Lundi 12 juin 19h30
Clint Eastwood – 1973
VOST (USA) – 101’
Un étranger vêtu de noir arrive à Lago, petite ville de pionnier dans le désert. Il devient rapidement un personnage à la fois craint et utile, voire nécessaire à la sécurité de la ville, puisque le shérif lui demande de la défendre contre trois bandits dont la libération est prochaine et qui menacent de la détruire. Si les motivations de celui qui ne dira jamais son nom restent mystérieuses, sa détermination semble féroce dans l’accomplissement d’une vengeance dont la défense de la ville n’est qu’un moyen, alors que la scène du meurtre d’un ancien shérif tué à coups de fouets revient sous forme de flashs de manière récurrente. La fin sera bien plus apocalyptique, du moins dans le cadre de ce monde isolé que constitue cette ville dans le désert dans laquelle se déroule ce quasi huis-clos, et le héros disparaîtra de l’écran seul, comme il y est entré. Le scénario s’inspire d’un fait divers de 1964, le viol et le meurtre d’une jeune italo-américaine, Kitty Genovese à Brooklyn en présence de nombreux témoins dont aucun n’a prévenu la police ou n’est intervenu, au point que les circonstances de ce meurtre ont inspiré la notion d’« effet du témoin » ou « effet spectateur » en psychologie des foules, théorie qui démontre, expériences à l’appui, que, de manière fortement contrintuitive, la probabilité de secourir quelqu’un est plus forte quand le témoin de l’agression est seul que quand plusieurs personnes assistent à une agression. Mais le film dépasse largement le cadre de ce fait divers dont il décale énormément les données précises, pour interroger la vengeance en elle-même, raison de vivre et d’agir du personnage, les moyens qu’il se donne, aussi terribles voire pires que l’acte qu’il punit, ses motivations, les proportions que prend sa vengeance et quelque chose comme sa légitimité, à défaut de légalité, dans le cadre de cet Ouest sauvage dans lequel les institutions supposées prendre en charge et détourner la rage vengeresse ne pèsent rien face à la détermination d’un homme, dont le projet devient le destin de tous.
Et, en plus de la perfection formelle et scénaristique de ce western qui fait partie des premiers films dans lesquels Eastwood joue et réalise, c’est bien pour réfléchir à cette question de la vengeance comme moteur et moyen de l’attaque et de la destruction de l’existant, et de sa représentation cinématographique que nous proposons cette projection, dans le cadre d’un cycle déjà en cours autour de cette question dont nous voudrions discuter les liens évidents et problématiques à la fois avec la perspectives révolutionnaires.