Le règne animal

Lundi 3 novembre – 19h30

Thomas Cailley
2023 – 127’

Dans un futur proche, une épidémie d’étrangeté se répand à travers la population mondiale : les uns et les autres commencent à se transformer en animaux anthropomorphes, en en adoptant autant des traits physiques que des désirs et traits de caractère. Les Etats tentent de gérer ces mutations en utilisant les outils habituels du contrôle : fichage, surveillance, parquage et encampement… A certains égards, nous pouvons proposer ce film dans le cycle sur les kaijus : on voit le pouvoir mis à mal par un débordement qu’il échoue à endiguer. Mais au lieu de regarder de grandes villes et infrastructures dégommées par de grands monstres (ce qui est un des grands plaisirs du ciné-club des Fleurs Arctiques), c’est à travers la vie d’un père et de son fils adolescent partis dans le sud de la France que l’on assiste à cette belle fable cinématographique et lyrique sur une des fins possibles de l’humanité. La disparition de l’humanité par transformation en monstres tous irréductiblement singuliers, même pas catégorisables en nouvelles espèces animales ! Comme quand on regarde Mad Max, on se met à désirer l’apocalypse et la grande bascule dans un monde enfin autre. Le rapport au non-humain, à l’animal et au monstrueux sont ici traités avec une grande finesse et beaucoup de poésie, en même temps qu’Emile traverse toute l’étrangeté et la sauvagerie de l’adolescence. Le règne animal est aussi un grand film sur ce qui, dans l’adolescence, peut faire gripper la machine à normaliser qui, ici, se manifeste autant dans la police que dans la vie de village qui s’arme contre les mutants.

Sortir des sables mouvants

Vendredi 10 octobre – 19h30

je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse et pleine de naufrages, traversée de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou par quelque navire soufflant une lourde vapeur ; le siècle présent, en un mot, qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une semence ou sur un débris.
Alfred de Musset,
La confession d’un enfant du siècle

Si l’air du temps s’avère difficilement respirable jusqu’à ce qu’une poussée révolutionnaire vienne balayer ce smog fait de travaillisme, d’exploitation, de judiciarisme, de pouvoir, de seum, de développement personnel, d’obéissance et de dominations imbriquées, il appartient à ceux qui aspirent à un vent émancipateur de comprendre de quoi cet étouffement est fait, plus précisément, qu’est-ce qui en cause l’épaisseur ici et maintenant. On s’attache à en discuter régulièrement ici quand on parle de la postmodernité, en essayant aussi de comprendre pourquoi les critiques de cette époque virent souvent à la Réaction. On voudrait aujourd’hui poursuivre ces questionnements en se demandant d’où vient le fait que, alors que, comme tous les révolutionnaires, on vient après plusieurs générations qui ont élaboré autour de cette question, on a aujourd’hui une impression d’évoluer dans un vide conceptuel déroutant. Les dites « grandes hypothèses » ont fait leur temps (et tant mieux) sans pour autant que le champ ouvert soit investi par des perspectives confrontatives et émancipatrices. On se demande si ce qui semblait encore tenir debout comme analyses à poursuivre ou auxquelles se confronter n’était pas que des restes en cours d’érosion, désormais impalpables, et c’est bien souvent le pire qui perdure encore. L’extrême gauche se plaît à ventiler du folklore tankie, l’anarchisme devient un cosplay compatible avec l’appel au vote, on peut désirer « l’ordre moins le pouvoir » sans se souvenir que Proudhon est une raclure misogyne et antisémite, tout en portant l’anti racisme et le féminisme en boutonnière, et surtout on dirait qu’il n’y a plus de sol sur lequel marcher, courir, lancer des pavés, lutter.
Beaucoup de camarades et compagnons plus expérimentés semblent penser que le niveau des réflexions et des pratiques politiques a chuté drastiquement ces quinze dernières années. De fait, les structures formelles et informelles qui permettaient à des individus parfois en désaccord sur les tactiques et parfois sur le fond de discuter, débattre, parfois s’embrouiller (de façon féconde, ou non), et surtout tracer de nouvelles perspectives de luttes et de solidarité offensive semblent toutes avoir été détruites, par à-coups, par la répression, ainsi que par des militants arrivés plus récemment, et n’ayant pour la plupart pas connu ces espaces et formes d’organisation, ni profité de l’atmosphère de transmission pratique et théorique des plus expérimentés dont les générations précédentes bénéficiaient. C’est aussi une certaine forme d’internationalisme qui se perd lorsque tout semble rivé à gauche sur des problématiques franco-françaises, s’expliquant par un retour de la gangrène nationaliste, particulariste, raciste et racialiste à gauche. Comment ces espaces de réflexion et d’organisation anti-autoritaires sont-ils tombées ? Que s’est il passé ? Pourquoi le niveau théorique a t il chuté ? Pourquoi les pratiques courageuses ont elles quasiment disparues ? Comment ce qui constituait une force anti-politique qui faisait trembler le pouvoir (et que celui-ci appelait la « mouvance anarcho-autonome ») a t il cessé de mettre l’ordre public à mal au profit des partis politiques et des syndicats (abandonnant ainsi le principe fondamental de l’autonomie), au profit d’une pseudo-guerre définie comme culturelle ; idée gramsciste passée dans le creuset de l’extrême droite puis revenue à gauche avec l’essor des influenceurs/streamers et autres petites stars pathétiques de la contestation, défendant des théories (parfois nouvelles parfois anciennes) qui ne s’attaquent plus ni à l’État, ni au capital (qui, par ailleurs, les finance et les chapeaute). Les « c’était mieux avant », la nostalgie tendanciellement réactionnaire d’un passé toujours déjà lui même insatisfaisant, ne nous satisferont pas, cherchons ensemble à comprendre cette époque qui semble vouloir à tout prix nous empêcher de lutter, avec la complicité du pouvoir et donc de la gauche du pouvoir. Comment sortir du sable mouvant de l’apathie et de la dépolitisation ? Cherchons des pistes.

