La féminisation du langage libère-t-elle les femmes ? – Vendredi 16 novembre à 19h

Vendredi 16 novembre à 19h

Pourquoi, au sujet de la féminisation des textes — ou « écriture inclusive » —semble-t-il impossible de penser hors des sentiers imposés d’un côté par un certain féminisme, radical seulement dans son avidité réformiste, et de l’autre par des réactionnaires défendant corps et âmes la langue française et son caractère traditionnel.

Questionner et remettre en cause ce qui se présente, sans aucun approfondissement, examen ou bilan, comme une revendication évidemment émancipatrice, comme une pratique soi-disant anodine (mais en réalité foncièrement normative), n’est-ce-pas une nécessité dans le cadre d’une critique qui se voudrait radicale ? L’écriture inclusive se veut une solution linguistique technique au sexisme bien ancré dans ce monde, et qui, lui, n’est pas un problème seulement technique. Cette pratique viserait donc à « visibiliser » les « femmes » dans une langue où « le masculin l’emporte sur le féminin ». Mais très peu de réflexions approfondissent ce qui sous-tend et ce qu’implique cette pratique pour la manière de penser la langue, la domination, la poésie, la norme, le genre, l’intervention et in fine, sur ses perspectives, sa pertinence et la trouble réalité de ses effets. En effet, ses objectifs ayant traits à l’émancipation ne sont à aucun moment remplis.

Nous proposons donc une discussion publique à partir d’un texte du même nom, à paraitre dans le double-numéro prochain de la revue anarchiste apériodique Des Ruines, sur ce sujet d’actualité dont l’État et les institutions se sont déjà saisi avec approbation.

 

Il n’y a pas de catastrophes naturelles – Vendredi 21 septembre à 19h

Vendredi 21 septembre à 19h

On se propose de réfléchir ici à partir d’une affirmation à la fois étrange et évidente : “il n’y a pas de catastrophe naturelle”. De la gestion des populations à travers le modèle de la gestion de la catastrophe à venir, aux théories de la catastrophe qui nous invitent à attendre l’écroulement prévu du capitalisme, en passant par cette manière de s’étonner que cette bonne mère nature n’accompagne pas tranquillement l’urbanisation et le profit, on pourra explorer ce que cette proposition nous permet de comprendre du monde et de sa gestion. Poser ainsi cette question, c’est en fait retrouver les traces de la polémique qui a suivi le tremblement de terre de Lisbonne en 1755. A Voltaire qui s’afflige des vies perdues et en blâme la nature et ses catastrophes qui démontrent que ce monde n’est pas “le meilleur des mondes possibles”, Rousseau oppose alors l’idée que le désastre de Lisbonne tient bien plutôt à la présence d’une ville à cet endroit, et non au fait qu’un séisme y ait eu lieu. Et, en effet, considérer Fukushima comme une “catastrophe naturelle” causée par un tsunami, ou comme une catastrophe nucléaire change beaucoup de chose…

Or, dans la version plus contemporaine de ce monde, comme pour de nombreuses pensées, l’idée de catastrophe naturelle semble plus que jamais présente – qu’elle soit perçue comme permanente, ou comme un argument pour l’intensification de la gestion sécuritaire de nos existences. Mais quelques exemples – comme celui de l’éruption de la Montagne Pelée en Martinique en 1902, ou le naufrage d’un ferry en Corée en 2014 – suffisent à montrer que la dimension « catastrophique » de ces événements tient aux décisions politiques et économiques de l’humanité plutôt qu’aux événements dits naturels : ainsi, la « catastrophe » de la Montagne Pelée n’aurait pas eu lieu si le gouverneur n’avait pas préféré à l’évacuation des populations se préoccuper de maintenir les élections législatives qu’il était en mesure de gagner ; ou encore, le naufrage du ferry en Corée n’aurait pas eu lieu si sa cargaison n’avait pas excédé ses capacités. Pourquoi, alors, persister à appeler ces événements des « catastrophes naturelles » ? Car en fin de compte, cela revient à rendre « naturelles » des tragédies pourtant causées par des décisions politiques, tout autant que cela « catastrophise » des phénomènes environnementaux.

