Funny Games

Michael Haneke (version US) – 2008 – 1h51

Mercredi 6 mars à 19h30

A quoi peut ressembler le jeu, une fois que s’évanouissent les limites du réel et de la fiction ? D’après une étude menée par Funny Games US, à des choses assez peu réjouissantes…
L’histoire racontée par le film n’a rien d’exceptionnel : des bourgeois américains en villégiature passent sous la coupe de deux tortionnaires visiblement décidés à leur faire passer un sale quart d’heure, par pur plaisir. Mais le ludique est ailleurs, et le spectateur n’est pas au monde : c’est la raison pour laquelle il devra subir sa propre torture, celle de n’être ici qu’un voyeur réclamant plus de jeux que de pain. Nos deux tortionnaires lui feront bien comprendre que c’est lui qui mène la danse, et qu’il aura tout le divertissement qu’il a cherché. Au menu : humiliations, tortures et meurtres, tous plus raffinés les uns que les autres.
Mais le sadisme supposé du spectateur est aussi celui, avéré, des tortionnaires. Brisant le quatrième mur, ils sont symboles de la rupture des limites entre la fiction et la réalité. Ils sont aussi l’image de l’ennui grand-bourgeois : jeunes, polis, propres sur eux, le tout en gants de golf. Leur seule occupation semble être de vaquer de maison en maison pour reprendre indéfiniment leurs « jeux » sadiques.
Funny Games US peut alors être l’occasion de se demander ce que peuvent devenir ceux qui s’ennuient, dans une société où tout est possible, mais où rien n’est permis : le type de structures psychologiques que cette société peut produire, et comment penser et œuvrer à l’ouverture des possibles, sans devenir soi-même un tortionnaire en gants blancs…

Mad Max Fury Road

George Miller – 2015 – USA (vost) – 2h

Mercredi 20 février 19h30

Max, un ancien flic devenu cavalier solitaire, poursuivi par ses vieux démons, erre dans des étendues désertes après la destruction du monde par une guerre nucléaire. Fury Road est le quatrième film de la saga Mad Max devenue culte pour avoir popularisé le genre post-apocalyptique. Contrairement aux films de Kaiju qui nous montre sa destruction, le film nous place ici après la destruction du vieux monde. Nous avions déjà abordé ce genre cinématographique lors de la projection de Nausicaä film d’animation de Hayao Miyasaki. L’univers de Mad Max où la lutte pour la survie est permanente. est poussiéreux, hostile, punk et violent. La domination et le pouvoir s’exercent ici par le contrôle des ressources telles que l’eau, le pétrole mais aussi par l’asservissement total des femmes qui sont traitées en instrument de reproduction. Ce pouvoir est incarné dans le film par le personnage d’Immortan Joe, chef de guerre et gourou de l’oasis. Le film est une course poursuite dantesque de 2h, une fuite en avant contre la passivité. Furiosa, ex bras-droit d’Immortan Joe, part avec un groupe de femme, est pourchassé par ce dernier, qui les gardait captive. Elles fuient vers un lieu inconnu qui semblerait être le paradis. Le film est une ode à la liberté où la révolte est la seule solution pour s’émanciper et lutter concrètement, par le poignard et le fusil, contre ce qui domine les personnages qui ne gagneront rien à s’en remettre à un éventuel ailleurs.

Programme de décembre 2018 à février 2019

Télécharger le programme de décembre 2018 à janvier 2019 pour impression, et plier en 4 (format avion en papier).

  • Permanences : samedi 16h – 19h
  • Ciné-club : mercredi 19h30
  • Groupes de lecture : dimanche – 16h

Edito :

Gilet jaune, chasuble rouge, K-way noir ? C’est quoi la tendance cet hiver ?

 

L’essence est trop chère, les loyers, le chauffage et la bouffe aussi, c’est sûr, sans même parler du ballon de rouge. Il a raison, Jojo, c’est de pire en pire et ça commence à bien faire. Et puis c’est quand même délirant qu’un cadre moyen ou un petit commerçant vive aussi mal qu’un RSAste, alors qu’il bosse, lui, et tout ça pendant que certains s’en mettent plein les poches, les petits patrons sont exangues et on se fait manger la laine sur le dos. Et puis voilà qu’on vote une loi pour nous empêcher de taper nos mômes.

