales comme seule force d’intervention collective, toujours moins fortes et espacées dans le temps, l’arrêt progressif des grèves massives, jusqu’à la reprise normale du travail, les condamnations judiciaires successives et l’interruption de la plupart des espaces d’organisations signent, en même temps que l’intersyndicale, la mort du mouvement. Mais en réalité nous voyons deux choses qui sont mortes, et deux choses bien précises : le mouvement syndical, et ses espoirs « réformistes modérés » de voir la retraite se maintenir à 62 ans, ainsi que les possibilités de dépassement révolutionnaires et émancipatrices qui auraient pu naître et se développer à l’occasion d’un tel mouvement, selon notre hypothèse. Ces deux choses sont mortes mais nous en voyons d’autres qui sont bien vivantes, ce sont les luttes qui n’en finissent pas, qui commencent ou qui résistent à la fin des appels syndicaux, comme la mobilisation lycéenne, les luttes contre les frontières et la gestion étatique de l’immigration, où la défense contre la répression policière et judiciaire des luttes. C’est les émeutes massives qui viennent d’éclater partout en France à la suite du meurtre du jeune Nahel et qui s’attaquent autant aux commerces qu’aux autres agents du maintien de l’ordre (commissariats, mairie, école, prison, etc.) et qui parviennent en quelques nuits à ouvrir des perspectives que des mois de mouvement n’avaient pas réussi à envisa ger. Ce qui est toujours bien vivant également, c’est l’État et le Capitalisme, qui s’incarne chaque jour au travail, par le contrôle et la gestion sociale, par le développement des technologies liées aux dispositifs de surveillance divers, et par les prochaines lois qui, toujours dans le sillage de la réforme des retraites, visent à faire travailler toujours plus pour gagner moins ceux qui travaillent toujours trop pour gagner pas grand chose. Cette brochure comprend une deuxième partie pour traiter en particulier d’un événement dont nous n’avons pas encore parlé dans le descriptif général, parce que nous considérons qu’il revêt assez d’importance pour le traiter d’une manière particulière. Cet événement, c’est Sainte Soline, un week end écologiste à l’appel d’une Organisation en vogue, les Soulèvements de la terre, où plus précisément les suites de cet événement, dont la répression a été délirante (plus de 200 blessés dont 2 entre la vie et la mort), comme une vengeance contre l’ensemble du mouvement, et qui a donné lieu à de nombreux textes, de nombreuses réactions, de nombreuses actions, notamment autour d’un collectif qui a pris la parole contre l’État et le Capitalisme en dégageant une opposition autonome aux directions du mouvement, Les Camarades du S., blessé gravement à la tête pendant la manifestation principale du week end organisé par les Soulèvements. Pour mieux présenter tout ceci, nous avons rédigé une introduction à un dossier consacré à cet événement d’une grande importance au sein du mouvement social. Pour que la mémoire des interventions protéiformes au sein des mouvements nous serve à agir aujourd’hui et demain, partout dans le monde, pour la révolution. Juillet 2023

-Addendum-

Comme nous l’avons écrit dans l’introduction, cette compilation de textes a été diffusée à l’occasion du BAB, festival du livre anarchiste des Balkans qui se tenait cette année à Ljubljana. Quelques personnes invitées au festival pour une discussion sur les archives anarchistes ont proposé la tenue d’une discussion plus large sur le mouvement contre la réforme des retraites, sur les émeutes, sur la solidarité avec Serge, avec les blessés de Sainte Soline, avec Nahel, et pour creuser des perspectives révolutionnaires à partir de ces expériences à l’international. Cette discussion, qui était la seule du festival sur ces sujets, était pour beaucoup l’occasion d’apporter d’autres points de vue sur ces derniers mois de révolte en France – points de vue pouvant être divergents de ceux exprimés dans cette compilation puisque, comme nous l’avons écrit dans l’introduction, nous ne prétendons pas être exhaustifs ni représenter quoi que ce soit, et encore moins donner des leçons sur comment intervenir depuis une position hautaine et méprisante dont nous ne voulons pas ni ici, ni dans les luttes. L’intelligence collective et le rapport aux luttes doivent se creuser par la confrontation d’expériences et de points de vue différents, encore et toujours. Pourtant, cette nécessité de l’élaboration publique n’a pas été du goût d’une poignée de personnes de la région parisienne connues pour avoir comme principal terrain d’intervention les milieux militants qui ont tout fait pour empêcher la tenue de cette discussion en utilisant le BAB comme terrain de jeu pour régler des embrouilles de chapelles. Ayant échoué d’obtenir de la part des organisateurs l’annulation de la discussion, ils ont tenté un happening de type Femen en traitant toute personne participant au débat sur le mouvement de raciste, transphobe, islamophobe, sexiste, protecteur d’agresseur. Nous tenons à réaffirmer que toutes ces accusations sont fausses et ne sont rien d’autre que l’importation mensongère de quelques individus malveillants qui instrumentalisent honteusement ces sujets importants pour des question de rivalité politiques. Le point culminant de cette instrumentalisation honteuse étant l’utilisation dans ce happening d’une banderole faite pour rendre hommage à Noa Milivojev, une personne trans récemment assassinée à Belgrade, en Serbie. Nous n’avons pas les mots pour qualifier un tel détournement. La bibliothèque s’inscrit depuis ses débuts et s’inscrira toujours dans les luttes pour l’émancipation et la liberté de tous et toutes.
Le milieu parisien pue depuis un certain temps la banalisation et l’instrumentalisation du racisme, du sexisme, de la transphobie, en jouant sur certaines tensions similaires déjà présentes dans les milieux anti-autoritaires.
Ici et là, continuons à diffuser cette compilation, faisons et lisons en d’autres, réfléchissons aux pratiques anti-autoritaires. À bas les chefs, les flics et les juges du milieu parisien et d’ailleurs ! A bas la transphobie, le racisme, l’homophobie, le sexisme, et à bas tout ceux qui instrumentalisent ces questions !
Courage aux organisateurs du BAB et à tout les autres collectifs des Balkans et d’ailleurs qui vont payer les pots cassés de ces embrouilles parisianno-centrées alors qu’ils ont sans doute bien mieux à faire, pendant que les parisiens sont rentrés bien au chaud chez eux en s’en frottant les mains.

