Prendre du recul en avant

Discussion autour de l’avant-gardisme
Samedi 11 mai 19h

 

Après avoir discuté le samedi 6 avril de la réaction et des formes nouvelles qu’elle prend à notre époque, notamment dans les aires subversives, on se propose de discuter d’un autre extrême des temporalités historiques, l’avant-gardisme, dans ses théories comme dans ses pratiques.

Les avant-gardes, qu’elles soient artistiques ou politiques, ont joué un rôle notable durant une partie du XXème siècle. Dans les deux cas, elles se définissent par la position qu’elles veulent et prétendent occuper, une position en avance sur le temps présent. Voulant devancer leur époque, elles produisent des théories, des valeurs et des pratiques qui se veulent nouvelles. Si l’époque des avant-gardes semble close à présent, quoique certains militants qui voient venir (et leurs amis) en remettent quelques relents au goût du jour, nous pouvons utilement nous pencher sur ce qu’une telle position par rapport au temps présent signifie : peut-on réellement s’émanciper d’un temps qu’on représente comme linéaire pour prendre les devants ? Cette position ne condamne-t-elle pas fatalement à se placer à l’extérieur de la réalité présente, en prétendant la surplomber, illusoirement ? Et si le temps des avant-gardes historiques est bel et bien passé, ce qui a pu en survivre dans les aires subversives, n’est-ce pas précisément une certaine extériorité ou volonté d’extériorité par rapport à l’époque et aux rapports qu’elle contient ? Enfin, comment, pour ceux qui aujourd’hui encore persistent à vouloir renverser le monde, ce monde où les possibilités révolutionnaires se sont perdues dans un brouillard lointain, ne pas sombrer dans cette posture d’extériorité, dans une volonté de sécession ?

Ne peut-on pas envisager un rapport au temps moins linéaire, plus fractionné, plus vivant dans lequel regarder vers l’arrière pour renouer des fils perdus avec des périodes plus révolutionnaires peut apporter davantage que prétendre mettre le présent et ses multiples possibles au pas d’un avancement prétendu ?

Vidéodrome

David Cronenberg – 1984 – VOSTF (Canada) – 1h28
Mardi 14 mai 19h

 

« Television is more than reality, reality is less than television » – P. Oblivion dans Videodrome

Un producteur cynique de films porno cherche de quoi relancer l’excitation d’une clientèle très vite blasée par une profusion de productions lucratives et sans autre intérêt. Suite à un piratage d’ondes, il tombe sur un programme clandestin, Videodrome, qui va attiser sa curiosité jusqu’à l’obsession, bouleverser sa vie, rentrer littéralement en lui jusqu’à ce que la fiction rende la réalité elle-même fantastique, déforme les corps en même temps que la réalité du snuff-movie détruit la fiction. Ce film des débuts de la carrière de Cronenberg n’est pas seulement une explosion d’images fantastiques hybridant le corps et la machine avec une inventivité hallucinante, au service d’une critique acérée et ironique du désir d’image à l’ère télévisuelle. Il met en scène et questionne la manière dont la réalité de la souffrance et de la torture sert les exigences toujours plus intenses d’un désir de fiction que la fiction ne peut satisfaire et comment c’est l’humanité du spectateur-voyeur qui s’y retrouve déstabilisée, hybridée, détruite par cet inverse du « supplément d’âme », cette espèce de « supplément de vérité corporelle » que le désir recherche, sans fin, jusqu’à l’insupportable.

La révolution est-elle un mirage ?

Dimanche 19 mai 18h

A la suite d’un groupe de lecture autour du texte Vers les mirages, publié en 1911 dans le journal L’anarchie, écrit par Le Rétif (alias Victor Serge), il nous a paru intéressant de poursuivre les réflexions proposées par ce texte dans le cadre d’une discussion publique.

