Démontage judiciaire : affaire des 17 occupants du ministère de la Justice à Strasbourg

Samedi 29 mars – 17h

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Saboter la machine judiciaire implique de comprendre comment fonctionnent ses rouages quand elle s’exerce, comment elle peaufine ses engrenages pour mieux nous broyer. Alors il nous a semblé pertinent de proposer des occasions de pratiquer ensemble des démontages, en se donnant le loisir d’accorder collectivement toute notre attention à des déconstructions aussi méticuleuses que possible d’affaires judiciaires précises, passées ou actuelles, pour mieux se préparer à affronter la justice et la répression quand nous nous retrouvons contraint de le faire. Chaque affaire est singulière, et toutes ou presque pourront nous intéresser, qu’elles aient défrayé la chronique, marqué l’Histoire ou qu’elles participent d’un fonctionnement quotidien d’une justice toujours trop près de la vie de tout un chacun, et on espère que comprendre ces affaires spécifiques nous permettra d’en savoir plus sur le fonctionnement de l’ensemble du dispositif, et de trouver comment s’y opposer. Concrètement, on propose un rendez- vous régulier et public (une fois par programme) pour plonger ensemble dans une affaire choisie préalablement selon les propositions ou occasions, et sur laquelle ceux et celles qui voudront le faire se seront penché en amont, à partir des documents et informations qu’on peut réunir selon les cas, pour restituer aux autres à la fois la construction de l’accusation et la stratégie de défense choisie ainsi que la manière dont elle s’est élaborée. On pourra ensuite tous discuter à partir de ces éléments, en s’inspirant des formes de prises en charge collective des défenses qui se sont développées dans les suites de mai 68, par exemple, mais sous une forme « désactualisée », hors des enjeux immédiats d’une défense réelle en cours. Pas besoin de connaissances spécifiques préalables, bien sûr, pour participer, d’autant plus que le point de vue que nous choisirons d’adopter c’est celui de tous ceux et touts celles qui peuvent se retrouver face aux tribunaux et qui ne sont pas prêts à laisser la machine judiciaire les broyer, et pas celui des spécialistes ou relais de la justice auquel trop souvent le champ libre est laissé, parce que tout est fait pour nous conduire à le leur abandonner. Il s’agirait donc au contraire de s’habituer à ne plus déserter le champ de l’élaboration collective, et de chercher à donner un sens concret à la notion de défense collective.

Ce démontage judiciaire portera sur le procès des 17 occupants de l’annexe du ministère de la Justice à Strasbourg.

Du 19 au 28 juillet 2002, plusieurs milliers de personnes venues de toute l’Europe se réunissent à Strasbourg à l’appel du réseau No Border pour un campement contre le contrôle social, prenant pour cible le Système d’Information Schengen (SIS) qui instaure le fichage des indésirables au niveau européen (sans papiers comme militants) et qui est situé à Strasbourg. Il s’agit aussi à l’époque où se multiplient les « contre sommets », de proposer de se réunir aussi nombreux mais sur nos propres échéances et enjeux au lieu de dépendre de ceux des États en acceptant des rendez-vous préparés à coup de dispositifs répressifs monstrueux (comme à Seattle, Prague ou Gênes). A partir de cette initiative auront lieu de nombreuses interventions, manifestations et attaques. Plusieurs arrestations donneront lieu à des procès mais un seul militant, Ahmed Meguini, passe en comparution immédiate et se retrouve incarcéré. Sur la base de l’équipe juridique constituée pour le campement (Il-legal team), la solidarité et la défense s’organisent pour perdurer au-delà de la durée du campement, et face à la situation particulière qui est faite au seul incarcéré (refus de parloir, isolement etc.), 17 personnes du collectif de solidarité local et de l’équipe juridique décident d’occuper l’annexe du ministère de la Justice à Strasbourg. Ils seront délogés par le GIPN et passeront en comparution immédiate pour violation de domicile et séquestration, après avoir passé 24h en prison. Libérés après la première audience sur une déclaration d’incompétence du tribunal (la séquestration dans ce cas est un crime qui se juge aux assises), le dossier volontairement gonflé par le Parquet en séquestration finira par se dégonfler en appel avec une condamnation pour chaque inculpé à 15 jours de prison avec sursis.

