Vendredi 21 janvier 19h
Saboter la machine judiciaire implique de comprendre comment fonctionnent ses rouages quand elle s’exerce, comment elle peaufine ses engrenages pour mieux nous broyer. Alors il nous a semblé pertinent de proposer des occasions de pratiquer ensemble des démontages, en se donnant le loisir d’accorder collectivement toute notre attention à des déconstructions aussi méticuleuses que possible d’affaires judiciaires précises, passées ou actuelles, pour mieux se préparer à affronter la justice et la répression quand nous nous retrouvons contraint de le faire.
Chaque affaire est singulière, et toutes ou presque pourront nous intéresser, qu’elles aient défrayé la chronique, marqué l’Histoire ou qu’elles participent d’un fonctionnement quotidien d’une justice toujours trop près de la vie de tout un chacun, et on espère que comprendre ces affaires spécifiques nous permettra d’en savoir plus sur le fonctionnement de l’ensemble du dispositif, et de trouver comment s’y opposer.
Concrètement, on propose un rendez-vous régulier et public (une fois par programme) pour plonger ensemble dans une affaire choisie préalablement selon les propositions ou occasions, et sur laquelle ceux et celles qui voudront le faire se seront penché en amont, à partir des documents et informations qu’on peut réunir selon les cas, pour restituer aux autres à la fois la construction de l’accusation et la stratégie de défense choisie ainsi que la manière dont elle s’est élaborée. On pourra ensuite tous discuter à partir de ces éléments, en s’inspirant des formes de prises en charge collective des défenses qui se sont développées dans les suites de mai 68, par exemple, mais sous une forme « désactualisée », hors des enjeux immédiats d’une défense réelle en cours. Pas besoin de connaissances spécifiques préalables, bien sûr, pour participer, d’autant plus que le point de vue que nous choisirons d’adopter c’est celui de tous ceux et touts celles qui peuvent se retrouver face aux tribunaux et qui ne sont pas prêts à laisser la machine judiciaire les broyer, et pas celui des spécialistes ou relais de la justice auquel trop souvent le champ libre est laissé, parce que tout est fait pour nous conduire à le leur abandonner. Il s’agirait donc au contraire de s’habituer à ne plus déserter le champ de l’élaboration collective, et de chercher à donner un sens concret à la notion de défense collective ».
Pour la première de ces séances qui aura lieu le vendredi 14 janvier, on a choisi de se pencher sur un le procès de Marinus Van Der Lubbe, militant conseilliste condamné à mort pour « incendie criminel couplé à une tentative de renverser le gouvernement » pour avoir incendié le Reichstag à Berlin la nuit du 27 au 28 février 1933, juste après la nomination d’Hitler à la chancellerie. En plus d’une étude de l’affaire elle-même (dans laquelle ses 4 co-inculpés, tous militants du Parti communiste allemand, ont été relaxés), c’est la place historique qui a été donnée à ce procès au fil du temps et des enjeux politiques, et la manière dont il a été relu, parfois jusqu’à la manipulation, par l’Etat nazi d’abord mais aussi par les démocraties de l’après-guerre et par le Parti communiste, les uns cherchant à le réduire à un coup de folie ou à accréditer la thèse d’un complot des nazis eux-mêmes. Nous chercherons donc à comprendre comment la « vérité judiciaire » s’est construite et comment elle a été déformée et transformée au gré des besoins politiques et idéologiques des uns ou des autres, toujours dans la perspective de vider l’acte de son sens et de sa portée subversive.