Les Guerriers de la Nuit

 Walter Hill – VOSTF (USA) – 1979 – 1h24

Mardi 9 avril 19h

Dans un grand amphithéâtre, toutes les bandes de New York se sont réunies à l’appel des Gramercy Riffs et de leur chef Cyrus. Ces derniers souhaitent dans une grande réunion, unir toutes les bandes des différents quartiers de la ville afin de lancer un assaut massif contre les flics et les institutions et la société. Cependant, une des bandes n’est pas de cet avis et va éliminer Cyrus tout en attribuant cet assassinat aux Warriors qui vont alors s’enfuir du lieu de la réunion jusqu’à leur QG à Coney Island. Cette course poursuite fait s’enfoncer les Warriors dans les méandres du Bronx où différentes bandes veulent leur peau.

La manière de dépeindre l’existant de ce film de Walter Hill datant de 1979, dont une scène a été censurée pour son message émeutier, a été une source d’inspiration majeure pour le genre post-apocalyptique que ce soit dans sa manière de filmer les gangs, la ville, la crasse, la violence et la brutalité que peuvent prendre les rapports humains. Si ce film nous offre des scènes qui n’ont rien à envier aux films d’arts martiaux des années 80 ainsi que des scènes de violence inspirées directement par Orange Mécanique de Stanley Kubrick, il nous invite aussi à une réflexion sur la normalité des années 70 dans le Bronx.

Scènes de chasse en Bavière

Peter Fleischmann – VOSTF (Allemagne) – 1969 – 1h20
Mardi 16 avril 19h

Il ne faut pas salir son costume du dimanche ! Dans un petit village clôs de Bavière, où tout le monde se connaît, s’épie, se calomnie, tout commence et se termine à l’Eglise. Pourtant, la critique de la religion et de la morale que permet le film en noir et blanc de Peter Fleishman, et qui se relie très bien à la discussion sur Religion et modernité d’un programme précédent des Fleurs Arctiques, interroge bien plus que la dimension répressive. Le réalisme du film qui suit de près le quotidien des habitants du village, paysans pour la plupart, bien qu’ils aillent quelques fois travailler plus loin à l’usine, indice d’une modernité industrielle dont nous ne connaîtrons pas davantage la date, met en relief tout ce que la morale de la communauté permet, tolère, voire favorise. C’est donc un catholicisme identitaire de torgnolles, de viols, d’agressivité et de moqueries qui est mis à l’écran. Bien loin d’une austérité ou d’un ascétisme de la religion, ce sont ici les rires gras et les musiques folkloriques de la bande son qui masquent les cris et empêchent les individus de s’exprimer. On rit avec la communauté en riant des autres, ou on se tait. Trois personnages incarnent trois formes d’extériorité, de différence aux yeux de la société, et leurs rapports internes, ainsi que leurs rapports avec les autres membres du village, nous permettront de soulever la question de l’intégration, de la désactivation de tout potentiel critique. Ainsi « la salope », « l’idiot » et « le pédé » peuvent faire partie de la grande famille dès lors que leur marginalité appartient au défoulement quotidien de l’agressivité et de la moquerie, dès lors qu’ils acceptent de se taire et de rester dans leurs rôles attribués… mais si jamais l’étranger ne peut plus être assimilé à l’organisme, mettant en péril la stabilité des mœurs, alors la chasse est ouverte. Le catholicisme bavarois est l’occasion de soulever une réflexion sur la manière dont n’importe quel milieu identitaire, qu’il soit religieux ou non, parvient à se conserver et à se perpétuer.

L’Attaque de la femme de 50 pieds

Nathan Juran – VOSTF (USA) – 1958 – 1h05
Mardi 23 avril à 19h

 

Une boule de feu survole la surface de la terre. Lorsque cet OVNI survole la Californie, il croise le chemin de Nancy Archer, riche héritière. Personne ne croit le récit de son extraordinaire rencontre, à cause de son passé psychiatrique, tout en la ménageant, par intérêt pour sa fortune. Face à ces réactions, face à tous les comportements à son encontre, sa colère va grandir… jusqu’à pouvoir enfin exploser.