Au delà de reparcourir les méandres judiciaires des procès de cette affaire (dans lesquels les 17 inculpés ont réussi, malgré des divergences notables et le temps long de la justice, à rester unis face à la procédure et à empêcher ainsi de singulariser les peines), elle nous semble intéressante aussi parce qu’elle comporte l’intervention d’un collectif de défense construit sur des principes de défense collective et qu’elle s’inscrit dans une démarche globale de défense militante, dont on pourra rediscuter à cette occasion.

FINISSONS-EN AVEC LA NATION !

Tract distribué dans les rues samedi 22 mars à l’occasion de la manifestation contre le racisme et le fascisme.

La référence à l’État-nation et à sa promotion par le nationalisme disparaît étrangement des textes et analyses actuels émanant des milieux autonomes… Pourtant, cette référence connaît toujours son heure de gloire, et ce partout dans le monde. Cette disparition dans la critique radicale n’est donc malheureusement pas le corollaire d’un effacement de l’idée et du mythe nationaux. Au contraire, en plus du nationalisme français, se surajoute en ce moment un nationalisme européen qui voudrait concurrencer sur le plan militaire les nations russes et américaines. Dans un argumentaire qui réduit comme toujours les populations à de la chair démographique à canon, le commissaire à la défense européen disait hier « Les 450 millions de citoyens de l’Union européenne ne devraient pas dépendre de 340 millions d’Américains pour se défendre contre 140 millions de Russes qui n’arrivent pas à battre 38 millions d’Ukrainiens ». On sent venir toute la sale musique du patriotisme qui va diffuser l’injonction à aimer son pays, à le défendre, à s’y sacrifier en travaillant et en consommant pour lui, dans les écoles, les supermarchés, dans la rue et les médias, jusqu’à évidemment s’aveugler de ce qu’implique nécessairement n’importe quelle nation, et ce peu importe sa taille, son impérialisme, son histoire récente ou vieille, ses régionalismes, son folklore et sa puissance militaire : toutes les nations installent des frontières, les surveillent, les contrôlent, et les font appliquer sur les uns et les autres en triant ceux qui ont les bons papiers, et ceux qui ne les ont pas, en en enfermant et en en expulsant certains. Ces frontières servent à maintenir un ordre social prospère à cet État-nation qui quotidiennement nous réprime. Il n’existe aucune émancipation possible dans le répertoire nationaliste, car toujours la nation, la plus progressiste et révolutionnaire pourrait-elle se présenter, viendra avec son cortège de tri, de xénophobie, de maintien de l’ordre et d’appel au sacrifice patriote. Ça, la gauche parlementaire et extra-parlementaire l’a bien compris, et c’est pourquoi elle promeut des identités nationales et patriotes (voire même un « communisme patriote », beurk !) qu’elle voudrait bien distincts des références traditionnelles de la droite, mais c’est surtout pourquoi elle appelle à se mobiliser contre l’État « fasciste et raciste », contre le fascisme et le racisme dans le monde, mais jamais contre les nationalismes qui dès lors prospèrent démocratiquement avec des lois anti-immigration et des budgets d’armement que, demain, cette gauche au pouvoir saura très bien faire perdurer en changeant légèrement la rythmique du discours, mais jamais le fond. Le 18 mars, c’est bel et bien la nation française, avec ses actuels lois et fonctionnements que nous ne pensons pas « fascistes », mais banalement et tristement démocratiques, qui a rendu possible l’expulsion de la Gaîté Lyrique, le contrôle et l’arrestation de plusieurs mineurs (une soixantaine d’interpellés), la condamnation à des OQTF et le placement en CRA. C’est une mairie de Paris bien de gauche qui a fait son sale travail de gauche habituelle : s’afficher verbalement et à peu de frais comme soutien, voire comme allié pendant un temps, puis s’afficher verbalement comme soutien nécessaire de l’expulsion présentée comme inévitable. La gauche est experte en discours qui enchantent les oreilles tandis que l’ordre social se maintient, la gauche adore les mobilisations outrées et scandalisées dans le verbe qui en reste à une non-attaque des mécanismes concrets de tri et de domination. Lutter contre les tendances fascisantes du XXIème siècle, contre l’extrême-droite qui en effet se refait partout dans le monde en ce moment une nouvelle jeunesse, ne se fera pas sans considérer que toutes les tendances de gauche qui valorisent des formes de nationalismes et de patriotisme progressistes contribuent à la banalisation de cette mythologie mortifère. Nous n’en finirons jamais avec les insupportables expulsions et répressions qui visent tous ceux qui n’ont pas les bons papiers si nous ne nous attaquons pas à la machine nationaliste dans son entièreté. Ne nous laissons pas duper par les discours de mobilisation qui ciblent le racisme et le fascisme sans voir qu’ils ne peuvent perdurer au quotidien sans les rouages de base des États-nation. Une France anti-fasciste et anti- raciste, insoumise et progressiste serait toujours une France, c’est-à-dire un territoire où l’on se fait exploiter et contrôler. Si ce printemps devait nous ramener un peu de vivacité, de révolte et conflictualité, nous l’espérons et l’agiterons irrévérencieux, anti-national et anti-patriote ! Que la France crève, crève et re-crève.