Le Rétif, dans un style très lyrique, critique radicalement les mirages que tout le monde poursuit dans ce monde et y inclut les illusions dans lesquelles de nombreux révolutionnaires tombent, notamment celle de l’attente de la Révolution, incarnée par le Grand Soir. Il amène à se poser la question du rapport des révolutionnaires à la Révolution. Est-ce quelque chose auquel on croit, qu’on espère, qu’on fait advenir, qu’on théorise, qu’on programme ? Est-ce un simple mirage qui nous empêche d’œuvrer à vivre libre ici et maintenant ? Le Rétif, bien que critiquant radicalement le sacrifice de la vie présente, réelle et sensible au nom des lendemains qui chanteront peut-être, ne considère pas pour autant l’alternative comme une possibilité émancipatrice, comme un moyen de gagner la liberté. Se demander ce qu’on attend pour être libre, c’est aussi réfléchir à ce qui nous empêche de vivre libre et peut-être comprendre que la liberté ne peut se trouver dans un « en dehors » de ce monde qui ne serait qu’une illusion et qu’il range dans la même catégorie que les arrières mondes des croyants. Vers les mirages montre assez pertinemment comme il est facile de croire avoir résolu toutes les questions révolutionnaires en pensant avoir trouvé comment s’organisera la société future, un nouveau paradis pour remplacer les paradis déchus de la religion, et comment on accèdera, ou comment on peut déjà accéder à cette société. Un mode d’emploi théorique précis qui attend simplement qu’une main d’œuvre le mette en place et qui en vient à réduire la liberté à un triste ensemble de mots d’ordres que l’on pourrait énoncer. On commence là un cycle tenace de discussions sur la question révolutionnaire qui se poursuivra au fil des prochains programmes en fonction des occasions et sous divers angles.

Suggestion de lecture : La poussière, la pourriture et le mouvement –
Contribution aux débats sur la question révolutionnaire et quelques mots sur le « nihilisme » – Aviv Etrebilal – Avril 2019

The Village

M. Night Shyamalan – VOSTF (USA) – 2004 – 1h48
Mardi 21 mai 19h

 

Un village vit isolé dans aucun lieu et aucune époque, séparé de tout monde par la peur panique de « ceux dont on ne parle pas » (« those we don’t speak of »). Un village où la peur est apprise, transmise et entretenue, nécessaire pour protéger, garder en sécurité et permettre de vivre, et empêcher tout rapport à l’ailleurs et à l’altérité. Autour de cette peur s’organisent le bien et le mal qui règlementent la vie de chacun et auxquels tous obéissent. L’obéissance y est présentée comme une condition de la survie. Jusqu’à ce qu’une nécessité plus impérieuse oblige à percer ce mur, réel et virtuel à la fois, à l’intérieur duquel tous sont enfermés. Ce thriller très réussi emmène le spectateur à travers cette peur et cette obéissance jusqu’à ce que la dystopie opère et révèle ce que ce village a de commun avec notre monde et nous fasse percevoir alors comment les rapports de pouvoir, le maintien dans l’ignorance, les constructions morales et superstitieuses opèrent pour maintenir l’existant à tout prix et à quel point l’émancipation passe par la nécessité de traverser la peur et l’angoisse, à partir du moment où on vit dans un monde qui perdure en nous faisant croire que toute altérité est dangereuse.

L’enfance dans et contre l’école

Samedi 25 mai 19h

 

Dans les précédents programmes, la question de l’école a fait l’objet d’un cycle, de textes, et bientôt d’une discussion. Parce que l’école, avec le monde, change et se transforme, que l’école « de droite » traditionnelle dont nous pouvons bien imaginer les méfaits a laissé progressivement place après mai 68 à une école qu’on peut dire « de gauche » intégrant bon an mal an des aspects non négligeables des pédagogies alternatives, et qui pose bien évidemment des problèmes différents ou pas si différents, et change la donne, en quelque sorte s’adapte et nous adapte de mieux en mieux à la bonne gestion du monde. Prétendant proposer une alternative à cette école « de droite », dure, inhumaine et, avec les élèves comme rouages, ou de la caserne, comme le disait Fernand Oury, l’école que nous connaissons aujourd’hui se trouve plus « compréhensive » de l’enfant, accompagnante, multipliant les dispositifs d’aide dite « personnalisée », cherchant à diagnostiquer et à traiter le plus tôt possible les dysfonctionnements dans les apprentissages et autres « déviances », mais elle se trouve de plus en plus insidieuse dans ses fonctionnements, elle vient regarder au plus près de l’être de l’enfant, et la frontière rendue diffuse de l’autorité ne l’abolit pas pour autant. Ces changements qui suivent l’époque nous intéressent donc, afin de complexifier le « A bas l’école », de ne pas en faire un simple slogan, mais d’analyser l’école, de la comprendre et de la penser. La question de l’évaluation, se basant de moins en moins sur les notes dures et froides mais plutôt sur les compétences et le travail, la porosité toujours plus grande entre le monde de l’entreprise et l’école, avec les stages comme grand exemple, moment où ton école t’envoie au travail tout en continuant de t’y surveiller, et ou le travail te surveille pour l’école, moment où le jeune lycéen apprend à vivre dans et pour le monde du travail, la position des professeurs, à la fois amicaux et conseillers d’orientation, punitifs et dépositaires de l’apprentissage, sont autant de pistes de réflexions, de choses dont il est important de discuter, qui sont le reflet sinon une partie primordiale de ce monde. Elles nous permettent de voir combien les vieux rapports d’autorité sont laissés intacts sous des formes d’éducation nouvelles.