Moi aussi, je suis contre les lois. Vas-y Jojo, mets ton gilet jaune, je mets mon K-Way, on va niquer un radar. »

et pas autre chose ?

Les gilets jaunes manifestent et cassent, mais pour l’instant en tout cas, pas en semaine, bloquent les circulations mais pas l’économie. Quelque chose se passe, c’est sûr, mais avant de se jeter à corps perdu sur les rond points, péages et centres d’impôts de France et de Navarre, ne faudrait-il pas essayer de le comprendre? Les signaux d’alertes semblent ne plus fonctionner (et pourtant, il y en a…) et la radicalité (et les fantasmes qui l’entourent) court comme un canard sans tête pour servir de boussole aveugle. On propose, samedi 15 janvier, de prendre un moment pour faire le point sur ce « mouvement des gilets jaunes », sur la tentation d’y intervenir, et plus largement sur la question de savoir si c’est bien un « mouvement social de droite », ce que cela change et si cette notion a un sens et lequel.

C’est comme s’il manquait quelque chose, du sens peut-être, au moins d’orientation, comme si on avait jeté tout le lest, comme si on avait fini par oublier pourquoi on est là. C’est peut-être d’abord ça, la post-modernité : une période de liquidation, qui nous laisse dans un vide dont on peine à sortir, et qui se remplit très vite de tous les rebuts des périodes précédentes en se berçant d’illusion sur leur nouveauté. On interrogera la question des identités par exemple, qu’elles soient politiques, nationales, existentielles, populaires, socio-biologisées, sructémiques et systémelles, de « classe », de « race » ou de « genre », à petite ou grande échelle, de leur retour sous de nouveaux habits (qu’ils soient noirs, rouges ou jaunes) et du vide qu’elles viennent combler (le 8 février).

On essaiera aussi un petit retour en arrière, pour commencer à comprendre ce qu’on est en train de perdre alors que s’achève la liquidation de 68, et en voyant comment, y compris avec toutes les bonnes raisons du monde, c’est aussi, comme par mégarde, la perspective même de la révolution qu’on est en train d’achever (le 26 janvier). Dans la même optique, on poursuivra le travail entamé autour du documentaire Ni Dieu Ni maître (Tancréde Ramonet, Arte) en se demandant ce qui se liquide aussi du côté de cette réhabilitation de l’anarchisme aux yeux de l’Etat et de la bourgeoisie, comme dans un même mouvement (le 23 février). Et c’est sans doute le mouvement de normalisation et de pérennisation de ce monde qu’il nous faut combattre si on veut respirer à nouveau.

Et puis on essaiera de comprendre ce que ce monde promet, en échange de ce qu’il fait perdre et comment il nous gère au mieux en généralisant une conception gestionnaire qu’on pourrait appeler « assurantielle » parce qu’elle cherche avant tout à optimiser risques et profits, d’abord expérimentée sur les domaines de la répression et de la mise au travail, et qu’on est aujourd’hui invité à intégrer à nos vies, nos rapports, nos aspirations et nos amours (le 11 janvier). Certains auteurs et diffuseurs de guide pratique sécurisants devancent d’ailleurs d’une certaine manière cet appel.

Pour continuer à essayer de comprendre ce qui nous arrive, et de s’armer pour y faire face, un programme donc autour de ce que notre époque liquide, de ce qui la rend inhabitable, pour trouver des pistes et des moyens d’en sortir.

  • Tous les mercredi à 19h30, on projettera des films dans le but d’en discuter et d’alimenter un souffle révolutionnaire qui en a tellement besoin. On rencontrera des enfants, des gros monstres, des clochards qui explosent et autres curiosités anormales et propices à la réflexion et à la discussion.
  • Pendant les permanences, le samedi de 16h à 19h on peut se rencontrer, parler de ce qui se passe, discuter du projet, proposer des initiatives diverses, faire part de remarques variées, se procurer des publications qu’on diffuse, en emprunter, en apporter pour la bibliothèque ou en proposer pour la diffusion…
  • Dans les groupes de lectures, le dimanche à 16h00, on lira une fois sur deux un texte long qui se poursuivra de séance en séance, l’autre fois permettra de lire des textes courts qu’on choisira sur le moment en fonction des propositions qui seront faites sur place (on peut donc venir avec les siennes).

