L’écologie révolutionnaire est-elle ?

Vendredi 19 novembre 19h

Vendredi 26 novembre 19h

 

Depuis les années 70 et l’invention de « l’écologie politique », la question écologique s’impose dans les débats politiques, aussi bien parlementaires qu’extra-parlementaires, de plus en plus sous la forme de l’urgence et du catastrophisme. Tous les différents partis qui se disputent le pouvoir d’État s’en emparent, une tendance croissante du capitalisme évolue dans le sens d’un capitalisme vert pour pouvoir continuer sa bonne marche, pour préserver l’exploitation du vivant dont il a besoin pour maintenir son bon développement. La technologie et l’industrie se transforment dans ce sens en tendant leurs bras vers les étoiles pour y trouver de nouveaux horizons à coloniser. Le débat écologique, largement et faussement présenté comme détaché du terrain politique et baignant dans une neutralité bizarre de l’évidence est pourtant bien un débat construit, codifié, souvent réactionnaire dans le mouvement qu’il cherche à opérer dans l’histoire et progressiste dans sa réalisation, et comme les autres idéologies ses implications, perspectives et pratiques doivent être discutées et non pas ingérées aveuglément. En effet l’écologisme possède aujourd’hui  de nombreuses tensions et tendances, avec ses droites, ses gauches, ses réformismes et ses radicalités. Et quelque part dans ce foisonnement de perspectives essaye de se dégager une position subversive qui avance que la préservation de ce qui vit est une perspective souhaitable mais qu’elle nécessite la destruction de l’État et du capitalisme. La réflexion autour du rapport entre l’humain et la « Nature », notion elle même discutable, et le reste du monde vivant, n’est d’ailleurs pas nouvelle du tout, puisqu’en philosophie où chez des penseurs révolutionnaires classiques comme Bakounine ce sujet est travaillé de nombreuses manières, même si il ne s’appelle pas «éco» et que cette approche classique comporte sûrement d’intéressantes différences avec l’approche moderne que nous pouvons côtoyer aujourd’hui. C’est pour mettre en question cette position à prétention radicale que nous proposons de discuter aux Fleurs Arctiques d’un possible (ou non) écologisme révolutionnaire, pour discuter ensemble de ce que cette position apporterait (ou non) à l’élaboration collective d’un monde sans maîtres, des formes de conflits qu’elle aura pu susciter concrètement dans l’histoire des luttes et de ceux qui la traverse.

Les élections c’est de la merde, vive l’insurrection !

vendredi 22 octobre samedi 23 octobre à 19h

L’approche des élections présidentielles agite le débat parlementaire, et certains endroits de la gauche radicale se prêtent au jeu, appelant à faire « barrage à l’extrême droite ». Nous proposons de discuter de la place et de la pertinence d’un discours anti-politique et extra-parlementaire pendant la période électorale, aussi contre le développement des idées nationalistes et patriotiques qui reprennent aujourd’hui du poil de la bête dans les débats publics comme dans les luttes et les mouvements sociaux. Nous parlerons également des marges que créent ces discours, des révoltes et des refus qui peuvent s’exprimer et de comment appuyer, amplifier et faire exploser ces derniers pour enfin en finir avec ce monde de politique et de domination.

Cliquer sur l’image pour télécharger l’affiche

(Malgré les informations sur l’affiche, la discussion a bien lieu le samedi 23 octobre à 19h, pas le 22 octobre)

Les campagnes présidentielles pour 2022 ont bien débuté en France, les différents partis se placent sur l’échiquier parlementaire, le jeu politique s’organise, relayé par les médias. Ce qui gagnera ces élections, comme les précédentes et les suivantes, au delà de tel ou tel candidat, c’est la Démocratie, c’est l’État, c’est le capitalisme. Dans un air du temps bien vicié par diverses effluves nauséabondes, les vieilles recettes s’adaptent à la conjoncture du moment, et chacun cherche d’abord à tirer son épingle du jeu. Ainsi la montée réelle de l’extrême droite donne aux grands partis en mal de voix l’occasion de lancer des appels au « front commun » pour « faire barrage à l’extrême droite », histoire de limiter la dispersion des votes et de se forger la légitimité permise par l’agitation de l’épouvantail de l’extrême droite au second tour. Comme souvent, l’extrême gauche, et même la plus radicule, s’engouffre dans cette brèche et nous pouvons déjà les observer se joindre aux appels habituels à l’unité de la gauche. D’autres, moins naïfs sans doute, renouvellent inlassablement les appels idéologiques à l’abstention, au point d’en faire des campagnes quasi-electorales aux ambitions équivalentes. Alors, si l’appel à la désertion ne suffit pas, quelle place l’intervention révolutionnaire peut-elle trouver dans ces périodes préélectorales ? Doit-on simplement s’en insoucier, faire autre chose, continuer comme si de rien était ? Ce qui se joue quand la démocratie renouvelle ses instances nous donne-t-il des occasions d’intervenir ?