Nous proposons donc de partir de l’idée qu’il « n’y a pas de catastrophes naturelles » — comme l’affirmait une affiche collée sur les murs de Florence et Paris en 2011 après la catastrophe (nucléaire !) de Fukushima – pour réfléchir à la catastrophisation de la « nature », autant qu’à la naturalisation des « catastrophes ». Nous proposons donc d’envisager de façon critique l’usage que ce monde fait des notions de « nature » et de « catastrophe », notamment à travers une gestion tour à tour catastrophiste ou excessivement rassurante de ce type d’évènements.

La Vénus noire – Mercredi 26 septembre à 19h

Abdellatif Kechiche – 2010 – France – VOSTFR – 1h59

Mercredi 26 septembre à 19h

Kéchiche reprend ici une des histoires les plus banalement terribles occasionnées par le racialisme à base scientifique du XIXème siècle, celle de Saartje Bartman, embarquée pour Londres depuis l’Afrique du sud avec son maître pour ce qu’elle pense être une carrière d’actrice, et qui sera exhibée de Londres à Paris pour ses particularités physiques, à l’époque où l’on se repaît du spectacle des femmes à barbes dans les foires et des « indigènes » dans les zoos humains. Celle qui sera « célébrée » avec une ironie méprisante et cynique comme « la Vénus noire » ou « la Vénus hottentote » sera observée, moquée, violée et utilisée comme objet sexuel, et finira objet de science sous le regard pas moins réifiant de l’anatomiste Cuvier. Son corps disséqué, ses organes sexuels mis en bocaux dans du formol, son squelette reconstitué et le moulage de son corps seront exposés au musée de l’homme jusqu’en 1974, puis seront remisés dans les réserves du même musée pendant 30 ans avant de n’être rendus à l’Afrique du Sud pour être inhumé qu’en 2002.

Le film de Kechiche nous conduit à accompagner le parcours de cette femme qui traverse les classes sociales et les regards, monstre de foire dans un quartier populaire de Londres, objet de distraction sexuel dans les salons de la grande bourgeoisie parisienne, objet d’étude disséqué du regard par la science avant de l’être au sens propre, elle est toujours et de plus en plus constituée en monstre que l’on dé-monstre. Il nous fait traverser avec elle ces regards fascinés, radicalement humiliants et sadiques, et nous permet de mesurer ce que le racialisme, avec et sans la science, fait à l’altérité, altérité liée ici aux particularités physiques de cette femme tout autant qu’à son genre (elle est « Vénus » et « noire »). Les regards que cette époque portent sur son corps, cette manière de la mettre en scène, que ce soit sur un stand de foire ou sur une table de dissection, la réduisent à l’étrangeté de sa manière d’être « femme » et de sa manière d’être « noire », et c’est son humanité singulière qui se retrouve irrémédiablement perdue, ensevelie et anéantie par ce qui la réduit à un genre et à une race. En insistant sur ce que lui font et lui retirent ces regards, ce film, qui nous fait à la fois regardés et regardants, scrutés et voyeurs, nous montre comment c’est un rapport au monde et à l’humanité que le regard sur l’altérité engage.

Programme de septembre à novembre 2018

 

 

 

 

 

 

Consulter/télécharger le programme de septembre à novembre 2018 pour lecture web.

  • Permanences : samedi 16h – 19h
  • Ciné-club : mercredi – 19h
  • Groupes de lecture : dimanche – 15h30

 

 


 

Edito :

Voilà que la rentrée et sa normalité nous ont pris, comme à chaque fois, par surprise. Les écoliers font leur cartable et vont s’asseoir sur les bancs de cette école qui les prépare à rentrer pour la vie dans la vraie vie, à leur place dans le travail, les étudiants sont dûment sélectionnés et vont découvrir la filière qu’on leur réserve, les salariés ont terminé leurs vacances et soignés leurs insomnies pour avoir l’air plus efficaces et productifs, les métros recommencent à embarquer leurs cargaisons d’êtres humains hagards le matin et épuisés le soir (ou l’inverse), les chômeurs et autres RSAstes se remettent à faire semblant de vouloir un emploi pour ne pas perdre les allocs qui ne leur ont pas permis de quitter Paris cet été, bref, c’est la rentrée, et tout est normal.