 

[Distro] Appel à soutien financier pour la sortie des n°3 et 4 de Des Ruines

Nous recevons et diffusons :

La revue devrait sortir sous la forme d’un double numéro (3/4) dans les semaines à venir, malgré des difficultés financières certaines, puisqu’elle contiendra plus de 300 pages reliées au format habituel. Elle est donc coûteuse à produire, et c’est ce qui retarde désormais sa sortie. Il est déjà possible de faire un don de soutien (par exemple via paypal ou par chèque) et/ou pré-commander un ou plusieurs exemplaires pour aider à sa publication. Vous serez alors parmi les premiers à recevoir la revue. Elle contient de nombreuses contributions inédites de toutes sortes (écrites, graphiques, etc.) et nous garantissons présomptueusement qu’elle saura susciter beaucoup d’intérêt chez celles et ceux qui ont apprécié les numéros précédents, et plus encore. Des exemplaires des deux numéros précédents sont encore disponibles (pas pour longtemps), contactez-nous pour les points de diffusion physiques actifs en ce moment. Des versions PDF de ceux-ci seront mises en ligne sur le blog dès la sortie papier du nouveau double numéro. Cela n’enlèvera rien au fait, sans aucune considération morale, que nous conseillons, à titre indicatif, et préférons, sa lecture sur papier comme cela fut expliqué dans un édito.

Pour plus d’informations nous contacter : desruines(at)riseup.net
https://desruines.noblogs.org/


Aperçu du sommaire

Les trois grands dossiers :

  • Religion et Modernité – De nouvelles analyses pour de nouveaux enjeux  ?
  • Sociobiologie, quand la science justifie la domination sociale
  • Godzilla et les kaïju, le Béhémoth de la révolution

Mais aussi un nouvel édito toujours trop long et trop colérique et des mini-dossiers sur la machine à expulser, nationalisme, régionalisme et contre-cultures, des éclats de révolte d’écoliers et de lycéens du dernier siècle, les stérilités identitaires, les anarchistes durant la guerre de 14-18, des débats sur l’écriture inclusive et l’organisation en non-mixité, et de nombreuses autres inactualités actuelles et actuelles inactualités sur les perspectives anarchistes et révolutionnaires.

De bruit et de fureur – Mercredi 7 novembre à 19h

Jean-Claude Brisseau – 1988 – France – 1h35

Mercredi 7 novembre à 19h

De bruit et de fureur nous narre l’histoire de Bruno, un adolescent dont la grand-mère est morte et qui va déménager à Bagnolet chez sa mère. Sa mère rentrant tard le soir, il vit dans la quasi solitude avec pour seuls compagnons un petit oiseau en cage et les mots que sa mère lui laisse de temps en temps pour lui rappeler d’aller à l’école. A l’école il fait la connaissance de Jean-Roger, la terreur de l’école. La prof, l’administration, l’assistante sociale ont peur de lui et de sa famille atypique, particulièrement violente. On va ainsi suivre à la fois la relation entre Bruno et Jean-Roger et la relation pédago-poétique entre Bruno et sa prof.

Le film nous plonge dans un décor violent et nihiliste, composé de règlements de compte par la torture entre ados de gangs opposés, de viols, d’attaques sur les flics au cocktail molotov, et de fusillades. Il nous parle de la famille à travers son l’absence pour Bruno, comme à travers la brute présence de celle de Jean-Roger. La mise en scène porte une réflexion et une critique de l’urbanisme : le décor en huis-clos ne nous laisse pas entrevoir autre chose que l’école, la famille et les grandes tours de Bagnolet. On peut également y voir un questionnement sur l’altérité par le rêve et le réel qui s’exprime avec les personnages de Bruno et de Jean-Roger.