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Programme de mars à mai à la bibliothèque des Fleurs Arctiques

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Pendant ce programme à la bibliothèque des Fleurs Arctiques, nous discuterons des relents du nationalisme, à droite comme à gauche, de notre rapport à l’illégalité et à la question du crime organisé, et enfin à la question de l’euthanasie en rapport avec les prochaines législation autour de l’« aide active à mourir ».

Nous projetterons lors du ciné-club : Claire Dolan, A Dark Song, Birth, The Wicker Man et Zélig

Le démontage judiciaire de ce programme se fera autour de l’Affaire des 17 suite au campement No Border de Strasbourg en 2002, et aura lieu samedi 29 mars.

Les permanences auront lieu le jeudi de 16h à 18h.

Les groupes de lecture auront lieu le dimanche à 16h30

Nous vous invitons également à une soirée de soutien/projection de nanar à la bibliothèque le samedi 31 mai !

Nique la France, discussion autour du nationalisme

Vendredi 21 mars – 19h30

Aujourd’hui, on assiste à une tendance qui monte dans le discours et les actions des politiques et des bourgeois des divers camps politiciens qui nous gouvernent. Partout, la petite musique du nationalisme se répand jusqu’à devenir symphonie, les conservateurs sont à la grosse caisse mais la gauche n’est pas dans l’orchestre que pour sonner le triangle !
Le capitalisme ne fait plus (et depuis bien longtemps!) rêver dans les chaumières. Se tuer au travail, s’entasser dans des métros ou des studios, subir le harcèlement de France Travail, il n’y a rien à en tirer et tout le monde le sait !
Alors, l’Etat et le Capital sortent d’autres cartes, vieilles comme le monde… C’est la dette française qu’il faudrait sauver, ou bien la souveraineté industrielle, pérenniser NOTRE modèle énergétique, NOTRE esprit d’entreprise, NOTRE démographie, NOTRE secteur industriel, enfin bref, la France a besoin de vous ! Demain, peut-être sur le champ de bataille comme hier, mais aujourd’hui déjà, à l’usine ou au bureau !
Hier, l’Etat a tenté de mettre au pas la jeunesse et de l’embrigader dans des services militaires 2.0, le SNU, et a dû abandonner face aux contestations. Aujourd’hui, face à Poutine ou Trump, il invoque l’effort patriote et nous invite à s’engager pour la nation d’une manière ou d’une autre, en créant des “épargnes patriotes” ou en investissant dans l’industrie militaire française. Ca produira des missiles, ça créera de l’emploi et de la richesse et tout ceci est FRANÇAIS : ça tombe mal, ça résume tout ce qu’on déteste !
Ce que le pouvoir cherche dans la nation, c’est une épaisseur morale qui maintienne l’ordre, une fiction qui garantisse la paix sociale dans la société et justifie la guerre contre d’autres nations, la colonisation du monde, l’imposition de ses normes, la mise au travail pour une cause.