Il est important de donner de l’espace à un discours anti-politique, loin de la sphère parlementaire puisque la question est bien d’en finir avec ce qui nous gouverne et non pas la négociation de meilleures conditions de domination. Une spécificité de la période, électorale bien sûr mais aussi plus largement, est le développement (ou le retour en force) du patriotisme, omniprésent dans les discours officiels à gauche comme à droite et de plus en plus diffus dans les luttes, il est partout. Il vient soutenir certains des fondements de la forme étatique qui gouverne aujourd’hui, la Nation, la République et la Démocratie.

Mais les tensions sociales en cours vont également créer des marges, des exclus, des en-dehors, qui peut-être trouveront des moyens pour se révolter et exister en confrontation avec la machine étatique, comme pendant les émeutes qui ont suivi l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007. C’est de cet aspect que nous proposons aussi, en plus de ce qui est avancé précédemment, de discuter, puisque c’est peut-être en ces temps que des révoltes anti-parlementaires auraient la possibilité de développer des pratiques, des pensées et des capacités d’interventions concrètes pour appuyer, accompagner et amplifier le refus et la colère des marges à l’encontre de la société et de sa normalité policière.

Comment exprimer une critique révolutionnaire fondamentale de la démocratie dans un moment où la parole raciste, nationaliste et identitaire se répand toujours plus et reçoit un écho historique dans les bulles électorales et sondagières ?

Finalement, on se demandera comment soutenir la pensée et les pratiques insurrectionnelles et révolutionnaires qui voudraient bien émerger de ce merdier global et comment appuyer les révoltes au moment où, malheureusement, ce qui se partage le plus communément est l’éternel chemin de croix de la réforme et de l’amélioration de l’existant.

La bibliothèque durant l’été

Durant les mois de juillet et d’août, la bibliothèque Les Fleurs Arctiques suspend ses activités. Nous nous retrouverons donc en septembre avec un nouveau programme. D’ici là, les groupes de lectures, les discussions, les permanences et les ciné-clubs sont donc suspendus.

Cependant, s’il devait y avoir des évènements ou des ouvertures ponctuelles extra-programme, vous serez prévenus par la liste mail (envoyez-nous un mail pour y être inscrit) et par le site.

Les commandes de distro par mail ou par courrier sont toujours possibles.

Les Fleurs Arctiques.

Programme de l’été

La bibliothèque fermera ses portes pour la période estivale à partir du jeudi 8 juillet. N’hésitez pas à nous contacter au besoin sur lesfleursarctiques@riseup.net pour une ouverture exceptionnelle en juillet ou en août.

Jusque là, les permanences du mercredi d 15h à 17h et le groupe de lecture le dimanche à 15h30 continuent, et nous vous proposons une projection discussion sur la crise sanitaire et les diverses angoisses que celle-ci a pu provoquer et une séance du ciné-club où l’on regardera la mini-série animé Crisis Jung.

Crisis Jung

Baptiste Gaubert/Jérémie Périn – 2019 – France – 70′

Mercredi 7 juillet à 19h

Tout part de l’histoire de Jung et Maria, amoureux, pris dans une relation complètement niaise dans une sorte d’Eden. Mais tout ce beau monde s’écroule quand Maria meurt. Jung se retrouve dans une terre dévasté peuplée de personnages monstrueux dont le sexe est une tronçonneuse. Il va alors devoir affronter ses angoisses incarnées par diverses engeances, déféquées par « Petit Jesus » une énorme masse rose trônant dans un décors en ruine. S’en suit des combats et chaque fois que Jung perd contre un de ces monstres, il se retrouve projeté et enfermé dans une main, allongé dans le noir et va alors se livrer à une voix pour revenir plus puissant dans ces affrontements et régler une à une ses névroses. Tout cela prend place dans un univers graphique très flashy aux monstres tous plus délirants les uns que les autres, avançant à l’instar d’une tragédie petit à petit vers l’affrontement entre petit Jesus le surmoi et Jung. Il s’agit ici d’une série d’animation mêlant post-apocalyptique et psychanalyse, elle poursuivra également les réflexions sur ces genres commencées avec les films Mad Max Fury Road de George Miller ou Nausicaa de la vallée du vent de Hayao Miyazaki, cette fois-ci abordant la question de l’apocalypse psychique. Crisis Jung nous invitera à penser notre rapport aux autres, à nous mêmes, ces réflexions pouvant peut être servir d’esquisse à des bases d’affinités anti-autoritaire.

