Jeudi 21 septembre 2017 à 19h30
Sorti de l’imaginaire fertile de Shinya Tsukamoto, cette tempête esthétique à la fois hystérique, éprouvante et jouissive est aujourd’hui considérée à raison comme le plus beau joyau du cinéma underground japonais et du dit « cyberpunk ». On y raconte l’histoire d’un homme qui, après un accident de voiture, voit son corps muter en une sorte d’aimant ramassant tous les détritus métalliques de la société, comme une décharge vivante, mouvante, pensante et torturée par sa condition. C’est le récit de la transformation physique du corps humain face aux nouvelles technologies, de corps qui s’atrophient jusqu’à intégrer des cellules de synthèses au sein de leurs cellules organiques, pour finir par devenir robots. La technologie est ici objet de désir sexuel, on se l’insère, tout en étant porteuse de fin de l’humanité (mais pas forcement des humains). Métaphore de la rapidité rêche du capitalisme et de la monstruosité industrielle, fascination érotique et philosophique pour les modifications corporelles (à la manière de David Cronenberg), ode à la déviance, le film est une expérience formelle, avec son noir et blanc, ses collages, sa légendaire bande son industrielle, son montage expérimental et ses maquillages iconiques, Tetsuo fait donc réfléchir aux processus de machinisation de l’être humain, à sa déshumanisation, ou à l’humanisation de la machine. La douleur psychologique inhérente à la vie humaine est ici remplacée par la douleur physique. La sexualité n’est plus plaisir mais douleur. Le golem de métal doit souffrir pour devenir une machine et se débarrasser de lui-même dans un japon surpeuplé et mécanisé ou rien d’autre ne l’attend qu’une vie de salary man tokyoïte. Tetsuo fait face à la décrépitude de la condition humaine de façon déconcertante sous un regard nihiliste, expérimental et enragé. Un film furieux, bruyant, beau, sur lequel nous pensons qu’il sera intéressant de bavarder après une respiration.