Le nationalisme et son corollaire, le patriotisme, ont toujours été un moyen pour créer des catégories fictives, concurrentes entre elles que ce soit sur le champ de bataille, quand il est alors matérialisé par la plus dégoûtante et tragique de ses formes, mais aussi sur d’autres terrains : la concurrence économique, le sport, la culture…
Des catégories fictives, sur seule base d’un bout de papier, ou d’une “identité culturelle” uniforme fantasmée, qui ont toujours détourné l’attention des réelles oppositions qui traversent ce monde : celle des pauvres et des riches, celle des décideurs bourgeois et des administrés, celle des laquais et des révoltés.
Le nationalisme est bien sûr évoqué par les fafs ou les conservateurs mais la gauche n’est pas en reste dans toute cette entreprise. Elle invoque cette figure pour un autre argument que l’on entend de plus en plus ces temps-ci : la nation serait un affect qui parle aux masses, susceptible d’être le noyau d’un mouvement social fédérateur car les gens s’y retrouveraient, ça les rassurerait. Voilà même que des réacs de gauche qui tentent depuis longtemps de capitaliser sur l’identité comme Bouteldja, s’attaquent maintenant à ressusciter le patriotisme français, qui aurait été dissous par la mondialisation et qu’il s’agirait de ressusciter et faire de celui-ci la nouvelle voie vers la révolution (une révolution qui serait faite avec LFI donc…), par le concept fumeux de “communisme patriote” (quelqu’un lui a dit qu’on avait déjà le PRCF pour ça et que ça a toujours été de la merde stalinienne?) ou du Frexit décolonial.
Mais fédérateur de qui ? Des français… Argh ! Et pour quoi faire ? De la France… Beurk !
Est invoquée alors l’histoire des luttes, des gilets jaunes à la Commune en passant par la Révolution Française, pour expliquer combien la France, pourrait être, ou est déjà, ou a toujours été, le véritable outil qui nous émancipera du Capital, ou en tout cas, qu’elle est un passage (éternel?) obligé pour mener à un soulèvement.
Mais ces mouvements évoqués ne peuvent évidemment pas être résumés par leurs composantes patriotes ou nationalistes, en conflit avec d’autres composantes. C’est du rackett politique que de faire croire que ce qui a mis en mouvement ceux qui se sont révoltés est un affect patriote.
La nation peut-elle être révolutionnaire ? Certainement oui, si l’on comprend la révolution comme ce qu’elle a déjà été dans d’autres époques comme en URSS, mais une révolution nationale et nationaliste, nécessairement autoritaire par conséquent, ne nous émanciperait pas de l’État, de ses frontières, de sa police, de sa justice, de ses papiers et des exclus qu’elle crée tous les jours à la pelle.
Venez donc le 21 mars à 19h30 pour réfléchir à la montée contemporaine du nationalisme, discuter des impasses où elle conduit les mouvements sociaux, et surtout pour réfléchir à des façons actuelles et urgentes de s’opposer à ces discours et ces pratiques, pour cracher sur la France et toutes les nations !