Pourtant, il paraît que quelque chose a frémi au printemps, il paraît qu’on aurait pu tout bloquer, à commencer par le bac, minimalement, et puis bien plus peut-être, et qu’on aurait pu ne pas rentrer cette fois-ci. Mais le mouvement est parti en vacances, et tout s’est arrêté, encore une fois.Alors, pour nous qui portons dans nos cœurs des monstres qui portent sans doute dans leur cœur un monde nouveau (voir le cycle sur les Kaiju), il est urgent de commencer, de recommencer, et de continuer à réfléchir, à discuter, à proposer des occasions de se retrouver d’où qu’on vienne pour lire, voir des films de gros monstres qui portent dans leur cœur un monde nouveau, pour commencer et recommencer et continuer à attaquer ce monde et à faire la révolution sans l’attendre.

En discutant de la religion et de ses liens avec la modernité (le 23/11), on propose de reposer des vieilles questions qui posent de nouveaux problèmes. Ce qui ne nous empêchera pas d’ouvrir de nouvelles questions, qui traînent dans l’air du temps, pour y retrouver de vieux problèmes, par exemple en se demandant si la féminisation (ou écriture « inclusive ») est vraiment en mesure de libérer « les femmes » ou d’inclure les exclus (le 16/11).

Pour prolonger ce qui a pu sourdre du mouvement de ce printemps, contre la sélection et la réussite aux conditions de ce monde, ce qu’elle fait à chacun et en particulier aux aires subversives, on discutera du refus de parvenir (le 12/10).

Et puis on retrouvera le fil d’une réflexion plus ancienne qu’il n’y paraît en déployant ce que peut vouloir dire cette affirmation aussi étrange qu’évidente : « il n’y a pas de catastrophe naturelle » (le 21/09).

• Dans les groupes de lectures, le dimanche à 15h30, on lira une fois sur deux des textes autour de la question de la technologie et de sa critique, l’autre fois permettra de lire des textes courts qu’on choisira sur le moment en fonction des propositions qui seront faites sur place (on peut donc venir avec les siennes).

• La plupart des mercredi soirs, on projettera des films dans le but d’en discuter et d’alimenter un souffle révolutionnaire qui en a tellement besoin. On rencontrera certains des gros monstres dont il a été question plus haut, ou d’autres créatures pas moins passionnantes. Les enfants auront aussi leur ciné-club, si ça leur dit.

• Pendant les permanences, le samedi de 16h à 19h on peut se rencontrer, parler du projet, proposer des initiatives diverses, faire part de remarques variées, se procurer des publications qu’on diffuse, en emprunter, en apporter pour la bibliothèque ou en proposer pour la diffusion…

Autant d’occasions de chercher la sortie de cette rentrée…


Dans le programme, on pourra consulter les textes pour chaque événement :

