Vendredi 28 mai à 19h
«Selon moi, ce sont des chamailleries de cour de récréation. Je ne veux pas que ça dégénère, ça me ferait trop mal au cœur. Les deux entités peuvent cohabiter.» Jean-Louis Baudet, secrétaire du comité bouliste départemental de l’Yonne
L’injonction au bonheur est incontestablement l’un des piliers de la démocratie capitaliste qui nous gouverne. Heureux au travail, heureux dans le mariage, heureux dans la famille, heureux dans la paix sociale. La où les révolutionnaires de toutes sortes n’acceptent pas les présupposés de ce monde, le bonheur capitaliste ne devrait pas y échapper.
Pourtant, la tension vers l’émancipation de toutes et tous, vers la liberté, semble être largement perçue comme un synonyme immédiat de bonheur et de joie. Mais cela n’est-il pas en réalité relativement contradictoire avec la lutte sans concessions contre l’Etat ? Dans les faits, contester l’existant et tenter d’en ébranler les fondements n’est pas toujours « plaisant ». Le risque de la prison, de la précarité et de l’isolement social sont autant de choses qui se chargent de rendre difficile et souffrante l’activité à prétention subversive. Si jamais la perspective ultime que nous retrouvons à porter deviens notre propre bonheur et le contentement des individus, ne risquons nous pas de perdre au passage de notre subversivité face aux difficultés matérielles et émotionnelles qu’implique la mise en pratique de l’idée révolutionnaire ? Par ailleurs, gardons à l’esprit que les géants de ce monde s’organisent déjà pour nous rendre heureux et pacifiés. Elon Musk et sa société Neuralink, par exemple, développent aujourd’hui des puces électroniques reliées aux neurones de singes, destinées à rayer de l’être humain toute espèce de « dysfonctionnement mental » comme la dépression, l’angoisse ou même l’autisme (sic). Une utopie fondamentalement répressive, ou tout le monde est heureux dans le meilleur des mondes capitalistes. Si jamais nous en venions à un tel stade d’aliénation que nous reproduisions cette injonction au bonheur et à la paix dans nos quotidiens, dans nos entre-sois bien organisés, ne serions nous pas entrain d’aller dans une impasse, à tenter de subvertir le monde en en acceptant les présupposés les plus fondamentaux ? Et si le bonheur devient la préoccupation permanente, qu’adviendra-t-il des souffrants, des déséquilibrés, des pessimistes, des malheureux, de tout ceux qui viendraient entacher la joie et le plaisir des joyeux révolutionnaires ? Dans cette époque postmoderne ou le contentement des individus prévaut à l’espoir révolutionnaire, ou le retranchement sur soi et sur celles et ceux qui nous ressemblent se généralise, la défense du conflit, du sérieux et de l’insatisfaction semble importante. Il est aussi important d’avoir à l’esprit que l’on peut bien évidemment trouver un versant opposé à cette course au bonheur, car tout les gauchismes se reconnaissent et s’alimentent. L’injonction au malheur, la vertu du mal-être, le refus de soigner ce qui fait souffrir, autant de perspectives désespérées et désespérantes que certainement nous ne voudrions pas voir généralisées et diffusées dans nos aires à prétention subversives.
Entre nihilismes désespérés et utopismes libéraux, entre fanatisme guerrier et désintérêt frivole, il faudra bien trouver un passage pour la révolte et l’espoir, pour que soient dépassés nos utopismes et nos nihilismes, pour la Révolution. C’est dans ce sens que nous proposons de réfléchir, avec une question qui pourrait se résumer comme ceci : La recherche du bonheur peut-elle être prise comme une perspective révolutionnaire ?