Discussion sur les radios militantes

Vendredi 10 mai 19h30

« La radio d’intervention n’est pas un but en soi, elle n’est qu’un moyen, un instrument parmi d’autres qui peut aider un processus à se développer, mais en aucun cas n’est capable à lui tout seul de le faire naître. La radio d’intervention est par principe éphémère, même si parfois le provisoire peut se prolonger, mais elle ne doit en aucun cas s’envisager comme permanente. La radio d’intervention se doit surtout d’intervenir… avant d’essayer d’être radiophonique. »
Extrait d’un texte de 1978, 1979 présenté dans la liasse 3 des Archives Getaway (Ecoutez la vraie différence, Radio Verte Fessenheim, Radio SOS Emploi Longwy et les autres…, Claude Collin, 1979, La pensée sauvage, pp. 113-118.)
L’outil de la prise de parole par la radio, sur les ondes, ou maintenant sur le web, fait partie des moyens d’intervention dans les luttes depuis le XXème siècle. On peut même dire que l’enjeu de l’utilisation de la radio a lui-même fait lutte à un moment de volonté de monopole étatique des ondes. Il a existé un mouvement de radios libres, en France, en Italie par exemple, et nombreuses sont les radios qui, dans les temps forts de l’autonomie, ont subi la répression du mouvement et ont surtout participé activement à certains débats, conflits de l’époque et aux luttes. Il nous semble intéressant de revenir dans une discussion publique sur cette histoire vivifiante et complexe. La multiplication des radios pirates, libres et alternatives a durant un temps permis d’intervenir en opposition aux discours révolutionnaires sclérosés autour de la figure de l’ouvrier qualifié du Parti Communiste, bien que cet outil fut aussi utilisé par le PC. A un certain point, les radios dans l’histoire militante et révolutionnaire sont indissociables des luttes partant des marges et minorités qui font exister jusqu’à présent un héritage de 68 et de l’autonomie. Mais aujourd’hui que le PC est dans son agonie (Dieu merci), contre quels mythes et discours majoritaires pouvons-nous intervenir par la radio ? Ne pourrait-on pas dire que la contestation de l’ouvrier traditionnel, travailleur et doté d’une bonne nationalité, par et depuis le point de vue de minorités dérangeant les normes ambiantes, est aujourd’hui récupérée par des porte-paroles de minorités qui sont tout autant écrasants que l’étaient les crocodiles du PC, par le prisme du « premier concerné » qui empêche le mélange protéiforme des existences en lutte ? L’intérêt premier des radios libres n’était-il pas de sortir enfin du champ de la représentation politique, et de pouvoir enfin donner la parole à des individus, à des marginaux, des inclassables, sans les associer à une ligne de sujet politique et de direction homogène ? Que peut-il y avoir de subversif dans un témoignage marginal, puisqu’il ne s’agit pas non plus de croire à une vertu absolue du témoignage en soi ? Que faire des récits de vie et des témoignages oraux ? Que peut recouvrir une parole libre dans une démocratie libérale où, au moins en théorie, les points de vue circulent ? Ça commence à faire déjà beaucoup de questions, il est temps de se les poser… Et de s’atteler à questionner notre rapport à l’information et à l’actuel. Quelles informations avons-nous intérêt à faire circuler par la radio, alors même que nous vivons dans une époque qui regorge de live, de podcasts, d’enregistrements et de captations journalistiques de médias dit « indépendants », la plupart du temps extérieurs à nos luttes, récupérateurs et souvent paralysants si ce n’est policiers ?
Nous pourrons lors de cette discussion revenir sur le passé des radios en s’appuyant sur la liasse 3 des archives getaway qui sera disponible (https://getaway.eu.org/IMG/pdf/liasse_3_radio_versionweb.pdf), et s’intéresser aux interventions radio présentes, notamment sur le web, à partir de la pertinence de l’utilisation de ce média par l’exemple de Radio Mad Max et de son émission « 35H de trop » (https://www.radiomadmax.xyz/). Cette dernière est née au sein d’un mouvement social (celui contre la réforme des retraites) en ayant tenté d’y intervenir par une critique élargie du travail, et a décidé de maintenir par la suite un live sur la plateforme Twitch un dimanche soir sur deux. On pourra questionner les enjeux et intérêts du live, les formats et projets liés à ce médium, et ses rapports aux luttes présentes et à venir, en présence du pirate de la radio, Max, et des maximonstres.