La Route

John Hillcoat –VOSTF (USA) – 2009 – 1h59
Mardi 30 avril 19h

 

Un père et son fils errent dans un monde en ruine à la recherche de la mer du sud. Ils errent sur une route semée d’embuches depuis qu’un flash de lumière a réduit à néant l’ancien monde. Depuis toute lumière vive semble avoir disparu, la froideur du ciel, les paysages grisâtres et la lumière monochrome sont omniprésents. La végétation croule et les animaux ont disparu. Malgré cela quelques humains survivent ici et là, se ralliant même parfois en bande. Cependant la bienveillance n’est que rarement au rendez-vous. Le cannibalisme présent au quotidien est le pire des cauchemars de ce père et son fils qui sans cesse doivent bouger et rester aux aguets. Le film nous parle à travers cela de l’atomisation des individus, des rapports toxiques qui peuvent naître entre eux et comment ces derniers sont destructeurs pour tous. Il nous décrit contemplativement la décrépitude lente et progressive du monde post-apocalyptique à l’abandon. Mais il nous questionne toutefois sur le sens d’agir, de survivre mais surtout de vivre, d’être solidaire dans un monde où tout semble vain, où tout est vide, froid, hostile et mort.

Les Visiteurs du Soir

Marcel Carné – 1942 – 1h50
Mardi 7 mai 19h

 

Quand le diable s’invite à la cour, l’amour courtois devient l’occasion de désespérer les hommes et leurs conventions, et le chant des troubadours sème le trouble tout autour. Mais le diable lui-même peut être surpris par le mouvement du réel : ses deux émissaires, les visiteurs du soir Gilles et Dominique, deux figures de la subversion, jouent de manière radicalement différente. L’un prend, l’autre s’éprend. L’un joue selon les règles qu’il s’est fixées, l’autre découvre dans le jeu une nouvelle attitude. Gilles et Dominique incarnent deux manières d’être contre la société : d’un projet commun d’opposition apparaît un conflit entre leurs propres agissements au fur et à mesure que les habitudes de la cour dépérissent. Il n’y a pas de tragédie, il n’y a que de l’imprévisible, et surtout quand les passions sont de mise. Ils auront fait contre l’ennui maintes choses qui leur seront comptées à folie plutôt qu’à sagesse, mais c’est qu’à tous les biens de ce monde, ils auront préféré leur fin amor.

Prendre du recul en avant

Discussion autour de l’avant-gardisme
Samedi 11 mai 19h

 

Après avoir discuté le samedi 6 avril de la réaction et des formes nouvelles qu’elle prend à notre époque, notamment dans les aires subversives, on se propose de discuter d’un autre extrême des temporalités historiques, l’avant-gardisme, dans ses théories comme dans ses pratiques.

Les avant-gardes, qu’elles soient artistiques ou politiques, ont joué un rôle notable durant une partie du XXème siècle. Dans les deux cas, elles se définissent par la position qu’elles veulent et prétendent occuper, une position en avance sur le temps présent. Voulant devancer leur époque, elles produisent des théories, des valeurs et des pratiques qui se veulent nouvelles. Si l’époque des avant-gardes semble close à présent, quoique certains militants qui voient venir (et leurs amis) en remettent quelques relents au goût du jour, nous pouvons utilement nous pencher sur ce qu’une telle position par rapport au temps présent signifie : peut-on réellement s’émanciper d’un temps qu’on représente comme linéaire pour prendre les devants ? Cette position ne condamne-t-elle pas fatalement à se placer à l’extérieur de la réalité présente, en prétendant la surplomber, illusoirement ? Et si le temps des avant-gardes historiques est bel et bien passé, ce qui a pu en survivre dans les aires subversives, n’est-ce pas précisément une certaine extériorité ou volonté d’extériorité par rapport à l’époque et aux rapports qu’elle contient ? Enfin, comment, pour ceux qui aujourd’hui encore persistent à vouloir renverser le monde, ce monde où les possibilités révolutionnaires se sont perdues dans un brouillard lointain, ne pas sombrer dans cette posture d’extériorité, dans une volonté de sécession ?

