Vendredi 25 mars 19h
Le coup de communication récent porté par le groupe politique Akira (débutant sur une annonce volontairement douteuse – oscillant entre la possibilité sérieuse et la blague – de candidature masquée aux élections présidentielles de 2022 et créant une plateforme téléphonique et informatique pour «rejoindre la révolution» à coups de formulaires examinés par de probables managers qui peuvent par la suite inviter les recrues à être formées…et à récolter des jouets pour Noël) n’a évidemment rien à faire dans l’histoire révolutionnaire. Nous pensons cependant que les révolutionnaires ont à réfléchir aux propositions politiques qui n’empruntent à la révolution que le nom et le potentiel de séduction.
Alors, qu’à l’avenir Akira vote pour Akira ou non, que Akira soit au final un flop total concernant trente personnes, ou une structure qui pèse dans la tentative de recomposition de la gauche en brassant de plus en plus de recrues sélectionnées, cela nul ne peut le savoir pour l’instant, mais, par contre, ce à quoi nous pouvons réfléchir dès à présent afin de forger des outils de critique révolutionnaire aujourd’hui nécessaires, c’est que Akira, qui s’organise de manière relativement semblable aux militants écologistes de Extinction Rebellion, partage avec ces derniers quelque chose que la révolution abhorre mais ne doit pas cesser de comprendre pour mieux le combattre : le Parti, sous sa forme XXIème siècle renouvellée.
Le Parti politique, qu’il soit bourgeois et parlementaire ou qu’il ait voulu organiser la révolution sous sa forme bolchévique, tient sa structure de l’organisation militaire, sous une forme plus ou moins ouvertement paramilitaire selon les contextes et les objectifs qu’il se donne : une hiérarchie, avec tout en haut un chef entouré des membres aguerris de son Etat-major, se dotant des moyens et du pouvoir d’organiser une large brassée d’exécutants – les militants du Parti. Les critiques de l’autorité, de la hiérarchie et par conséquent de la forme Parti qui ont essaimé au cours du XXème siècle et qui ont été assez largement partagées et diffusées en mai 1968 et dans les années qui ont suivi, a forcé la plupart des Partis politiques toujours avides de se mettre au goût du jour à se réformer. Aucun Parti constitué autour d’un chef et d’un Etat-major ne saurait séduire grand monde de nos jours. L’Armée même, avec ses campagnes de publicité et son retour dans la vie quotidienne des lycéens avec le Service National Universel bientôt obligatoire, joue le jeu de la forme «individualisée» où chaque paire de bras est soit-disant choyée selon sa subjectivité et ses préférences, où la hiérarchie se présente plus sous sa forme démocratique et entrepreunariale (tout le monde a en théorie le droit de se fliquer et de se dénoncer, notamment) que sous sa forme traditionnelle militaire. Alors, dans l’Armée française, dans Akira, dans Extinction Rebellion comme dans En Marche, un petit air de start up rajeunit et veut séduire. Armé du pouvoir de la communication, par des standards téléphoniques, des plateformes internet, les appelistes et Extinction Rebellion se dotent des moyens d’entreprise, faisant du marketing de la lutte en invitant ceux qui se sont inscrits à des formations et des évènements adaptés à leur profil de militant. Nous souhaiterions en partie réfléchir à ces nouvelles formes d’organisations autoritaires, surtout quand elles se présentent comme radicales. C’est une façon de poursuivre notamment la réflexion ouverte sur le léninisme et sur ses survivances dans le précédent programme, cette fois-ci par-rapport au contexte des élections présidentielles propice au renouvellement de tous les Partis…
Mais aussi, les militants d’Akira citant le Comité Invisible comme principale source théorique (qui par ailleurs avait déjà tenté une «campagne-révolutionnaire» avec le fameux (?) : «2017 n’aura pas lieu»), nous pourrons poursuivre une critique de l’Appel, en cherchant à penser en quoi est-ce que cela n’est pas anodin que la théorie avant-gardiste de ce texte accouche aujourd’hui du marketing Akira qui joue, par ailleurs, sur une esthétisation de la révolte et un imaginaire «pop-culture». Des costumes singeant ceux de Matrix jusqu’au nom : Akira, tout est fait pour jouer sur une représentation de la révolte en proposant un léninisme mixé à des cours d’école de commerce. Retracer cette généalogie (de l’Appel à Akira), replacer Akira dans un contexte historique et militant, c’est justement refuser ce que la perspective appeliste produit : l’effacement de l’histoire révolutionnaire. A une heure où il est crucial de réaffirmer des positions révolutionnaires, de penser et repenser la révolution à partir d’hier et de maintenant, lui redonner du sens, combattre toute récupération léniniste et marketing surfant sur la perte de vitesse de celle-ci durant ces dernières années semble vital, de Monoprix à Akira. Cette discussion sera donc l’occasion de réinterroger encore une fois notre héritage révolutionnaire, intrinsèquement lié à l’histoire des révoltes contre le léninisme et l’avant-garde.