Brazil – Mercredi 12 septembre à 19h

Terry Gilliam – 1985 – Royaume- Uni – VOST – 2h

Mercredi 12 septembre à 19h

Dans un monde où l’erreur n’est tout simplement pas possible, où même une bombe dans un magasin ou un restaurant ne saurait ouvrir de brèche dans la vie parfaitement maîtrisée par le pouvoir, où le temps de vie est optimisé pour le travail, où il ne semble pas y avoir d’issue envisageable, dans ce monde entièrement bureaucratisé, la seule chose qui soit permise à Sam Lowry, un fonctionnaire lambda, c’est de rêver. Permise jusqu’à ce qu’il veuille enfin se donner les moyens de réaliser son rêve. Celui d’être avec la personne qu’il aime à travers ses rêves, quitte à se mettre à dos sa mère, son patron, ses collègues, la Justice. Mais, de toute évidence, Sam ne les a jamais vraiment supportés. Il est l’éternel inadapté de ce monde qui semble si bien s’accepter. Ici, seules les ambitions de promotions sont autorisées et doivent pousser à vivre, certainement pas les rêves. A côté du monde bourgeois dans lequel a vécu Sam Lowry, existe aussi un monde de misère dans lequel les enfants s’amusent à jouer aux interrogatoires et à brûler des voitures de fonctionnaires alors que des rebelles pratiquent la réparation subversive de tuyaux.
Le réalisateur Terry Gilliam apporte à cette dystopie une esthétique plastique cauchemardesque à base de tuyaux emmêlés, de murs vides, de bâtiments sans vie, de halls d’entrées déserts. Au fur et à mesure que Sam s’approche de la possibilité de réaliser son rêve, le décor se trouve dégradé et même son onirique idylle se transforme en cauchemar. L’esthétique se décompose progressivement, devenant de plus en plus improbable, jusqu’à l’absurde le plus drôle et tragique.Toutefois, si le monde qui nous est décrit est horrible et totaltaire en tous points, il est, tout comme le film, et c’est notable, dépourvu de tout cynisme. N’est-ce pas rafraîchissant ?

Blue Collar – Mercredi 3 octobre à 19h

Paul Schrader – 1978 – Etats-Unis – VOSTFR – 1h54

Mercredi 3 octobre à 19h

Zeke, Jerry et Smokey travaillent dans la même usine de construction automobile aux États-Unis depuis des années. En dehors de l’usine, ils forment une bande de potes qui dépense leur temps et leur salaire pour se réunir au bar, pour boire, se droguer ou baiser loin de leurs familles. C’est leur seul moyen de supporter l’exploitation quotidienne. Comme la plupart des ouvriers, ils ont bien compris comment le syndicat travaille main dans la main avec les patrons et les contremaîtres pour la bonne gestion de l’usine. Les auto-proclamés représentants des ouvriers ne servent qu’à pacifier les conflits et la rage intériorisée par les ouvriers de peur de se retrouver au chômage. Et quand ça ne suffit pas, ils se donnent les moyens de faire taire la révolte. Les problèmes ne s’arrêtent pas à la sortie de l’usine : Zeke se retrouve à devoir payer une amende colossale par rapport à son salaire parce qu’il fraude les allocations familiales. Pour sortir de ce quotidien de misère, il propose à ses amis d’aller chercher l’argent là où il se trouve : dans les caisses… du syndicat.

Blue Collar nous fait partager les difficultés, les espoirs et les déconvenues de ces ouvriers qui n’accordent aucune révérence à leur outil de travail ou à ce qu’ils produisent. Blue Collar reste un film particulièrement drôle, qui parvient à transmettre toute la vitalité de ce groupe d’amis. L’intérêt de projeter un tel film aujourd’hui se comprend très bien par ses scènes remplies d’un humour piquant qui visent juste sur de nombreuses questions : l’enfer des chaînes de montage, le rôle du syndicat dans l’usine, le racisme et la question raciale dans le contexte particulier des Etats-Unis, les rapports familiaux et la misère qui les enterrera tous, à moins qu’ils ne parviennent à s’en tirer avec assez d’argent pour ne plus jamais avoir à travailler…