True Grit

Lundi 6 octobre – 19h30

Joel et Ethan Coen
2010 – 110’

Le désert américain sans foi ni loi, un marshall dur et sans pitié qui part dans un road-trip à la poursuite de hors-la-loi coupables d’un lâche assassinat qui se réfugient dans une réserve indienne inaccessible  : une histoire de traque où la justice est évincée par la vengeance et où les représentants de l’ordre ne sont pas très différents des bandits qu’ils poursuivent dans une Amérique aux institutions balbutiantes : un western. Les frères Coen reprennent là un premier True Grit (Cent Dollar pour un sheriff) de 1969, chef d’œuvre du genre, mettant en scène John Wayne dans le rôle du marshall inflexible, vraiment courageux, finalement ému par la quête de vengeance d’un très jeune garçon dont le père a été assassiné. L’hommage rendu au film d’origine et par delà au genre lui-même va jusqu’à des clins d’œil comme la reprise textuelle d’un célèbre faux raccord, caractéristique annexe du genre. Chez les frères Coen, le duo formé par le vieux marshall borgne à la peau dure et cette fois l’adolescente beaucoup plus déterminée que son âge, son genre et son statut social ne pourrait le laisser présager va interroger davantage et différemment la question de la ténacité, du « courage véritable », du prix à accepter de payer quand on se met en jeu corps et âme. Si on propose de regarder ensemble ce film c’est, au-delà du plaisir romanesque du genre, pour questionner cette question de l’engagement, de ce qu’on engage, jusqu’à quel point, question qui nous semble aujourd’hui primordiale, alors que la mesure et la limitation des risques semble devenue la boussole du Capital mais aussi trop souvent celle des milieux militants, jusqu’à invalider toute possibilité de réelle conflictualité.

Discussion autour du 10 septembre

Mercredi 24 septembre – 19h30

La date qui circulait depuis le début de l’été comme le lancement du nouveau mouvement social Bloquons Tout est passée. Le 10 septembre dernier, plusieurs centaines de milliers de personnes dans toute la France se sont mobilisés. Des blocages de dépôts de bus, d’autoroutes, de périphériques, de centres logistiques, de supermarchés, de lycées et d’universités, des péages gratuits, des grèves, des sabotages du réseau SNCF, des manifestations sauvages ont eu lieu. Beaucoup de personnes dans les rues, et une volonté de s’organiser pour échapper aux traditionnelles manifestations syndicales type 14h République-Nation. Tout n’a pas été bloqué, certes, et depuis, la mobilisation qui pouvait laisser penser certains à un retour des Gilets Jaunes, n’a pas réussi, pour l’instant, à dépasser le cadre imposé par les syndicats qui, en bons pacificateurs, ont décidé d’appeler à une journée de grève le 18 septembre. Prenons du temps pour discuter de ce qu’il s’est passé le 10 et le 18 septembre.
Qu’est-ce qui a manqué ou qui au contraire était intéressant ou nouveau ? Quelles sont les impasses ou les tensions de cette mobilisation ? Comment penser la répression qu’il y a eu et les pratiques collectives qu’on peut y opposer ? Comment est-il possible d’intervenir ? Une fois que Lecornu se sera fait jeter de Matignon, sur la pression d’un mouvement social ou par le jeu de politicards, comment éviter que la mobilisation ne meurt parce qu’il aurait « gagné » ? Et s’il y a mouvement, comment éviter qu’il ne serve seulement de tremplin aux partis de gauche qui, tout en cherchant à le pacifier, cherchent aussi à s’en servir pour conquérir des places au pouvoir ? Il nous faut trouver des voies qui nous émanciperons des impasses de l’attente des dates hypothétiques d’une intersyndicale pour qui la lutte est des invitations à l’Elysée pour négocier et des cortèges bien organisés où la dissociation de la moindre tentative est le mot d’ordre. Marre des calendriers des politicards, nous n’avons rien à attendre d’une motion de censure ou de nouvelles élections. Ce n’est pas d’une voie démocratique que viendra l’émancipation contre l’État et le capitalisme.
Venez discuter le mercredi 24 septembre à 19h30 pour discuter ensemble de toutes ces questions et de la période politique.


Programme de juin à juillet à la bibliothèque des Fleurs Arctiques

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Pendant ce programme à la bibliothèque des Fleurs Arctiques, nous discuterons de la question de l’euthanasie en rapport avec les prochaines législation autour de l’« aide active à mourir » et de la pratrique de l’établissement à partir du film L’Etabli de Mathis Gokalp.

Nous projetterons lors du ciné-club : Conann, Elephant, Festen et Les chiens ne portent pas de pantalons

Les permanences auront lieu le jeudi de 16h à 18h.

Les groupes de lecture auront lieu le dimanche à 16h30