 

 

Discussion autour des émeutes en cours

Lundi 3 juillet 19h30

Parce qu’il est important et urgent de réfléchir, de discuter et de s’organiser pour être à la hauteur de cette vague puissante de révoltes émeutières qui n’accepte pas un mort de plus, un mort âgé de dix sept ans, nous proposons une réunion publique exceptionnelle lundi 3 juillet aux Fleurs Arctiques à 19h30. Pour la révolution, pour Nahel, pour les morts, les blessés, les enfermés, pour que nos solidarités détruisent enfin la démocratie et ses institutions répressives. Libertés, émeutes, révolutions !

Émeutons-nous !

(english below)

le 29 juin 2023

Un jeune homme de 17 ans, Nahel, a été tué par balles par un flic avant-hier, le 27 juin à Nanterre, exécution sommaire pour quelque chose qui se retrouve nommé « un délit de fuite » ou « refus d’obtempérer », quelque chose qui ressemble à tenter la liberté pour ne pas rester à la merci de deux flics prêts à tuer. Nous n’avons pas les mots, nous les cherchons encore, pour exprimer notre colère et notre solidarité totale, sans conditions et avant même d’en savoir plus sur tout ce que la presse déverse depuis les rumeurs de commissariats. En voici tout de même quelques uns, puisque s’exprimer nous paraît quand même nécessaire.

17 ans, putain.

Le gouvernement a essayé de diminuer la portée du drame pour éviter la confrontation directe, pour protéger ses flics, se protéger lui-même, ainsi que le monde de merde et de misère qu’il maintient en place. Pour tenter de se prémunir face à la colère de tous, il a utilisé une technique dégoûtante : celle de l’atténuation et de la pacification, en ne lésinant pas sur l’usage de mensonges. Mettre en avant, par les médias et les déclarations de presses des différents partis de gauche et de droite, que l’adolescent avait un casier judiciaire (ce qui s’est avéré faux), que le policier était en danger (ce qui s’est tout autant avéré faux), invoquer le rôle de médiation de la justice et du deuil national pour régler le problème. Toutes ces techniques sont bien rodées mais ont été inefficaces hier et aujourd’hui : Tout le monde sait que cette exécution n’est pas un problème privé, entre un policier et une famille, pas plus qu’elle n’est une bavure exceptionnelle. Ce que la presse et l’État défendent en salissant ceux qu’ils exécutent, c’est la possibilité de maintenir l’ordre coûte que coûte, c’est la possibilité de nous tenir en joue et de tirer, c’est la possibilité d’une « légitime défense » de sa propre existence au prix de nos vies. C’est nous contre eux. Et tout le monde se contrefiche qu’il ait un casier judiciaire ou non, comme tout le monde se contrefiche que ceux que ses flics visent soient fichés S, ou qu’ils soient défavorablement connus de la CAF, de pôle emploi ou des services de police. Tout le monde sait qu’il faut se battre, et personne ne semble avoir envie de pleurer en silence. Alors que les pompiers, le gouvernement, la gauche et tous les pacificateurs appellent au calme, la mère de Nahel a courageusement demandé « une révolte pour son fils ».