Religion et Modernité – vendredi 23 novembre à 19h


 

Religion et modernité

Vendredi 23 novembre à 19h

De nouvelles analyses pour de nouveaux enjeux

Pour revenir sur des enjeux qui faisaient partie des évidences révolutionnaires hier, et qui aujourd’hui sont au centre de multiples confusions souvent lourdes de conséquences, nous proposons une discussion autour de la religion et de ses diverses formes. Cette dernière a su, ces dernières décennies (parfois par négligence, parfois avec l’enthousiasme de certains), se frayer une place dans les aires contestataires. La virulence notable des réactions face aux critiques de la religion de la part d’anciens anticléricaux en diable témoigne de cette volonté de changer de paradigme sur la question religieuse. De manière générale, décortiquer la religion et la croyance comme un phénomène historique nous aidera à rebondir sur le présent et sur les formes que la religiosité y prend pour combattre l’athéisme, qu’il soit ou non révolutionnaire. Cette discussion sera l’occasion de poser la question de cette « nouvelle » place du religieux dans le monde (quitte, pour certains, à ériger « le croyant » comme nouveau sujet révolutionnaire) et de se demander pourquoi tant d’énergie est dépensée afin de pouvoir la fuir, alors qu’il faudrait plutôt y faire face. Ce sera également l’occasion de discuter de ce prétendu « retour du religieux » (comme s’il avait disparu un jour !) et, pour être à la hauteur de l’époque, de porter plutôt nos analyses sur les évolutions du religieux, passé dans le creuset de la modernité et adapté à la fois à ses exigences de rentabilité économique et de relativité de la vie, du vivant et de ce qu’il produit. Ainsi, ces nouvelles formes s’accordent toujours mieux avec le contrôle et la pacification de l’Etat, comme avec le bon déroulement de l’exploitation capitaliste.

Quelles formes la religion et ses schémas intellectuels ont-ils pris par le passé, et quelles formes prennent-ils aujourd’hui, dans les espaces à volonté subversive et ailleurs ? Pourquoi est-il si urgent aujourd’hui de ne pas penser, de fuir la réalité, sur des questions cruciales comme la religion, dont la critique a toujours accompagné les réflexions et pratiques révolutionnaire.

Pour cette discussion, on pourra s’appuyer facultativement sur différents textes, plus ou moins récents, notamment sur le dossier « Religion et Modernité, de nouvelles analyses pour de nouveaux enjeux ? » qui paraîtra prochainement dans un double-numéro de la revue anarchiste apériodique Des Ruines (n°3/4), et qui sera consultable sur place à la bibliothèque, avant et pendant la discussion.

 

Refuser de parvenir ? – Vendredi 12 octobre à 19h


Vendredi 12 octobre à 19h

– Pour quoi faire ?

Le refus de parvenir appartient à la tradition anarchiste et anti-autoritaire ; il a été largement véhiculé par les milieux individualistes de la Belle Epoque de tendance éducationniste et a pu parfois être grossièrement compris comme un refus de gagner de l’argent dans un monde où la subsistance passe par l’exploitation, servant alors un argumentaire alternativiste à tendance « décroissant ». Mais elle a aussi pu désigner un refus conséquent de s’adapter aux impératifs de ce monde pour s’y faire la meilleure place possible. Nous pouvons en effet l’utiliser dans un autre sens, en y voyant l’occasion de remettre en question la notion de réussite et l’utilisation qui en est faite par ce monde.

En effet, dans un contexte où les conflits au travail tendent de plus en plus à se retrouver neutralisés par la pacification des rapports sociaux (par exemple sous l’effet de l’application des nouvelles théories du management ou grâce au rôle historique de cogestion des syndicats), avoir comme perspective de carrière le fait de passer du côté du commandement, de vouloir devenir DRH quand on est employé, manager quand on est caissier, et d’endosser le rôle qui va avec n’est plus ni un problème ni une trahison., et ce quoi qu’on en dise ou même qu’on en pense.

Alors que des épiciers révolutionnaires presqu’à la mode se proposent de se faire élire dans « des communes en commun » et de « tisser des liens jusqu’au cœur de l’appareil d’Etat » (mais rien à voir avec un plan de carrière), ou qu’un « auto-media » comme Lundi Matin veuille rivaliser avec Vice, alors que le principe de compétition s’étend à toujours plus de sphères de la vie et des aires subversives, nous pensons intéressant de réactualiser les questionnements autour du carriérisme, et de ce que cela implique quant au devenir de tous et de chacun. Ainsi, la notion de refus de parvenir permettrait de penser avec un recul critique ce que ce monde nous demande de devenir, et d’envisager des possibilités de le refuser.

