Programme de l’été

La bibliothèque fermera ses portes pour la période estivale à partir du jeudi 8 juillet. N’hésitez pas à nous contacter au besoin sur lesfleursarctiques@riseup.net pour une ouverture exceptionnelle en juillet ou en août.

Jusque là, les permanences du mercredi d 15h à 17h et le groupe de lecture le dimanche à 15h30 continuent, et nous vous proposons une projection discussion sur la crise sanitaire et les diverses angoisses que celle-ci a pu provoquer et une séance du ciné-club où l’on regardera la mini-série animé Crisis Jung.

Crisis Jung

Baptiste Gaubert/Jérémie Périn – 2019 – France – 70′

Mercredi 7 juillet à 19h

Tout part de l’histoire de Jung et Maria, amoureux, pris dans une relation complètement niaise dans une sorte d’Eden. Mais tout ce beau monde s’écroule quand Maria meurt. Jung se retrouve dans une terre dévasté peuplée de personnages monstrueux dont le sexe est une tronçonneuse. Il va alors devoir affronter ses angoisses incarnées par diverses engeances, déféquées par « Petit Jesus » une énorme masse rose trônant dans un décors en ruine. S’en suit des combats et chaque fois que Jung perd contre un de ces monstres, il se retrouve projeté et enfermé dans une main, allongé dans le noir et va alors se livrer à une voix pour revenir plus puissant dans ces affrontements et régler une à une ses névroses. Tout cela prend place dans un univers graphique très flashy aux monstres tous plus délirants les uns que les autres, avançant à l’instar d’une tragédie petit à petit vers l’affrontement entre petit Jesus le surmoi et Jung. Il s’agit ici d’une série d’animation mêlant post-apocalyptique et psychanalyse, elle poursuivra également les réflexions sur ces genres commencées avec les films Mad Max Fury Road de George Miller ou Nausicaa de la vallée du vent de Hayao Miyazaki, cette fois-ci abordant la question de l’apocalypse psychique. Crisis Jung nous invitera à penser notre rapport aux autres, à nous mêmes, ces réflexions pouvant peut être servir d’esquisse à des bases d’affinités anti-autoritaire.

La crise sanitaire et l’état de notre urgence

Mardi 6 juillet à 19h

La bibliothèque invite Pierre Merejkowsky pour une soirée de projection/discussion au cours de laquelle on pourra revenir sur la sinistre conjoncture actuelle, sur la manière dont les formes d’angoisse de toutes sortes qu’elle génère (qu’on pourrait dire aussi bien autoritaires que libertaires) peuvent traverser toutes les dimensions de la vie jusqu’aux formes de révolte et aux mouvements sociaux, et sur les possibilités émancipatrices qu’on peut néanmoins y déceler.

 

Lecture d’un  extrait de la brochure Gilets Jaunes et Complot. Complots et Gilets Jaunes de Merejkowsky (3 minutes)

Projection du film Il n’y a plus de comité central (1 minute 15) de Merejkowsky

 Au début, je me suis dit que les gilets jaunes comme le virus bouleversent par leur absence de comité central les règles de la productivité et de l’exploitation

Et puis je me suis dit que ce fantasme de l’invisibilité auto organisée était semblable au fantasme d’une minorité parfaitement identifiable agissant secrètement pour nous asservir.

Ce moment de discussion  sera état de notre urgence et acte collectif désintéressé .

 

Seul contre tous

 Gaspard Noé – 1998 France – 93’

Lundi 14 juin 19h

« Vous avez 30 secondes pour abandonner la projection de ce film ». On suit le parcours nihiliste d’un ex-boucher sorti de prison pour avoir agressé sexuellement sa fille, prêt à « remettre les compteurs à zéro », c’est à dire assouvir son désir de vengeance, on ne sait plus bien contre qui, avec les quelques balles qu’il trimballe (on ne sait jamais vraiment si elles sont pour lui ou bien pour tout le monde). On se retrouve donc embarqué avec cet homme qui marche tout le temps, qui marmonne des insultes contre tout le monde, qui porte en lui une violence, une xénophobie, une haine contre tous qui se trouve au final aussi choquante et sombre qu’elle n’est banale et, finalement, réciproque. Cette plongée à la première personne dans la psyché macabre et perverse de ce français « sans histoire » est dégueulasse, on y retrouve le sadisme, l’inceste et le viol qui sont partout ailleurs dans la société, mais qui ne sont en lui, pas dilués. L’amour peut-il émerger dans un tel monde ? Ce film ne propose aucun espoir pour rassurer et montre certains des recoins les plus terribles de la société française et humaine. Le cinéma de Noé dit et montre des horreurs, il choque, peut-être trop parfois (vous êtes prévenus), mais il dit toujours, en quelque sorte, la vérité. Ne venez pas.