La Vie de Brian – Mercredi 21 novembre à 19h

Terry Jones – 1979 – Royaume-Uni – VOST – 92min

Mercredi 21 novembre à 19h

Le 25 décembre de l’an O, Marie et son bébé Brian reçoivent la visite des Rois Mages, guidés par une étoile vers cette étable. Alors que les Rois Mages idolâtrent le petit Brian, ils se rendent vite compte qu’ils se sont trompés d’étable. Ils reprennent alors leurs présents et se dirigent vers l’étable voisine. 33 ans plus tard, un certain Jésus prêche à qui veut l’entendre. Quant à Brian, il se trouve toujours sous l’emprise de sa mère et rejoindra le Front de Libération Judéen, qui a pour mission d’enlever Mme Ponce Pilate, aux cris de « romans go home ! ». C’est alors que commence la vraie vie de Brian, considéré malgré lui comme le nouveau Messie. La film n’est pas une simple critique de la religion, mais aussi une réflexion sur les réponses spirituelles à la misérable condition humaine. Dans ce film absurde et loufoque où l’on rit du début à la fin, on passe par une scène où l’on se fout aléatoirement de la gueule des partis armés italiens des années 70, de l’idéologie lutte-armatistes et des politiques identitaires, à une autre où c’est le réformisme qui se voit ridiculisé, en passant par une grande tirade stirnerienne et autres gags subversivement hérétiques et perchés. Les Monty Pythons ont vu leur film interdit dans de nombreux pays, encore aujourd’hui, ce film étant jugé insultant à l’égard de Dieu, blasphématoire et hérétique, alors que c’est bien la condition humaine qu’ils piétinent joyeusement, et non un quelconque ectoplasme tristement céleste.

« Always Look on the Bright Side of Life… »

Le mois de juillet a commencé : les horaires changent

Jusqu’à la fin du mois d’aout, les permanences ont lieu le vendredi de 16h à 19h et les groupes de lecture le samedi à 16h.

Les permanences sont suivies du ciné-club une semaine sur deux, l’autre semaine, c’est projection libre.

La première projection libre a donc lieu vendredi 6 juillet à 19h : ceux qui veulent amènent un film, on en discute, et on choisit ensemble ce qu’on projette. A vos propositions !

Quelle place pour des perspectives révolutionnaires dans les mouvements sociaux ? – vendredi 15 juin à 19h

vendredi 15 juin à 19h

Dans le contexte du « mouvement social » du printemps 2018, nous proposons de se réunir pour discuter du rôle que peuvent aujourd’hui tenir et trouver les perspectives révolutionnaires dans la forme de contestation qu’est le mouvement social.
Un mouvement social, tel que celui que nous voyons aujourd’hui, se définit par ceci qu’il n’est pas explicitement (ou manifestement) révolutionnaire, étant donné qu’il se développe à partir de luttes partielles autour d’enjeux qui ne trouvent généralement d’autre forme d’expression que des revendications réformistes (ici, la lutte pour « une école plus démocratique et égalitaire », ou contre la « casse du service public », par exemple). Néanmoins, ces enjeux restent sociaux, c’est-à-dire qu’ils s’inscrivent quoi qu’il en soit dans une conflictualité sociale existante qui contient elle-même les germes et les potentialités d’une attaque révolutionnaire de la société (au même titre que d’autres formes, parfois plus sociales et diffuses encore, selon les périodes). Mais pour cela, il faudrait que cette contestation se place au niveau des logiques fondamentales de l’existant et qu’elle ne se limite pas seulement à ses expressions temporaires et conjoncturelles (par exemple la loi ORE, ou la loi Asile et immigration).
Le mouvement social n’étant donc pas révolutionnaire en soi et en acte (mais seulement en puissance), la question du développement de perspectives et d’une praxis révolutionnaires en son sein se pose, avec d’autant plus d’acuité que nous le vivons présentement : comment intervenir, sur une base révolutionnaire, dans un mouvement social ? Cette question implique en retour de se poser celles des formes que prend la contestation dans de tels mouvements (manifestations, blocages, occupations, grèves, sabotages, etc.) ainsi que les manières par lesquelles ces formes se déploient.
Un retour sur les mouvements sociaux des cinquante dernières années permettrait également de poser la question de la place qu’ont pu y prendre des perspectives révolutionnaires, avec toujours, l’horizon possible de leur désertion, mais alors, au nom de quoi et pour quoi ? Quelles conditions peuvent influer sur la possibilité d’un dépassement des mouvements sociaux ? De tels questionnements permettraient de discuter de façon critique des derniers discours en vogue comme des vieilles rengaines dans les mouvements sociaux (citoyennisme, appellisme à la sauce réformiste : « contre Macron est son monde », para-syndicalisme, logiques de main d’œuvre et de représentations, corporatismes, travaillisme, fétichismes formels, etc.), comme une proposition également, de poursuivre des débats en cours (Entre politique et « insouci », Convergence des luttes vs dépassement, …).
En bref, il s’agira de discuter des possibilités (ou non ?) de développement des perspectives révolutionnaires dans les mouvements sociaux.