Aujourd’hui, chez les contestataires de tous horizons, c’est dans le rapport à l’université que la question du désir ou du refus de parvenir se pose avec une acuité particulière. La frontière entre les luttes et leur étude sociologique par exemple, ou entre insurrection, réflexion sur l’insurrection et étude de l’insurrection au profit de l’Etat dans un but contrinsurrectionnel se fait tellement poreuse que « contester » peut-même devenir un moyen de parvenir. Des cas emblématiques pourront utilement être abordés, sans constituer pour autant l’objet principal de cette discussion, qui vise à la réflexion plutôt qu’à la dénonciation.

Plus généralement, on pourra questionner le devenir des contenus intellectuels sous les conditions de la carrière universitaire. Dans un contexte où une tendance de la pseudo-radicalité se développe à partir de thèses universitaires (voir les suites de la French Theory, des post-colonial studies, gender studies, post-modern studies, et autres post-post studies), questionner la pertinence des savoirs développés au sein des carrières universitaires et de tout ce qu’elles impliquent en termes de choix de vie et de pensée nous paraît essentiel.

Nous proposons donc, dans cette discussion, de réfléchir aux positions possibles vis-à-vis de l’exigence omniprésente de réussite, ainsi qu’aux conditions d’une critique radicalement opposée à ce monde.

L’énigme de Kaspar Hauser – mercredi 17 octobre à 20h [horaire modifié]

Werner Herzog – 1974 – 1h50 – RFA – VOST

Mercredi 17 octobre à 20h [horaire modifié]

En 1828, un jeune homme est trouvé un beau matin sur la place de la petite ville allemande de Nüremberg. Il est adossé à un mur car ses jambes ne le portent pas, ne sait ni marcher, ni parler, à part pour répéter une unique phrase : « cavalier veux comme père était » et pour écrire maladroitement de son nom. Il passera de mains en mains, du geôlier de la prison dans laquelle il est d’abord enfermé, à Ludwig Feuerbach qui l’éduque et l’étudie, en passant par divers montreurs de monstres, il fascine, la nouvelle de son existence parcourt l’Europe, on veut le voir, l’étudier, l’approcher. Sa mort mystérieuse (il est poignardé par son premier geôlier) redouble le mystère de sa généalogie (il serait un héritier caché de la maison de Bade qu’on aurait enfermé par peur de verser du sang royal).

Mais l’énigme que Werner Herzog filme en suivant scrupuleusement les diverses notes et compte-rendus que ceux qui l’ont pris en charge dans cette époque positiviste ont produit, c’est surtout l’énigme de cet enfant devenu adulte sans contact humain et sans soin autre que ceux très minimaux de son mystérieux geôlier, et qui pourtant, contrairement aux autres « enfants sauvages » pour lesquels le XIXème et une partie du XXème siècle se passionne, se met à parler, à apprendre, accepte des formes de sociabilisation, qui ont intéressé jusqu’aux penseurs de l’enfance et de l’éducation du XXème siècle comme Winnicott ou Dolto. Il nous montre aussi la nature de ces regards posés sur lui, bien ou mal veillants, scientifiques ou attentifs, toujours à la limitede la réification, et renouvelle par le film lui-même la curiosité pour cette altérité radicale qui fait l’intérêt de ces histoires toujours mythifiées des « enfants sauvages », de Romulus et Rémus à l’enfant oiseau découvert dans la banlieue de Moscou dans les années 90. Voir ce film ensemble sera l’occasion d’initier une réflexion sur ce phénomène qui incarne et exemplifie l’altérité irréductible de l’enfance.

La féminisation du langage libère-t-elle les femmes ? – Vendredi 16 novembre à 19h

Vendredi 16 novembre à 19h

Pourquoi, au sujet de la féminisation des textes — ou « écriture inclusive » —semble-t-il impossible de penser hors des sentiers imposés d’un côté par un certain féminisme, radical seulement dans son avidité réformiste, et de l’autre par des réactionnaires défendant corps et âmes la langue française et son caractère traditionnel.