Programme de mai-juin 2021

Le nouveau programme de la bibliothèque Les Fleurs Arctiques est désormais disponible. Vous pouvez le lire ici en ligne en cliquant sur l’image mais vous pouvez aussi le trouver imprimé au 45 rue du Pré Saint-Gervais dès la permanence de ce mercredi 26 mai.

  • Permanences : mercredi de 15h à 17h30
  • Ciné-club :  lundi ou vendredi 19h (voir à l’intérieur)
  • Groupes de lecture : dimanche à 15h30

Edito

Alors que le gouvernement a forcé un retour « à la normale » du travail et des écoles en faisant miroiter une sortie prochaine de la crise sanitaire qui nous rendrait à la formidable « vie d’avant le virus », on voit bien que le mouvement entamé depuis la rentrée, et qui se poursuit aujourd’hui, c’est l’optimisation du point de vue de l’Etat et du Capital de cette « vie avec le virus » qui a été imposé en passant par l’acceptation du risque de la contamination au nom du bon fonctionnement de l’économie, et la normalisation d’abord des 15 000 puis 30 000 cas par jours, 5 000 personnes en réanimations et plusieurs centaines de morts quotidiennes. La seule limite a donc été l’état de « tension » des urgences, donc la limite objective de la gestion sanitaire pour éviter une « catastrophe » purement gestionnaire qui n’a rien à voir avec les conséquences réelles du virus sur nos vies (décès, mais aussi covids longs, et conséquences à long termes, y compris sur les enfants, dont personne ne mesure l’ampleur et la durée).

La bibliothèque, qui a maintenu ces derniers temps un fonctionnement d’ouverture minimale (permanences groupes de lecture), en faisant attention du mieux que nous avons pu à ne pas contribuer à la propagation du virus, programme prudemment des activités plus ouvertes : toujours les permanences et les groupes de lecture, mais aussi des discussions et des projections, sous réserve d’aléas liés à l’épidémie (il faudra consultez le site où nous mettrons le programme à jour).

Plusieurs discussions ou pistes de travail prévues ces dernières temps on dû être laissées en plan et plusieurs discussions prévues ont été annulées, on propose donc d’en reprendre certaines, avec trois discussions que nous espérons les plus publiques possibles. La première aura lieu le 28 mai à 19h autour de la question du bonheur, et de la place qu’il y aurait ou pas à lui donner dans le cadre des perspectives révolutionnaires. Ensuite le 4 juin à 19h, à une époque où les raisons sont nombreuses de s’installer dans des formes de replis toujours plus ou moins misérables, qu’ils soient familiaux, affinitaires ou communautaires, et de se satisfaire du confort relatif des cercles qui font milieux, on se demandera si un milieu peut être révolutionnaire. Enfin le 18 juin à 19h on reprendra le fil d’une réflexion sur la question de la violence révolutionnaire qui avait déjà fait l’objet d’une première discussion le 24 janvier 2020, en questionnant la puissance, l’impuissance et le courage révolutionnaire..

Deux séances de ciné-club sont prévues à partir du mois de juin, la deuxième marquera une première approche de la question des rapports entre art et subversion. Les groupes de lecture se dérouleront le dimanche à 15h30 et accueillent tous ceux qui veulent s’attacher à lire et discuter de textes dont certains se poursuivent sur plusieurs séances, et d’autres sont choisis parmi les propositions des participants du jour. Enfin lors des permanences, on peut venir se renseigner sur le projet, discuter de choses et d’autres, amener des propositions, des nouvelles, emprunter des documents ou se procurer des livres ou brochures que nous distribuons.