Illégalisme & crime organisé

Samedi 5 avril – 17h

On voit poindre de temps en temps des réflexions qui voudraient que les révolutionnaires se fassent les pourfendeurs du « crime organisé ». C’est une vision très partagée et ancienne qu’on retrouve depuis les relents les plus nauséabonds du stalinisme jusqu’aux classiques soc-dems travaillistes, et qui voudrait que les pratiques illégales soient le fait d’un « lumpen » toujours prêt à trahir l’unité des travailleurs, cette sacro-sainte unité qui se forme autour du travaillisme, de la médiation syndicale et des marches en manif sans remous ni aucun effet sur l’existant. Se placer du côté de l’illégalisme est pourtant un minimum fondamental pour toute personne rêvant d’abattre ce monde qui ne fonctionne que parce que la loi existe, et qu’un Etat, avec sa police, ses prisons, et ses cours de justice sont là pour la faire respecter. Qui croirait ici que la destruction de l’existant pourrait un jour s’appuyer sur des pratiques qui ne sortiraient pas radicalement des clous de la légalité et de la pacification sociale ?
Nous savons aussi les liens que peuvent entretenir les organisations illégales et les entreprises qui exploitent à tour de bras quotidiennement, et il est intéressant que nous réfléchissions à ces différents liens. Il est certain que l’émancipation face au capitalisme, à l’exploitation, à l’argent n’est pas à chercher dans les pratiques des mafias comme dans aucune pratique autoritaire (notre problème étant bel et bien l’autorité, certainement pas l’illégalité…). Mais dans quel monde le chemin vers la révolution serait de servir d’auxiliaire aux forces de l’ordre et ainsi de faire la chasse au « crime organisé » ?
Si ce monde tourne rond, si le capitalisme suit sa marche quotidienne, si l’Etat conserve sa mainmise et organise sa répression de tout ce qui déroge à l’ordre social, est-ce en raison des pratiques illégales, ou plutôt de pratiques tout à fait légales et instituées, telles que le travail, le placement en prison, les procès des tribunaux, l’achat, la vente, l’expropriation, la surveillance, la guerre etc, etc … ? N’est-ce pas toujours plus pertinent d’axer notre critique sur ce qui reconduit et reproduit les logiques capitalistes et légalistes, et de réfléchir, partant de cette base minimale, au « crime organisé », à ses liens complexes avec la subversion et la conservation de l’existant ? Nous proposons d’en discuter le 30 mai à 19h30, dans un contexte où la répression en France tente de se doter au niveau législatif d’un nouvel outillage anticriminalité par le biais de la loi dite « narcotrafic » adoptée pour l’instant par le Sénat le 4 février 2025, et qui n’est pas sans concerner tous les ennemis de l’Etat dont font partie les révoltés. Un Parquet national anti criminalité organisée (PNACO) serait créé sur le modèle du Parquet national anti terroriste, accompagné de plusieurs mesures de surveillance et de répression qu’il sera important de comprendre et combattre. Comme toujours, en France comme ailleurs, les luttes policières et judiciaires qui ciblent telle frange de l’illégalisme (ici le narcotrafic par exemple) concernent en vérité toute la population. Le statut de « repentis », largement exploité en Italie de la mafia aux militants anarchistes et autonomes, serait justement repensé également en France sur le même modèle. Ne laissons pas se peaufiner les rouages étatiques anti-criminalité !

Claire Dolan

Mardi 25 mars – 19h30

Lodge Kerrigan
1998 – 95’

Nous poursuivons ici le cycle Lodge Kerrigan, cette fois ci avec le personnage Claire Dolan, aux prises avec un proxénète manipulateur et une ville de New York plus froide que jamais, pleine de miroirs et de reflets. Elle nourrit pourtant le souhait de se ranger pour passer de la putain à la maman, un peu comme dans une fable, mais triste. A travers la souffrance de Claire on explore la possibilité et le désir de la fuite, mais c’est la souffrance qui prime. La prostitution est dépeinte sans aucun fard, elle est froidement dénuée d’émotion, elle est cette réification des corps. Dans ce film, que nous considérons comme le meilleur de LK, on retrouve une mise en scène au plus près de son personnage, mais sans aucun racolage, comme dans Clean Shaven, on partage cette intimité mutilée par la vie, grâce à la performance extraordinaire de Katrin Cartlidge (qui nous a quitté depuis) qui forme ici un trio qui en dit long sur les relations humaines et leur déséquilibre avec Vincent D’Onofrio et Colm Meaney, le tout avec une cinématographie exceptionnelle à tous les niveaux, cependant plus classique et moins expérimentale que Clean Shaven.

A Dark Song

Mardi 8 avril – 19h30

Liam Gavin
2016 – 99’

C’est une histoire de gens paumés. Chacun pour ses raisons, un deuil, un délire, on ne sait pas bien. Mais la rencontre a lieu, elle n’est pas amoureuse mais intéressée. Elle a perdu son fils, ça ne passe pas, il est un spécialiste de la magie rituelle kabbalistique. A travers une approche réaliste de l’ésotérisme, ce premier film, qui n’est pas (vraiment) un film d’horreur, nous plonge dans les abimes métaphysiques de ses personnages ébranlés par la vie, qui viennent ici se frotter au grandiose sans quitter la trivialité d’un quotidien pourtant bouleversé par les exigences de la magie, qui ne rigole pas du tout.