Les paradis artificiels – vendredi 8 Juin à 19h

Vendredi 8 Juin à 19h

 

L’expression de paradis artificiels proposée par Charles Baudelaire dans son essai du même nom est largement redondante : tout paradis est artificiel. Mais cela n’enlève rien – au contraire – à la charge poétique de la locution qui, à son origine, désignait les stupéfiants. Nous l’entendrons ici dans un sens plus large, quoi que non figé, qui pourrait être résumé par : ce qui donne l’impression de pouvoir – pour un moment – s’échapper de ce monde. De fait, fumer des joints régulièrement tout autant que courir 10 km en sortant du boulot peuvent s’avérer être des paradis artificiels en tant qu’ils contribuent à mieux nous faire accepter la merde quotidienne.

Il ne s’agira donc pas dans cette discussion de se limiter aux stupéfiants ni de tomber dans une condamnation morale, culpabilisatrice et simpliste de la place que chacun donne à ses paradis artificiels mais de penser leur rôle central dans la pacification sociale et la résignation généralisée, comme un rapport détaché avec l’existant qui prend le pas sur le réel. Respirer, penser à autre chose, se couper des autres (ou s’y relier dans l’isolement), prendre du recul sur sa propre existence et sur les problèmes qui l’accompagne : on pourrait sans trop se tromper dire que tout le monde peut avoir besoin de béquilles ou de prothèses pour tenir le coup. Mais, de la même manière que la récré et les loisirs servent à nous rendre bien dociles au cours de l’année scolaire ou de travail, ces moments de désertion illusoire du monde ne devraient pas servir à nous faire mieux supporter la réalité de ce dernier. Accepter les pires conditions de travail pour être « libre » cinq semaines par an, n’est-ce pas précisément ce sur quoi repose notre propre asservissement ?

L’alcool, la drogue (qu’elles soient dites « dures » ou « douces »), l’amour, la littérature, la télévision, la religion, le sexe, la politique, le divertissement, la chimie sur ordonnance, le travail, l’idéologie et la théorie, la technologie, le virtuel, la philosophie, l’art, la culture, le jeu, l’hygiène, etc. Mais aussi, peut-être, l’enfermement dans la normalité parallèle de l’alternative. Toutes ces choses sont-elles bien des paradis artificiels ? Il serait bien triste de le penser si cela implique de refuser tout plaisir ou toute aide pour supporter ce monde. Plutôt que d’interroger ce qui serait l’essence de chacune de ces pratiques, il peut être plus intéressant de questionner notre rapport à ces dernières.

Il s’agira donc de discuter, dans une perspective révolutionnaire et en réfractaires à ce monde, des limites des paradis artificiels, de la notion de réel et de notre rapport à ce dernier.

A l’époque de la post-modernité, les paradis artificiels affinent leur rôle plus que jamais et prospèrent de la chute des grandes hypothèses révolutionnaires. Poser la question des paradis artificiels, c’est ainsi poser la question du refus de ce monde et des perspectives que ce refus propose : la fuite dans un ailleurs illusoire ou la confrontation ici et maintenant.

Tout ceci ce questionne, bien évidemment, et se discute, se réfléchit, en s’évitant à tout pris la forme groupe de parole.

Tout texte, extrait vidéo ou audio, musique ou autre qui puissent nourrir la discussion sont bienvenus et pourront être partagés le soir de la discussion.