Samedi 5 avril – 17h
On voit poindre de temps en temps des réflexions qui voudraient que les révolutionnaires se fassent les pourfendeurs du « crime organisé ». C’est une vision très partagée et ancienne qu’on retrouve depuis les relents les plus nauséabonds du stalinisme jusqu’aux classiques soc-dems travaillistes, et qui voudrait que les pratiques illégales soient le fait d’un « lumpen » toujours prêt à trahir l’unité des travailleurs, cette sacro-sainte unité qui se forme autour du travaillisme, de la médiation syndicale et des marches en manif sans remous ni aucun effet sur l’existant. Se placer du côté de l’illégalisme est pourtant un minimum fondamental pour toute personne rêvant d’abattre ce monde qui ne fonctionne que parce que la loi existe, et qu’un Etat, avec sa police, ses prisons, et ses cours de justice sont là pour la faire respecter. Qui croirait ici que la destruction de l’existant pourrait un jour s’appuyer sur des pratiques qui ne sortiraient pas radicalement des clous de la légalité et de la pacification sociale ?
Nous savons aussi les liens que peuvent entretenir les organisations illégales et les entreprises qui exploitent à tour de bras quotidiennement, et il est intéressant que nous réfléchissions à ces différents liens. Il est certain que l’émancipation face au capitalisme, à l’exploitation, à l’argent n’est pas à chercher dans les pratiques des mafias comme dans aucune pratique autoritaire (notre problème étant bel et bien l’autorité, certainement pas l’illégalité…). Mais dans quel monde le chemin vers la révolution serait de servir d’auxiliaire aux forces de l’ordre et ainsi de faire la chasse au « crime organisé » ?
Si ce monde tourne rond, si le capitalisme suit sa marche quotidienne, si l’Etat conserve sa mainmise et organise sa répression de tout ce qui déroge à l’ordre social, est-ce en raison des pratiques illégales, ou plutôt de pratiques tout à fait légales et instituées, telles que le travail, le placement en prison, les procès des tribunaux, l’achat, la vente, l’expropriation, la surveillance, la guerre etc, etc … ? N’est-ce pas toujours plus pertinent d’axer notre critique sur ce qui reconduit et reproduit les logiques capitalistes et légalistes, et de réfléchir, partant de cette base minimale, au « crime organisé », à ses liens complexes avec la subversion et la conservation de l’existant ? Nous proposons d’en discuter le 30 mai à 19h30, dans un contexte où la répression en France tente de se doter au niveau législatif d’un nouvel outillage anticriminalité par le biais de la loi dite « narcotrafic » adoptée pour l’instant par le Sénat le 4 février 2025, et qui n’est pas sans concerner tous les ennemis de l’Etat dont font partie les révoltés. Un Parquet national anti criminalité organisée (PNACO) serait créé sur le modèle du Parquet national anti terroriste, accompagné de plusieurs mesures de surveillance et de répression qu’il sera important de comprendre et combattre. Comme toujours, en France comme ailleurs, les luttes policières et judiciaires qui ciblent telle frange de l’illégalisme (ici le narcotrafic par exemple) concernent en vérité toute la population. Le statut de « repentis », largement exploité en Italie de la mafia aux militants anarchistes et autonomes, serait justement repensé également en France sur le même modèle. Ne laissons pas se peaufiner les rouages étatiques anti-criminalité !