Birth

Mardi 29 avril – 19h30

Jonathan Glazer
2004 – 100’

Anna, interprétée par Nicole Kidman, remise de la mort de son ancien mari, s’apprête à marier un autre homme. Mais un événement va venir perturber le quotidien de cette famille bourgeoise : un enfant de dix ans affirme être la réincarnation du mari décédé et semble se souvenir, de manière troublante, de leur vie passée, mettant ainsi sens dessus dessous les certitudes des uns et des autres. Ce film, co-écrit par Jean-Claude Carrière (collaborateur et scénariste de Buñel), montre, avec horreur, les illusions délirantes que nous sommes prêts à suivre pour échapper au deuil et au quotidien.

The Wicker Man

Mardi 13 mai – 19h30

Robin Hardy
1973 – 94’

De la folie, beaucoup de folie, du psychédélique et de l’immoral, des religions, des pratiques et des croyances absurdes, une île au fonctionnement et aux mœurs différentes, des corps qui dansent, Christopher Lee (Dracula) au sommet de sa forme et probablement beaucoup de drogues sur le tournage, font de ce film sulfureux et irrespectueux un des bijoux de l’ère post-hippie déglinguée. Parfait pour notre cinéclub !

Aider à mourir peut il être un soin ?

Vendredi 16 mai – 19h30

En mai seront examinés au parlement deux textes relatifs à la fin de vie, dont l’un à propos d’une légalisation du suicide assisté renommé dans ce cadre « aide active à mourir » (terminologie qui en elle-même invite déjà à être débattue !). D’après ce projet de loi, les patients atteints d’une « affection grave et incurable » pourront demander un suicide assisté, à condition d’être majeurs, français, en mesure « d’exprimer leur volonté de façon libre et éclairée », et d’éprouver des « souffrances physiques et psychologiques réfractaires et insupportables ». Comme dans d’autres pays, c’est principalement la gauche qui encourage un telle dynamique de légalisation de formes d’euthanasie, y défendant un droit et une liberté, y voyant un progrès, et parfois traçant un parallèle entre le « mon corps, mon choix » du droit à l’avortement et le désir de mettre fin à ses jours. La Colombie, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et depuis 2021 l’Espagne ont légalisé l’euthanasie, tandis que neuf états américains ont légalisé le suicide assisté (la différence avec l’euthanasie étant que la personne s’administre elle-même la substance létale). Des pays comme la Suisse et l’Italie tolèrent également le suicide assisté, bien qu’aucune loi ne vienne légiférer à son propos. Enfin, l’arrêt des traitements à la demande des patients est légalisé dans de nombreux pays. Nous proposons de nous pencher sur ces différents contextes sociaux et politiques afin de discuter à la bibliothèque des implications sociales de ces différentes législations, notamment sur les plus précaires, les « indésirables » du capitalisme et les moins productifs, mais pas seulement, et afin de prendre à bras le corps la question de savoir si aider quelqu’un à mourir peut-il être un soin. Cela soulève bien entendu des enjeux existentiels et éthiques irréductibles à la politique, mais les manières de traiter de cette question sans émettre aucun lien avec la politique, la critique du capitalisme, du travaillisme et plus largement des rapports sociaux sont déplorables (on peut ici penser au dernier film de Pedro Almodovar, La chambre d’à côté, qui met en scène une défense du suicide assisté en dépolitisant et décontextualisant complètement le sujet, comme s’il ne s’agissait que d’une pure décision de volonté individuelle). Nous chercherons donc à articuler avec la perspective révolutionnaire anti-autoritaire des réflexions autant politiques que plus largement existentielles sur ce sujet, afin de dégager, enfin, un espace possible à des positionnements qui ne se ramènent pas au schéma parlementaire actuel d’une opposition légaliste entre progressismes pro-euthanasie et réactions anti-euthanasie sous couvert de traditions, de religions et de main-mise sur l’individu. N’oublions jamais la saine méfiance à l’égard de tout ce qui cherche à légiférer sur la vie comme sur la mort, et tentons de débattre avec, on l’espère, plein de fertiles désaccords !