Questionner et remettre en cause ce qui se présente, sans aucun approfondissement, examen ou bilan, comme une revendication évidemment émancipatrice, comme une pratique soi-disant anodine (mais en réalité foncièrement normative), n’est-ce-pas une nécessité dans le cadre d’une critique qui se voudrait radicale ? L’écriture inclusive se veut une solution linguistique technique au sexisme bien ancré dans ce monde, et qui, lui, n’est pas un problème seulement technique. Cette pratique viserait donc à « visibiliser » les « femmes » dans une langue où « le masculin l’emporte sur le féminin ». Mais très peu de réflexions approfondissent ce qui sous-tend et ce qu’implique cette pratique pour la manière de penser la langue, la domination, la poésie, la norme, le genre, l’intervention et in fine, sur ses perspectives, sa pertinence et la trouble réalité de ses effets. En effet, ses objectifs ayant traits à l’émancipation ne sont à aucun moment remplis.

Nous proposons donc une discussion publique à partir d’un texte du même nom, à paraitre dans le double-numéro prochain de la revue anarchiste apériodique Des Ruines, sur ce sujet d’actualité dont l’État et les institutions se sont déjà saisi avec approbation.

 

Il n’y a pas de catastrophes naturelles – Vendredi 21 septembre à 19h

Vendredi 21 septembre à 19h

On se propose de réfléchir ici à partir d’une affirmation à la fois étrange et évidente : “il n’y a pas de catastrophe naturelle”. De la gestion des populations à travers le modèle de la gestion de la catastrophe à venir, aux théories de la catastrophe qui nous invitent à attendre l’écroulement prévu du capitalisme, en passant par cette manière de s’étonner que cette bonne mère nature n’accompagne pas tranquillement l’urbanisation et le profit, on pourra explorer ce que cette proposition nous permet de comprendre du monde et de sa gestion. Poser ainsi cette question, c’est en fait retrouver les traces de la polémique qui a suivi le tremblement de terre de Lisbonne en 1755. A Voltaire qui s’afflige des vies perdues et en blâme la nature et ses catastrophes qui démontrent que ce monde n’est pas “le meilleur des mondes possibles”, Rousseau oppose alors l’idée que le désastre de Lisbonne tient bien plutôt à la présence d’une ville à cet endroit, et non au fait qu’un séisme y ait eu lieu. Et, en effet, considérer Fukushima comme une “catastrophe naturelle” causée par un tsunami, ou comme une catastrophe nucléaire change beaucoup de chose…

Or, dans la version plus contemporaine de ce monde, comme pour de nombreuses pensées, l’idée de catastrophe naturelle semble plus que jamais présente – qu’elle soit perçue comme permanente, ou comme un argument pour l’intensification de la gestion sécuritaire de nos existences. Mais quelques exemples – comme celui de l’éruption de la Montagne Pelée en Martinique en 1902, ou le naufrage d’un ferry en Corée en 2014 – suffisent à montrer que la dimension « catastrophique » de ces événements tient aux décisions politiques et économiques de l’humanité plutôt qu’aux événements dits naturels : ainsi, la « catastrophe » de la Montagne Pelée n’aurait pas eu lieu si le gouverneur n’avait pas préféré à l’évacuation des populations se préoccuper de maintenir les élections législatives qu’il était en mesure de gagner ; ou encore, le naufrage du ferry en Corée n’aurait pas eu lieu si sa cargaison n’avait pas excédé ses capacités. Pourquoi, alors, persister à appeler ces événements des « catastrophes naturelles » ? Car en fin de compte, cela revient à rendre « naturelles » des tragédies pourtant causées par des décisions politiques, tout autant que cela « catastrophise » des phénomènes environnementaux.

Nous proposons donc de partir de l’idée qu’il « n’y a pas de catastrophes naturelles » — comme l’affirmait une affiche collée sur les murs de Florence et Paris en 2011 après la catastrophe (nucléaire !) de Fukushima – pour réfléchir à la catastrophisation de la « nature », autant qu’à la naturalisation des « catastrophes ». Nous proposons donc d’envisager de façon critique l’usage que ce monde fait des notions de « nature » et de « catastrophe », notamment à travers une gestion tour à tour catastrophiste ou excessivement rassurante de ce type d’évènements.