La crise sanitaire et l’état de notre urgence

Mardi 6 juillet à 19h

La bibliothèque invite Pierre Merejkowsky pour une soirée de projection/discussion au cours de laquelle on pourra revenir sur la sinistre conjoncture actuelle, sur la manière dont les formes d’angoisse de toutes sortes qu’elle génère (qu’on pourrait dire aussi bien autoritaires que libertaires) peuvent traverser toutes les dimensions de la vie jusqu’aux formes de révolte et aux mouvements sociaux, et sur les possibilités émancipatrices qu’on peut néanmoins y déceler.

 

Lecture d’un  extrait de la brochure Gilets Jaunes et Complot. Complots et Gilets Jaunes de Merejkowsky (3 minutes)

Projection du film Il n’y a plus de comité central (1 minute 15) de Merejkowsky

 Au début, je me suis dit que les gilets jaunes comme le virus bouleversent par leur absence de comité central les règles de la productivité et de l’exploitation

Et puis je me suis dit que ce fantasme de l’invisibilité auto organisée était semblable au fantasme d’une minorité parfaitement identifiable agissant secrètement pour nous asservir.

Ce moment de discussion  sera état de notre urgence et acte collectif désintéressé .

 

Seul contre tous

 Gaspard Noé – 1998 France – 93’

Lundi 14 juin 19h

« Vous avez 30 secondes pour abandonner la projection de ce film ». On suit le parcours nihiliste d’un ex-boucher sorti de prison pour avoir agressé sexuellement sa fille, prêt à « remettre les compteurs à zéro », c’est à dire assouvir son désir de vengeance, on ne sait plus bien contre qui, avec les quelques balles qu’il trimballe (on ne sait jamais vraiment si elles sont pour lui ou bien pour tout le monde). On se retrouve donc embarqué avec cet homme qui marche tout le temps, qui marmonne des insultes contre tout le monde, qui porte en lui une violence, une xénophobie, une haine contre tous qui se trouve au final aussi choquante et sombre qu’elle n’est banale et, finalement, réciproque. Cette plongée à la première personne dans la psyché macabre et perverse de ce français « sans histoire » est dégueulasse, on y retrouve le sadisme, l’inceste et le viol qui sont partout ailleurs dans la société, mais qui ne sont en lui, pas dilués. L’amour peut-il émerger dans un tel monde ? Ce film ne propose aucun espoir pour rassurer et montre certains des recoins les plus terribles de la société française et humaine. Le cinéma de Noé dit et montre des horreurs, il choque, peut-être trop parfois (vous êtes prévenus), mais il dit toujours, en quelque sorte, la vérité. Ne venez pas.

Programme de mai-juin 2021

Le nouveau programme de la bibliothèque Les Fleurs Arctiques est désormais disponible. Vous pouvez le lire ici en ligne en cliquant sur l’image mais vous pouvez aussi le trouver imprimé au 45 rue du Pré Saint-Gervais dès la permanence de ce mercredi 26 mai.

  • Permanences : mercredi de 15h à 17h30
  • Ciné-club :  lundi ou vendredi 19h (voir à l’intérieur)
  • Groupes de lecture : dimanche à 15h30

Edito

Alors que le gouvernement a forcé un retour « à la normale » du travail et des écoles en faisant miroiter une sortie prochaine de la crise sanitaire qui nous rendrait à la formidable « vie d’avant le virus », on voit bien que le mouvement entamé depuis la rentrée, et qui se poursuit aujourd’hui, c’est l’optimisation du point de vue de l’Etat et du Capital de cette « vie avec le virus » qui a été imposé en passant par l’acceptation du risque de la contamination au nom du bon fonctionnement de l’économie, et la normalisation d’abord des 15 000 puis 30 000 cas par jours, 5 000 personnes en réanimations et plusieurs centaines de morts quotidiennes. La seule limite a donc été l’état de « tension » des urgences, donc la limite objective de la gestion sanitaire pour éviter une « catastrophe » purement gestionnaire qui n’a rien à voir avec les conséquences réelles du virus sur nos vies (décès, mais aussi covids longs, et conséquences à long termes, y compris sur les enfants, dont personne ne mesure l’ampleur et la durée).

La bibliothèque, qui a maintenu ces derniers temps un fonctionnement d’ouverture minimale (permanences groupes de lecture), en faisant attention du mieux que nous avons pu à ne pas contribuer à la propagation du virus, programme prudemment des activités plus ouvertes : toujours les permanences et les groupes de lecture, mais aussi des discussions et des projections, sous réserve d’aléas liés à l’épidémie (il faudra consultez le site où nous mettrons le programme à jour).