A bas l’école et vive l’enfance !

Programme de mars à mai 2019

Télécharger le programme de mars à mai 2019 en A3 pour impression

  • Permanences : vendredi de 16h à 19h et dimanche à partir de 15h
  • Ciné-club : mardi à 19h
  • Groupes de lecture : dimanche à 16h30

 

Edito :

La Révolution… et vivre sans l’attendre

Le mouvement des Gilets Jaunes se poursuit, alors même que le gouvernement, habitué à ce que les mouvements se terminent à partir du moment où les médias l’annoncent, avait cette fois mis le paquet sur la com’ avec son « grand débat », victoire de la parole démocratique libérée, pour les « gentils mécontents », espérant ainsi les séparer des « casseurs » à coup d’arrestations, de procès à tout va, de peines de prison, de blessures et de mutilations. Mais rien ne s’arrête, et lors des dernières manifs, en particulier celle du 16 mars, divers épisodes émeutiers ont éclaté, notamment sur les Champs Elysées, ravagés par la casse et par de joyeux pillages, le temps d’un acte. Un mouvement dans lequel le certain et l’incertain se côtoient et dont l’intérêt (mais pas seulement…) tient plutôt à ce qui continue à y rester flou (les manières de s’organiser ou pas, une certaine rage qui s’exprime de manière multiforme…) qu’à ce qui semble maintenant bien installé dans le mouvement (le « peuple » uni comme force agissante avec ses drapeaux français et ses « ennemis invisibles », l’absence de la question migratoire sauf sous la forme de replis xénophobes assumés, les grilles de lectures populistes et conspirationnistes qui trouvent une place très inhabituelle dans un mouvement social).

Il nous semble important, dans un temps différent que celui des actes ritualisés du samedi, de prendre un peu de recul et de proposer de retraverser des questions qui se posent à ce mouvement comme à tous les autres, plus encore peut-être dans la mesure où il emprunte peu les voies royales de la contestation de feu le mouvement ouvrier, des questions propices à la mise en œuvre de la question révolutionnaire. C’est ainsi qu’on évoquera le 31 mai la question toujours ouverte (ou du moins dont il faut se méfier des tentatives de la refermer…) de ce qu’implique s’organiser ou refuser de le faire, en se demandant que faire aujourd’hui de la question de l’organisation ? Pour partir de ce qui infuse aujourd’hui nombre d’expériences existancialo-militantes, on pourra relire pour cette discussion la Tyrannie de l’absence de structure, texte phare du tournant réactionnaire des nouvelles théories de l’oppression aux Etats-Unis.

Dans la même optique, on discutera le 6 avril de la question, primordiale dans notre époque, de la réaction et de son odeur de pourri, qui gangrène aujourd’hui par tous les bouts et même les plus extrêmes un champ politique déboussolé, et dont les contours ne semblent plus à tous évidents alors même que ses caractéristiques liées au maintien de l’existant (xénophobie, autoritarisme, judiciarisme…) et à la peur de tout ce qui pourrait le transformer, sont bien identifiables. On repartira aussi de cet effet de déboussolement dont certains profitent pour agiter à nouveau de vieilles lubies léninistes pour évoquer le 11 mai la question de l’avant-gardisme sous toutes ses formes.

Et puis, le 19 mai on abordera plus frontalement la question centrale qui nous réunit, à partir d’expériences et de points de vue divers, dans cette bibliothèque, celle des perspectives révolutionnaires, en commençant par se demander si la Révolution est un mirage à partir de Vers les mirages, texte publié dans L’anarchie en 1911 et signé Le Rétif (alias Victor Serge) et d’autres contributions anciennes ou produites pour l’occasion, dans une discussion qui ouvre un cycle sur la question Révolutionnaire, qui traverse déjà l’ensemble de nos réflexions et qui se poursuivra dans les temps à venir.