Docteur Folamour

Stanley Kubrick – 1964 – VOSTF (USA) – 95’

Lundi 28 juin à 19h

Ah, la bombe atomique… Comment ne pas l’aimer ? Surtout pendant la guerre froide ! Au fond, le problème avec la Bombe, c’est que tout le monde ne l’aime pas autant que le colonel Ripper. Il faut le comprendre aussi: Quand vous avez une base aérienne, des pilotes, des bombardiers B-52 promenant des bombes à hydrogène à toute heure du jour et de la nuit, il faut dire que ça démange. La dissuasion ? Mais la dissuasion c’est l’attaque! Lorsque le colonel apprend une surprenante conspiration, (les soviets auraient pour volonté de polluer les “fluides corporels américain” à la fluorine), c’est la goutte qui fait déborder le vase. Ripper sonne le branle bas de combat et se met à jouer des pieds et des mains avec un sens du double jeu digne de Machiavel afin de pouvoir (enfin) lâcher cette satanée bombe sur les rouges. Fort heureusement, un subordonné de Ripper, l’officier Mandrake, n’est pas dupe des machination de son supérieur et se met en devoir d’empêcher cette pulsion délirante. Dans ce film au pur style de Kubrick, le sérieux, l’absurde et la folie sont mêlés avec subtilité et les personnages, parfois caricaturaux, parfois sensiblement névrosés se retrouvent entraînés dans une danse macabre et apocalyptique vers, qui sait, la fin du monde ?

Puissance, impuissance et courage révolutionnaire

Vendredi 18 juin à 19h

 

Dans le cadre du cycle sur la violence, nous proposons de prendre ici les choses par un autre bout, peut-être plus individuel ou existentiel, mais pas seulement. Si dans notre contexte désactivé c’est un phénomène en recul, l’esthétisation et l’héroïsation des pratiques et des personnalités révolutionnaires reste un des écueils fondamentaux des mouvements révolutionnaires. Détruire les symboles, les mythes, les panthéons et les martyrs du pouvoir pour les remplacer par d’autres ne pourrait pourtant qu’insatisfaire quiconque penserait comme primordiale la part destructive et donc réellement disruptive du projet révolutionnaire. Aujourd’hui cette folklorisation1 de la violence révolutionnaire – pour mieux la conjurer – est l’œuvre des militants eux-mêmes, et on peut affirmer tranquillement qu’elle est proportionnelle à l’absence de pratiques révolutionnaires réellement tranchantes, auxquelles on préfère aujourd’hui un petit quotidien militant (réel ou virtuel, on peut désormais militer sur son smartphone) qui ne diffère en rien ou presque de celui du militant réformiste pépère, voire de la normalité de ce monde, puisque les beaux discours, les slogans très radicaux et les likes endiablés n’ont jamais fait tomber un seul mur ici-bas. Bien qu’une révolution des petits gestes sans violence soit un rêve qui embrasse volontiers le ridicule christique dans toute sa reddition, l’exercice de la violence dans des cadres pacifiés comme celui des démocraties actuelles2 ne s’en retrouve pas moins relégué à une antiquité, en tout cas, il passe pour beaucoup moins « naturel » qu’il pouvait y paraître dans des sociétés et des époques bien plus marquées par l’agitation, l’imaginaire et la violence révolutionnaires. Il faut désormais du courage (et sans doute un peu de ce que la norme appelle « folie ») pour entreprendre de se mettre en jeu dans l’attaque d’un monde où ne se trouve même plus le courage de blasphémer, de « blesser » ou d’indisposer nos oppresseurs, auto-réprimés que nous sommes par toutes sortes de nouvelles théories farfelues véhiculées par l’université et adoptées parfois jusqu’au sommet de l’État, et disculpant ainsi les responsables réels de ce monde ignoble pourtant dénoncé par les révolutionnaires depuis des siècles3 : le principe de l’État, l’idée de Dieu, de destin et de « Nature », le pouvoir et le Capitalisme. On préfère alors s’attaquer localement aux uns et aux autres dans la minutie des rapports sociaux et des comportements qu’ils entretiennent ensemble autour de soi, oubliant que nous sommes globalement plus de sept milliards d’individus (et plus encore de rapports) à réprimer et que le réformisme comme la répression sont des impasses fondamentalement contre-insurrectionnelles… On en viendrait à croire que pour se libérer, il suffirait de tuer un oppresseur, et donc de se tuer soi ou son voisin, puisque nous le serions tous. On sait pourtant déjà sur la question dite « écologique » que ce n’est pas en assainissant par la répression des mœurs ou la culpabilisation morale le « bilan carbone » de Jean-Pierre et Marie-Paulette de Livry Gargan qu’on sera en mesure de préserver la Terre des pollutions humaines, alors quoi ? Cette prédation morale, cabalistique et cannibalesque est à vrai dire effrayante, et bien tout le contraire de tout courage révolutionnaire. Il nous faut réorienter nos flèches vers le pouvoir. Il nous faut attaquer ce monde, ses fonctionnements, ses responsables et ses rouages – ils ont des noms et des adresses – plutôt que de compenser nos frustrations par la surveillance morale, le contrôle social diffus et la répression normative des autres individualités mutilées de ce monde, sinon nos mots sont à jamais creux et nos perspectives à jamais lâches, indifférentes et faibles. Une fois cela dit, il resterait à se contenter d’attendre la venue d’un surhumain messianique délivré de la peur d’agir et des enjeux mortifères de l’époque, et floqué d’un sens absolu du devoir et de l’abnégation, ou bien nousmêmes à affronter ce qui nous maintient enchaînés dans des représentations faibles et impotentes de nous-mêmes pour pouvoir attaquer ce monde de façon diffuse et permanente. Sans panache, sans espièglerie, sans férocité et sans courage (qui peuvent tout aussi bien être des caractéristiques individuelles que collectives), il semble vain de vouloir détruire ce monde. Comment les trouver, comment les retrouver ? Quelle est cette castration sociale et civilisée qui nous intime de ne pas rendre les coups, et qui la plupart du temps y parvient ? Comment comprendre et traverser la peur que l’hostilité de ce monde peut provoquer et qui n’est pas forcément si contradictoire que ça avec le courage, tout autant que la peur de ce que nous pourrions faire de notre liberté ? Comment tuer le gendarme dans nos têtes ? Comment hacker le logiciel des dispositifs stérilisateurs du Surmoi ? Comment permettre l’élévation du niveau de la violence révolutionnaire asymétrique sans se reposer sur la délégation circonscrite de la pratique à des « professionnels » de la chose, leur délégant également le courage pourtant nécessaire à tout bouleversement, personnel comme révolutionnaire ? La peur, le courage, la lâcheté, la violence, compagnons, camarades, discutons-en vraiment, en laissant les belles postures à l’entrée.