Plusieurs discussions ou pistes de travail prévues ces dernières temps on dû être laissées en plan et plusieurs discussions prévues ont été annulées, on propose donc d’en reprendre certaines, avec trois discussions que nous espérons les plus publiques possibles. La première aura lieu le 28 mai à 19h autour de la question du bonheur, et de la place qu’il y aurait ou pas à lui donner dans le cadre des perspectives révolutionnaires. Ensuite le 4 juin à 19h, à une époque où les raisons sont nombreuses de s’installer dans des formes de replis toujours plus ou moins misérables, qu’ils soient familiaux, affinitaires ou communautaires, et de se satisfaire du confort relatif des cercles qui font milieux, on se demandera si un milieu peut être révolutionnaire. Enfin le 18 juin à 19h on reprendra le fil d’une réflexion sur la question de la violence révolutionnaire qui avait déjà fait l’objet d’une première discussion le 24 janvier 2020, en questionnant la puissance, l’impuissance et le courage révolutionnaire..

Deux séances de ciné-club sont prévues à partir du mois de juin, la deuxième marquera une première approche de la question des rapports entre art et subversion. Les groupes de lecture se dérouleront le dimanche à 15h30 et accueillent tous ceux qui veulent s’attacher à lire et discuter de textes dont certains se poursuivent sur plusieurs séances, et d’autres sont choisis parmi les propositions des participants du jour. Enfin lors des permanences, on peut venir se renseigner sur le projet, discuter de choses et d’autres, amener des propositions, des nouvelles, emprunter des documents ou se procurer des livres ou brochures que nous distribuons.

Docteur Folamour

Stanley Kubrick – 1964 – VOSTF (USA) – 95’

Lundi 28 juin à 19h

Ah, la bombe atomique… Comment ne pas l’aimer ? Surtout pendant la guerre froide ! Au fond, le problème avec la Bombe, c’est que tout le monde ne l’aime pas autant que le colonel Ripper. Il faut le comprendre aussi: Quand vous avez une base aérienne, des pilotes, des bombardiers B-52 promenant des bombes à hydrogène à toute heure du jour et de la nuit, il faut dire que ça démange. La dissuasion ? Mais la dissuasion c’est l’attaque! Lorsque le colonel apprend une surprenante conspiration, (les soviets auraient pour volonté de polluer les “fluides corporels américain” à la fluorine), c’est la goutte qui fait déborder le vase. Ripper sonne le branle bas de combat et se met à jouer des pieds et des mains avec un sens du double jeu digne de Machiavel afin de pouvoir (enfin) lâcher cette satanée bombe sur les rouges. Fort heureusement, un subordonné de Ripper, l’officier Mandrake, n’est pas dupe des machination de son supérieur et se met en devoir d’empêcher cette pulsion délirante. Dans ce film au pur style de Kubrick, le sérieux, l’absurde et la folie sont mêlés avec subtilité et les personnages, parfois caricaturaux, parfois sensiblement névrosés se retrouvent entraînés dans une danse macabre et apocalyptique vers, qui sait, la fin du monde ?

Puissance, impuissance et courage révolutionnaire

Vendredi 18 juin à 19h

 