En poursuivant une réflexion en cours sous diverses formes à la bibliothèque, on parlera le 25 mai de l’école telle qu’elle est aujourd’hui, des manières par lesquelles elle cherche à nous adapter à ce monde dans l’optique de trouver des biais par lesquels on pourrait l’attaquer.

  • Pour le plaisir et parce que les images du temps d’après la catastrophe que peut inventer le cinéma en disent beaucoup sur ce monde qui n’en finit pas de ne pas se détruire, on commence au ciné-club une série de projections autour du genre post-apocalyptique, pendant que se poursuit le cycle sur les Kaïju, ces créatures qui nous montrent magnifiquement comment un monde se termine. Quelques-unes des autres thématiques déjà évoquées au ciné-club trouveront aussi des échos dans ce programme, comme celle par laquelle nous avions commencé, la famille et la communauté, et leur domination de proximité mais tellement effective et pathogène.
  • Dans les groupes de lecture qui se poursuivent le dimanche à 16h, nous continuerons à lire des textes variés, en nous concentrant pour une partie des séances sur des textes autour de l’anti-psychiatrie et plus largement de réflexions autour de la folie et du soin, à repenser sans doute à l’aire du « safe » dans laquelle l’indifférence, la moquerie, le harcèlement et le « trollage » circulent bien plus que l’attention. Nous continuerons aussi à nous intéresser dans ce cadre à l’effervescence post-68, les deux sujets n’étant pas déconnectés.
  • Nous avons récemment réorganisé la distribution de livres, brochures et périodiques, nous sommes preneurs de suggestions d’ouvrages à distribuer et le catalogue est consultable sur notre site. Il est possible de commander par courrier ou mail, ou de passer à la bibliothèque aux heures où elle est ouverte pour feuilleter ce que nous avons.
  • Enfin, les permanences qui se tiennent pour cette période le vendredi de 16h à 20h et le dimanche à partir de 15h sont des moments où il est possible de nous rencontrer, de discuter de tout ce qu’on voudra ou presque, de proposer des initiatives diverses qui pourraient prendre place dans ce lieu, d’emprunter des ouvrages en prêt ou de se procurer des textes en diffusion.

Au plaisir de vous y rencontrer !

 

[Distro] Des Ruines n°3/4 (double) – Début 2019

Revue disponible à la bibliothèque

Nous recevons et diffusons :

Nous sommes heureux d’annoncer, après une longue absence, quelques complications et un travail de plusieurs années, la sortie d’un double numéro de la revue anarchiste apériodique mais loin d’être prématurée Des Ruines, au format A4 relié et avec cette fois-ci 308 pages et trois grands dossiers. Des Ruines se donne toujours pour ambition de remuer les réflexions, recherches et débats autour des perspectives révolutionnaires anarchistes et antiautoritaires ; certains débats vifs et d’actualité, certains autres intemporels ou laissés de côté et exhumés pour l’occasion. Elle a besoin de vous pour être lue et distribuée, contactez-nous.


 

On peut télécharger les quinze premières pages de la revue au format PDF (couverture + édito + sommaire) en cliquant sur la couv à gauche.

 

Voici le sommaire en image  :

Continuer la lecture de « [Distro] Des Ruines n°3/4 (double) – Début 2019 »

Brève réponse à une « attaque » discursive

« L’esprit humain est capable de tout »
Maupassant

« Les autres changent, nous on ne change pas ! »
Slogan martelé par les cortèges de la CNT des années 90

          Avis de tempêtes, « bulletin anarchiste pour la guerre sociale », publie dans son numéro 14 son avis sur la dernière brochure co-éditée par les Fleurs Arctiques et Ravages Editions : Contre l’anarcho-libéralisme et la malédiction des Identity politics. C’est dans la rubrique « Le coffre aux perles », le titre c’est « lost in space », et c’est une attaque manipulatrice, irraisonnée, haineuse, indiscriminée pourrait-on dire, non seulement d’un texte (en fait plus exactement de la traduction collective d’un texte précédée d’une introduction qui rend compte des discussions qu’a suscité ce travail de traduction au sein d’un groupe de lecture réunissant une dizaine de personnes, mais la « critique » acerbe n’en tient et n’en rend pas compte), mais aussi d’un lieu, d’un projet, et, comme le bazooka cherche aussi paradoxalement la précision dans le tir, d’une des personnes, ciblée quasi-ouvertement, qui participent à ce lieu. Alors il nous faut répondre, brièvement, parce que ce qui est dit est malhonnête, mensonger, et à vrai dire autoritaire, détestable et indigne à tout point de vue. Continuer la lecture de « Brève réponse à une « attaque » discursive »