Ne peut-on pas envisager un rapport au temps moins linéaire, plus fractionné, plus vivant dans lequel regarder vers l’arrière pour renouer des fils perdus avec des périodes plus révolutionnaires peut apporter davantage que prétendre mettre le présent et ses multiples possibles au pas d’un avancement prétendu ?

Vidéodrome

David Cronenberg – 1984 – VOSTF (Canada) – 1h28
Mardi 14 mai 19h

 

« Television is more than reality, reality is less than television » – P. Oblivion dans Videodrome

Un producteur cynique de films porno cherche de quoi relancer l’excitation d’une clientèle très vite blasée par une profusion de productions lucratives et sans autre intérêt. Suite à un piratage d’ondes, il tombe sur un programme clandestin, Videodrome, qui va attiser sa curiosité jusqu’à l’obsession, bouleverser sa vie, rentrer littéralement en lui jusqu’à ce que la fiction rende la réalité elle-même fantastique, déforme les corps en même temps que la réalité du snuff-movie détruit la fiction. Ce film des débuts de la carrière de Cronenberg n’est pas seulement une explosion d’images fantastiques hybridant le corps et la machine avec une inventivité hallucinante, au service d’une critique acérée et ironique du désir d’image à l’ère télévisuelle. Il met en scène et questionne la manière dont la réalité de la souffrance et de la torture sert les exigences toujours plus intenses d’un désir de fiction que la fiction ne peut satisfaire et comment c’est l’humanité du spectateur-voyeur qui s’y retrouve déstabilisée, hybridée, détruite par cet inverse du « supplément d’âme », cette espèce de « supplément de vérité corporelle » que le désir recherche, sans fin, jusqu’à l’insupportable.

La révolution est-elle un mirage ?

Dimanche 19 mai 18h

A la suite d’un groupe de lecture autour du texte Vers les mirages, publié en 1911 dans le journal L’anarchie, écrit par Le Rétif (alias Victor Serge), il nous a paru intéressant de poursuivre les réflexions proposées par ce texte dans le cadre d’une discussion publique.

Le Rétif, dans un style très lyrique, critique radicalement les mirages que tout le monde poursuit dans ce monde et y inclut les illusions dans lesquelles de nombreux révolutionnaires tombent, notamment celle de l’attente de la Révolution, incarnée par le Grand Soir. Il amène à se poser la question du rapport des révolutionnaires à la Révolution. Est-ce quelque chose auquel on croit, qu’on espère, qu’on fait advenir, qu’on théorise, qu’on programme ? Est-ce un simple mirage qui nous empêche d’œuvrer à vivre libre ici et maintenant ? Le Rétif, bien que critiquant radicalement le sacrifice de la vie présente, réelle et sensible au nom des lendemains qui chanteront peut-être, ne considère pas pour autant l’alternative comme une possibilité émancipatrice, comme un moyen de gagner la liberté. Se demander ce qu’on attend pour être libre, c’est aussi réfléchir à ce qui nous empêche de vivre libre et peut-être comprendre que la liberté ne peut se trouver dans un « en dehors » de ce monde qui ne serait qu’une illusion et qu’il range dans la même catégorie que les arrières mondes des croyants. Vers les mirages montre assez pertinemment comme il est facile de croire avoir résolu toutes les questions révolutionnaires en pensant avoir trouvé comment s’organisera la société future, un nouveau paradis pour remplacer les paradis déchus de la religion, et comment on accèdera, ou comment on peut déjà accéder à cette société. Un mode d’emploi théorique précis qui attend simplement qu’une main d’œuvre le mette en place et qui en vient à réduire la liberté à un triste ensemble de mots d’ordres que l’on pourrait énoncer. On commence là un cycle tenace de discussions sur la question révolutionnaire qui se poursuivra au fil des prochains programmes en fonction des occasions et sous divers angles.