Dans le cadre du cycle sur la violence, nous proposons de prendre ici les choses par un autre bout, peut-être plus individuel ou existentiel, mais pas seulement. Si dans notre contexte désactivé c’est un phénomène en recul, l’esthétisation et l’héroïsation des pratiques et des personnalités révolutionnaires reste un des écueils fondamentaux des mouvements révolutionnaires. Détruire les symboles, les mythes, les panthéons et les martyrs du pouvoir pour les remplacer par d’autres ne pourrait pourtant qu’insatisfaire quiconque penserait comme primordiale la part destructive et donc réellement disruptive du projet révolutionnaire. Aujourd’hui cette folklorisation1 de la violence révolutionnaire – pour mieux la conjurer – est l’œuvre des militants eux-mêmes, et on peut affirmer tranquillement qu’elle est proportionnelle à l’absence de pratiques révolutionnaires réellement tranchantes, auxquelles on préfère aujourd’hui un petit quotidien militant (réel ou virtuel, on peut désormais militer sur son smartphone) qui ne diffère en rien ou presque de celui du militant réformiste pépère, voire de la normalité de ce monde, puisque les beaux discours, les slogans très radicaux et les likes endiablés n’ont jamais fait tomber un seul mur ici-bas. Bien qu’une révolution des petits gestes sans violence soit un rêve qui embrasse volontiers le ridicule christique dans toute sa reddition, l’exercice de la violence dans des cadres pacifiés comme celui des démocraties actuelles2 ne s’en retrouve pas moins relégué à une antiquité, en tout cas, il passe pour beaucoup moins « naturel » qu’il pouvait y paraître dans des sociétés et des époques bien plus marquées par l’agitation, l’imaginaire et la violence révolutionnaires. Il faut désormais du courage (et sans doute un peu de ce que la norme appelle « folie ») pour entreprendre de se mettre en jeu dans l’attaque d’un monde où ne se trouve même plus le courage de blasphémer, de « blesser » ou d’indisposer nos oppresseurs, auto-réprimés que nous sommes par toutes sortes de nouvelles théories farfelues véhiculées par l’université et adoptées parfois jusqu’au sommet de l’État, et disculpant ainsi les responsables réels de ce monde ignoble pourtant dénoncé par les révolutionnaires depuis des siècles3 : le principe de l’État, l’idée de Dieu, de destin et de « Nature », le pouvoir et le Capitalisme. On préfère alors s’attaquer localement aux uns et aux autres dans la minutie des rapports sociaux et des comportements qu’ils entretiennent ensemble autour de soi, oubliant que nous sommes globalement plus de sept milliards d’individus (et plus encore de rapports) à réprimer et que le réformisme comme la répression sont des impasses fondamentalement contre-insurrectionnelles… On en viendrait à croire que pour se libérer, il suffirait de tuer un oppresseur, et donc de se tuer soi ou son voisin, puisque nous le serions tous. On sait pourtant déjà sur la question dite « écologique » que ce n’est pas en assainissant par la répression des mœurs ou la culpabilisation morale le « bilan carbone » de Jean-Pierre et Marie-Paulette de Livry Gargan qu’on sera en mesure de préserver la Terre des pollutions humaines, alors quoi ? Cette prédation morale, cabalistique et cannibalesque est à vrai dire effrayante, et bien tout le contraire de tout courage révolutionnaire. Il nous faut réorienter nos flèches vers le pouvoir. Il nous faut attaquer ce monde, ses fonctionnements, ses responsables et ses rouages – ils ont des noms et des adresses – plutôt que de compenser nos frustrations par la surveillance morale, le contrôle social diffus et la répression normative des autres individualités mutilées de ce monde, sinon nos mots sont à jamais creux et nos perspectives à jamais lâches, indifférentes et faibles. Une fois cela dit, il resterait à se contenter d’attendre la venue d’un surhumain messianique délivré de la peur d’agir et des enjeux mortifères de l’époque, et floqué d’un sens absolu du devoir et de l’abnégation, ou bien nousmêmes à affronter ce qui nous maintient enchaînés dans des représentations faibles et impotentes de nous-mêmes pour pouvoir attaquer ce monde de façon diffuse et permanente. Sans panache, sans espièglerie, sans férocité et sans courage (qui peuvent tout aussi bien être des caractéristiques individuelles que collectives), il semble vain de vouloir détruire ce monde. Comment les trouver, comment les retrouver ? Quelle est cette castration sociale et civilisée qui nous intime de ne pas rendre les coups, et qui la plupart du temps y parvient ? Comment comprendre et traverser la peur que l’hostilité de ce monde peut provoquer et qui n’est pas forcément si contradictoire que ça avec le courage, tout autant que la peur de ce que nous pourrions faire de notre liberté ? Comment tuer le gendarme dans nos têtes ? Comment hacker le logiciel des dispositifs stérilisateurs du Surmoi ? Comment permettre l’élévation du niveau de la violence révolutionnaire asymétrique sans se reposer sur la délégation circonscrite de la pratique à des « professionnels » de la chose, leur délégant également le courage pourtant nécessaire à tout bouleversement, personnel comme révolutionnaire ? La peur, le courage, la lâcheté, la violence, compagnons, camarades, discutons-en vraiment, en laissant les belles postures à l’entrée.

1 Voir par exemple le travail critique effectué à la bibliothèque contre le piètre documentaire « Ni dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme » (de Tancrède Ramonet, Arte, 2016)

2 Dans lesquelles la violence se voit restreinte à un monopole exclusif, moral et physique des forces de l’ordre et de l’État (ainsi que le droit au port d’armes à feu et la permission de tuer), et dans un cadre privé de la famille, du groupe social et de la communauté, sous peine de sanctions parfois « violentes ».

3 Encore une preuve de l’incongruité des « lanceurs d’alerte », des logiques de « révélations », de « Callouting », du prosélytisme, des belles paroles et du « dévoilement », s’il en fallait.