[Brochure] Contre l’anarcho-libéralisme et la malédiction des Identity politics

Ce texte a été publié sous forme de brochure sur un site qui lui est consacré (wokeanarchists.wordpress.com) le 25 novembre 2018 par des compagnons du Royaume-Uni se présentant comme «  anarchistes auto-déterminés résistant à la cooptation de notre mouvement par le libéralisme, l’université et le capitalisme  ». Nous ne traduisons pas ce texte par communion politique fondamentale (par exemple l’égalitarisme politique et la fondation de sociétés futures ne sont pas des préoccupations pour nous), mais afin d’apporter de l’eau au moulin des débats actuels sur les questions identitaires au sein des milieux radicaux d’extrême gauche. En effet, il nous semble que cette question, qui est ici abordée sous l’angle de la manière dont les Identity politics vident l’anarchisme de son sens, concerne bien plus largement tous ceux qui s’intéressent aux perspectives révolutionnaires. Ce texte nous a aussi intéressé parce qu’il évoque courageusement, à partir d’expériences concrètes, les conséquences délétères pour l’élaboration théorique et pratique de la diffusion de ces «  idéologies de l’identité  », et la manière dont cette question fait l’objet d’une sorte de tabou discursif pendant que s’installent des pratiques d’exclusions brutales, d’accusations sans appel et de judiciarisation sans place pour la défense. Le processus décrit dans ce texte envahit depuis quelques années la plupart des aires subversives et on voit s’y développer, en même temps qu’une obsession affichée pour le «  safe  » vu comme un ensemble de principes abstraits, une indifférence à la réalité parfois terrible des relations telles qu’elles existent et circulent dans les milieux «  déconstruits  ». [Extrait de l’Avant-propos des traducteurs]

Against Anarcho-Liberalism and the curse of identity politics, 25 novembre 2018. Traduit, introduit et annoté de l’anglais de Woke Anarchists par le groupe de lecture des Fleurs Arctiques (bibliothèque révolutionnaire à Paris) et Ravage Editions, décembre 2018.

Brochure téléchargeable ici et physiquement disponible à la bibliothèque.

Street Trash

Jim Muro – 1987 – USA (vost) – 1h40
Mercredi 12 décembre 19h30

Avec son mauvais gout assumé, son lumpenprolétariat urbain dézingué, ses clochards fondus, ses punks psychopathes, son Amérique décompo-reaganisée et post-guerre du Vietnam, ses couleurs fluos omniprésentes, ses eighties plus dégueulasses que jamais, ses situations et personnages cartoonesques et gore, et sa maitrise technique inattendue (plans en steady-cam à la fois ultra-efficaces et novateurs – son réalisateur, dont c’est ici l’unique film, deviendra par la suite le Mr Steady-cam d’Hollywood chez Scorcese, Cameron, etc.), ce film, aujourd’hui connu seulement de quelques forcenés du cinéma bis et d’esthétique Thrash metal de la fin des eighties (dont l’imagerie semble directement sortie de ce film), est un film culte à mettre entre toutes les mains averties.
A la fois burlesque, satyrique et gore, dans la lignée d’Evil Dead (Sam Raimi, 1981) ou Braindead (Peter Jakson, 1992), ce film fauché mais méticuleux, participe de ce cinéma de bricolage transgressif et subversif par la finesse étrange de critiques sociales cachées sous des litres bourrins de tout ce que ce monde tient comme aux antipodes de cette même finesse, comme douteux, ignoble, indélicat, immoral et subversif. Non loin du cinéma de John Waters (sur lequel nous nous pencherons prochainement dans ce ciné-club), nous sommes ici projetés dans la vie de deux jeunes clochards vivant dans une décharge, dans laquelle tout le monde veut leur peau (et dans ce film, tout le monde veut la peau de tout le monde), et dans laquelle vient de commencer à se diffuser un nouvel alcool, le « Viper », liquéfiant immédiatement ses consommateurs et provoquant la mort dans des explosions visuelles imprévisibles et inoubliables. Des points de vue sur l’alcool, la normalité la misère sociale et le dénuement humain qui rappelleront la projection de Wake in Fright lors d’un cine-club endiablé et de joyeuse mémoire à la bibliothèque.