1 Voir par exemple le travail critique effectué à la bibliothèque contre le piètre documentaire « Ni dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme » (de Tancrède Ramonet, Arte, 2016)

2 Dans lesquelles la violence se voit restreinte à un monopole exclusif, moral et physique des forces de l’ordre et de l’État (ainsi que le droit au port d’armes à feu et la permission de tuer), et dans un cadre privé de la famille, du groupe social et de la communauté, sous peine de sanctions parfois « violentes ».

3 Encore une preuve de l’incongruité des « lanceurs d’alerte », des logiques de « révélations », de « Callouting », du prosélytisme, des belles paroles et du « dévoilement », s’il en fallait.

Peut-il exister un milieu révolutionnaire ?

Vendredi 4 juin 19h

 «Ce que je veux, c’est que l’on soit un comité de boules. Qu’il n’y ait plus de distinction entre pétanque et Lyonnaise. Que le bureau soit composé de dix pétanqueurs et deux boulistes, ou l’inverse, peu importe. L’essentiel est d’avancer ensemble.» Jean-Claude Panos (président du comité de gestion du boulodrome départemental d’Auxerre), in L’Yonne Républicaine.

 

Parmi celles et ceux qui souhaitent voir la société mise à bas, la destruction de l’État et du Capital, les rapports sociaux que nous connaissons aujourd’hui bousculés dans leurs fondements, en bref la réalisation concrète de la possibilité révolutionnaire, existe un besoin sans doute fondamental et impérieux : celui de se donner la possibilité d’intervenir sans rester isolé, de construire de la puissance dans la conflictualité engagée contre l’apareil étatique et les défenseurs du maintien de ce monde. Cela pour endiguer l’isolement et l’atomisation que produit la société, qui empêchent toute possibilité de révolte, toute possibilité de développement d’une puissance révolutionnaire effective et dangereuse pour l’ordre établi. Cette aspiration nécessaire a trouvé diverses réponses plus ou moins subversives et émancipatrices, mais aussi plus ou moins auto-limitées et auto-limitantes (parfois jusqu’à des fonctionnements autoritaires), à travers les différentes théories révolutionnaires qui ont émergé dans l’histoire et qui sont d’une certaine manière des outils mis à notre disposition pour y répondre. On trouvera par exemple dans des pans plus autoritaires de l’histoire révolutionnaire la proposition simple, efficace et prête-à-porter, du Parti – qui a effectivement su liquider bien des épisodes révolutionnaires. Dans des sphères certainement plus minoritaires (mais semblerait-il sensiblement plus subversives) cette aspiration à intervenir aura trouvé des tentatives de réponse anti-hiérarchiques, comme la libre-association anarchiste des individus, ou encore l’auto-organisation autonome de ceux qui luttent. Ces propositions (qui ne sont que des exemples parmi d’autres) font évidemment sens les unes par rapport aux autres, certaines radicalement opposées entre elles, d’autres qui se posent en continuité, et il nous faut précisément nous interroger sur ces dernières afin de poursuivre l’hypothèse révolutionnaire, pour ne pas piétiner historiquement sur ces outils à notre disposition. Quoi qu’il en soit, toutes ces personnes qui se soucient un tant soit peu de la liberté se retrouvent de fait mises en rapports jusqu’à, et nous en arrivons au sujet principal de cette discussion, former (peut-être – ou non – malgré elles) un « milieu » : une micro-société restreinte et codifiée, bien propre au monde que nous connaissons, comme il pourrait en exister un dans la Bande Dessinée, ou comme les scènes musicales par exemple. Ceci doit nous poser question, si nous tenons à ce que les révolutionnaires ne soient pas organisés ou associés comme pourraient l’être les boulistes du boulodrome d’Auxerre, par exemple. Ce « milieu révolutionnaire » (sur lequel trop de guillemets