Les tentatives d’endormissement de la colère sont pour l’instant un échec : le jour même, des émeutes ont éclaté à Nanterre, et la révolte s’est propagée dans tout le 92, dans une partie du 93, et dans d’autres villes, à Bordeaux, à Lille, à Nantes, à Roubaix. Par endroits, les policiers sont débordés, blessés, et parfois s’enfuient, abandonnent. La seconde nuit d’émeutes a été encore plus offensive et s’est étendue à d’autres villes, à Toulouse, à Lyon, à Strasbourg, à Clermont-Ferrand, dans quelques endroits de Paris, dans le XXème, à Belleville, à la Chapelle, dans le sud du XIIIème…, et surtout dans énormément de villes d’Île-de-France. Ce matin, les services de nettoyage peinent à masquer les traces de la révolte. Voitures, bus, lignes de tram, mairies, barricades, écoles et commissariats, tout flambe. Des pillages ont eu lieu,
de magasins, camions, supermarchés. Cette largeur de vue pour mieux cibler ce qui maintient l’ordre et cette pertinence dans les attaques, que le mouvement contre les retraites a peiné à ouvrir malgré son ampleur, on
dirait que deux nuit d’émeutes commencent à l’envisager. La prison de Fresnes a été très courageusement prise d’assaut durant la deuxième nuit d’émeute, pour aller libérer les prisonniers, pour tous nous libérer. Une brèche s’ouvre, une brèche pour faire trembler ce qui hier paraissait invincible. Mais hier, c’était novembre 2005. Hier, c’était les gilets jaunes. Hier, c’était mai 68. Hier aussi nous avons fait trembler l’État, son maintien de l’ordre, et ainsi nous comprenons que cet ordre est loin d’être inattaquable, puisqu’il tremble.

Il nous faut rentrer dans cette brèche, et nous voyons quelques moyens qui sont à notre portée à tous, ici et maintenant. Nous souhaiterions, dans l’idéal, pouvoir dépasser ces « quelques moyens à la portée de tous » et pour cela il nous faut, comme les émeutiers de Nanterre, trouver des moyens nouveaux pour trouver de l’efficacité contre nos ennemis, la police de l’état, du capitalisme, de la démocratie, et plus encore contre l’apathie, la résignation, le suicide quotidien, le désintérêt collectif. Tout cela n’est pas normal, et doit être combattu, pour Nahel, pour M. tué dans le CRA de Vincennes, pour les milliers de personnes qui meurent aux frontières de l’Europe, pour Serge et les blessés du maintien de l’ordre à Sainte-Soline et partout, et pour tous les autres d’hier et de demain, pour nous tous, pour en finir aussi avec la pitié, le paternalisme et la condescendance, avec toute notre rage d’en finir avec ce monde et avec un désir de liberté, intact.

Dans cette lutte que nous allons être nombreux à mener, rappelons nous toujours que l’ennemi que l’on a en face de soi, celui qui nous mène une guerre ouverte, n’est pas le seul. N’oublions pas celui qui se met à notre côté, celui qui récupère et tue de l’intérieur, qui aspire et vampirise : la gauche, ses grands frères moralisateurs et ses sociologues de comptoirs, la négociation de la paix sociale qui très vite voudra encadrer et tuer la haine dans le calendrier judiciaire qui, lui avant tout, est notre ennemi. C’est ce calendrier judiciaire lui-même qui prolonge les arrestations. Solidarité avec les 180 interpellés de la nuit dernière.

De Nanterre à la France entière et au reste du monde

ÉMEUTES !

RÉVOLUTIONS !

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Programme de mai à juin 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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En mai et juin la bibliothèque propose les discussions suivantes :

le 30 mai le 7 juin : S’organiser efficacement contre les résurgences de l’antisémitisme et du négationnisme d’extrême gauche

le 3 juin : Autonomie et perspectives révolutionnaires, discussion autour de la brochure « Pour un anarchisme révolutionnaire » en présence du collectif Mur par mur.

le 11 juin  16 juin : démontage judiciaire autour d’un des volets de l’affaire dite « Machine à expulser »

le 23 juin : discussion autour de l’affiche « Soldats », contre les directions des mouvements pendant qu’elles dirigent et parce qu’elles dirigent

 

 

Au ciné-club seront projetés :

le 29 mai : Zabriskie Point, Antonioni, 1975

le 5 juin : Saint Maud, Rose Glass, 2019

le 12 juin : L’Homme des hautes plaines de Clint Eastwood, 1973

le 26 juin : Crossing Guard, Sean Penn, 1995

 

Zabriskie Point

Lundi 29 mai 19h30

Michelangelo Antonioni – 1970

VOST (USA) – 105’

Dans la suite des road movie comme Easy Rider de Dennis Hopper, Zabriskie Point d’Antonioni raconte une errance chaotique à travers les Etats Unis, à la fin des années 60. Des révoltes étudiantes à Los Angeles jusqu’au désert de la Vallée de la Mort, Mark et Daria se rencontrent et traversent l’Arizona, un peu par hasard, voyage qui finit par laisser place à un presque vide spatial et cinématographique. Mais ce vide se transforme aussi en un rythme qui se ralentit au point de faire défiler des paysages qui deviennent l’histoire elle-même, à l’esthétique brûlante et saturée. Jusqu’à la dernière scène contemplative et explosive, à la bande son déchaînée.