Suggestion de lecture : La poussière, la pourriture et le mouvement –
Contribution aux débats sur la question révolutionnaire et quelques mots sur le « nihilisme » – Aviv Etrebilal – Avril 2019

The Village

M. Night Shyamalan – VOSTF (USA) – 2004 – 1h48
Mardi 21 mai 19h

 

Un village vit isolé dans aucun lieu et aucune époque, séparé de tout monde par la peur panique de « ceux dont on ne parle pas » (« those we don’t speak of »). Un village où la peur est apprise, transmise et entretenue, nécessaire pour protéger, garder en sécurité et permettre de vivre, et empêcher tout rapport à l’ailleurs et à l’altérité. Autour de cette peur s’organisent le bien et le mal qui règlementent la vie de chacun et auxquels tous obéissent. L’obéissance y est présentée comme une condition de la survie. Jusqu’à ce qu’une nécessité plus impérieuse oblige à percer ce mur, réel et virtuel à la fois, à l’intérieur duquel tous sont enfermés. Ce thriller très réussi emmène le spectateur à travers cette peur et cette obéissance jusqu’à ce que la dystopie opère et révèle ce que ce village a de commun avec notre monde et nous fasse percevoir alors comment les rapports de pouvoir, le maintien dans l’ignorance, les constructions morales et superstitieuses opèrent pour maintenir l’existant à tout prix et à quel point l’émancipation passe par la nécessité de traverser la peur et l’angoisse, à partir du moment où on vit dans un monde qui perdure en nous faisant croire que toute altérité est dangereuse.

L’enfance dans et contre l’école

Samedi 25 mai 19h

 

Dans les précédents programmes, la question de l’école a fait l’objet d’un cycle, de textes, et bientôt d’une discussion. Parce que l’école, avec le monde, change et se transforme, que l’école « de droite » traditionnelle dont nous pouvons bien imaginer les méfaits a laissé progressivement place après mai 68 à une école qu’on peut dire « de gauche » intégrant bon an mal an des aspects non négligeables des pédagogies alternatives, et qui pose bien évidemment des problèmes différents ou pas si différents, et change la donne, en quelque sorte s’adapte et nous adapte de mieux en mieux à la bonne gestion du monde. Prétendant proposer une alternative à cette école « de droite », dure, inhumaine et, avec les élèves comme rouages, ou de la caserne, comme le disait Fernand Oury, l’école que nous connaissons aujourd’hui se trouve plus « compréhensive » de l’enfant, accompagnante, multipliant les dispositifs d’aide dite « personnalisée », cherchant à diagnostiquer et à traiter le plus tôt possible les dysfonctionnements dans les apprentissages et autres « déviances », mais elle se trouve de plus en plus insidieuse dans ses fonctionnements, elle vient regarder au plus près de l’être de l’enfant, et la frontière rendue diffuse de l’autorité ne l’abolit pas pour autant. Ces changements qui suivent l’époque nous intéressent donc, afin de complexifier le « A bas l’école », de ne pas en faire un simple slogan, mais d’analyser l’école, de la comprendre et de la penser. La question de l’évaluation, se basant de moins en moins sur les notes dures et froides mais plutôt sur les compétences et le travail, la porosité toujours plus grande entre le monde de l’entreprise et l’école, avec les stages comme grand exemple, moment où ton école t’envoie au travail tout en continuant de t’y surveiller, et ou le travail te surveille pour l’école, moment où le jeune lycéen apprend à vivre dans et pour le monde du travail, la position des professeurs, à la fois amicaux et conseillers d’orientation, punitifs et dépositaires de l’apprentissage, sont autant de pistes de réflexions, de choses dont il est important de discuter, qui sont le reflet sinon une partie primordiale de ce monde. Elles nous permettent de voir combien les vieux rapports d’autorité sont laissés intacts sous des formes d’éducation nouvelles.

A bas l’école et vive l’enfance !