devraient être mis pour la bonne lisibilité de ce texte) parfois revendiqué et assumé par une proposition dite « milieutiste », en tant que formation sociale non-extérieure à ce monde endosse les mêmes objectifs que tous les autres milieux, ceux de sa propre reproduction et sauvegarde, avec sa propre existence comme projectualité ultime. Ceci logiquement selon les besoins de l’époque et de la période, et donc peut-être intrinsèquement au détriment des tentatives subversives qui s’expriment en refus de cette dite période. En formant une espèce de clan, de tribu « révolutionnaire », auto-centrée et refermée sur ses codes et sa morale, le fond et la perspective d’en finir avec l’existant risque de fort de passer à la trappe au profit de la survie de soi, du groupe. Mais cette perspective peut-elle sérieusement être souhaitable ? Ne devrait-elle pas poser question par rapport à tout un ensemble de concepts qui appartiennent profondément à ce que « nous » combattons, comme le carriérisme, la réussite sociale et/ou politicienne ? Comme rien d’acceptable n’est trouvable dans aucun manuel politique et révolutionnaire, il faut que nous nous posions sérieusement, pour toutes celles ceux que ce questionnement libertaire concerne, la question de comment nous organiser sans reproduire entre nous les fonctionnements autoritaires anti-subversifs que nous cherchons avec tant de cœur à abattre dans la société. Réfléchir à cette notion de « milieu » devrait aussi nous amener à nous poser la question (qui ne date pas d’hier) qui est celle de l’ouverture des idées révolutionnaires vers l’ailleurs, l’autre que soi et ses copains, question à laquelle une fois de plus nombre de réponses ne peuvent que nous insatisfaire, comme l’établissement maoïste, le populisme ou le paternalisme. Retrouvons-nous donc pour en discuter, non sans oublier aussi que, peut-être, ne peut exister de révolutionnaires sans Révolution…

Appel à solidarité pour les suites de l’affaire dite « machine à expulser » : ne laissons personne seul face à la répression !

A partir de novembre 2008, en France, après l’incendie qui a réduit en cendre le centre de rétention de Vincennes au cours d’une révolte des sans papiers qui y étaient enfermés, la lutte contre les frontières et l’enfermement des sans-papiers a connu une phase particulièrement offensive, avec un grand nombre d’attaques, en particulier contre des entreprises collaborant à la machine à expulser, comme les banques dénonçant les sans papiers aux flics ou les entreprises de transport participants aux expulsions. La répression de ce moment de lutte a conduit des dizaines de militants sous le coup d’une procédure tentaculaire, avec des perquisitions à répétitions, plusieurs incarcérations en préventive et une pression et une surveillance policière qui ont duré presque une décennie. L’instruction, qui était surtout là pour donner à la police et au renseignement les coudées franches en terme de contrôle et de surveillance de la large mouvance alors active sur ces questions, a été maintenue en cours au delà de tout délai « raisonnable », jusqu’à ce qu’elle finisse par se clore en 2016 sur la mise en accusation dans deux procès d’une dizaine de personnes, tous pour des délits très mineurs, (certains même seulement pour avoir refusé de donner leur ADN lors des interpellations), les faits les plus criminalisables, qui avaient justifié l’instruction, étant finalement tous déclarés « sans auteurs ». Dans le premier volet de cette affaire, parce qu’il est très rare que la justice se dédise complètement, ce sont en fin de procédure du sursis ou des amendes pour tag, dégradations mineures, ou refus de se soumettre à la signalétique qui finiront par être attribuées aux mis en examens, alors que plusieurs personnes ont été incarcérées plusieurs mois en préventive dans cette affaire.

Aujourd’hui, dix ans plus tard, alors que les procès en appels sont clos, ceux qui sont passés en procès doivent faire face aux frais occasionnés. L’un d’entre eux au moins, à notre connaissance actuelle, risque une saisie de ses faibles revenus. Exprimer une solidarité active, par tous moyens, au delà de l’étirement du temps de la machine judiciaire qui s’efforce de broyer la vie de ceux qui se retrouvent pris dan ses rouages, nous semble primordial, ainsi que poursuivre la lutte contre toutes les frontières, toutes les prisons et contre le monde qui les produit.

Ne laissons personne seul face aux conséquences même tardives de la répression ! Tous ceux qui souhaiteraient participer à cette solidarité peuvent nous écrire, que ce soit en organisant des initiatives selon leurs possibilités, par exemple des discussions autour de ce moment de la lutte contre les frontières, qui peuvent s’appuyer sur la brochure Le vaisseau des morts a brûlé, écrite à l’occasion du premier procès, qui s’efforce d’en retracer assez largement le déroulement, ou en envoyant de l’argent pour aider à faire face aux suites judiciaires.

Si d’autres inculpés veulent se joindre à l’initiative, qu’ils n’hésitent pas à nous contacter.

Solidarité avec les inculpés de la machine à expulser !

Feu aux prisons, aux frontières et aux centres de rétention !

Liberté pour tous, avec ou sans papiers !

Le 05 mai 2021

pafledab

Contact : pafledab@canaglie.net

Cecil B. Demented

John Waters – 2000 VOSTF (USA) – 87’

Lundi 31 mai à 19h

Un cinéaste underground à la tête d’un groupe armé de tournage fanatisé pousse la radicalité au-delà des limites de la fiction en enlevant une star hollywoodienne en vogue dans le cinéma mainstream pour lui faire tourner sous la contrainte un film fait de scènes d’attaques de tournages de blockbusters. Sur le modèle de Patty Hearst qui finira par rejoindre ses ravisseurs, la star se prendra au jeu et deviendra la vedette de ces interventions cinématographiques armées.

John Waters retrouve au début des années 2000, quelque chose d’une subversion très punk pour nous faire assister au tournage rocambolesque et burlesque de ce film expérimental ultime qui représenterait l’absolue radicalité d’un cinéma intervenant contre lui-même sous la houlette d’un auteur déjanté et chef absolu de sa révolution cinématographique totale. Alors que le jeu spéculaire de cette mise en abîme pourrait aboutir sur un cynisme tournant en dérision à la fois la révolution et le cinéma, le traitement grotesque de cette praxis révolutionnaire fanatique qui fait du cinéma son champ de bataille prend une tournure singulièrement subversive et assurément drôle et jouissive. Les oppositions très intellectualisantes entre cinéma d’auteur et blockbuster, ou entre artifice et réalité se retrouvent dynamitées, toutes les prétentions autoritaires à s’instituer en chef suprême de la subversion se retrouvent ridiculisées, et dans un retournement absurde, c’est finalement le genre et la déviance qui triomphent de l’auteur et de toutes les normalités.

En plus du plaisir de voir ce film ensemble, on voudrait commencer à évoquer, à travers ce ciné-club burlesque, la très sérieuse question des rapports entre art et révolution, histoire d’essayer d’éviter qu’elle se noie comme c’est si souvent le cas dans des faux-semblants théoriques qui finissent par ne plus rien avoir à voir ni avec l’une ni avec l’autre.

 » Et le reste du film s’appellera cinéma-vérité

et sera tourné avec de la vraie terreur ! «