Prévert & Grimault, 1980, 1h27
vendredi 10 août à 19h
« C’est l’histoire d’un roi très mauvais qui a des ennuis avec un oiseau très malin et plein d’expérience ; il y a aussi des animaux qui sont très gentils, deux amoureux et beaucoup de gens épouvantables. » (Prévert)
Où les bergères cessent de toujours épouser les rois, où les oiseaux et les fauves s’échappent de leurs cages, où les hommes n’ont plus à vivre loin du soleil et de la lune.
Ce grand renversement commence par une petite affaire : dans le royaume de Taquicardie, la bergère aime le ramoneur, le roi aime la bergère. Pour épouser de force la bergère, qui s’est enfuie avec le ramoneur, le portrait du roi se débarrasse de son original et lance la police aux trousses des deux fuyards, partis découvrir le monde. Un oiseau espiègle et grand ennemi du roi les aide à échapper aux différentes polices, dans le dédale du royaume de Taquicardie. Pourchassés, rattrapés, de nouveau enfuis, ils sèment derrière eux la révolte. Mais l’agitation finit par dépasser les protagonistes eux-mêmes lorsqu’un colosse de fer, un kaiju, d’abord arme du roi pourchassant les fuyards, puis distraction de l’oiseau pour permettre l’évasion des amoureux, finit par semer de lui-même la destruction dans l’ensemble du royaume, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien que des pas dans le sable. Et, dans la joie du repos, il s’assoit, contemple les ruines et pleure en silence.
La bergère et le ramoneur, par qui tout commence, refusent l’autorité du roi et des traditions pour s’aimer et s’enfuir. Cette subversion en entraîne d’autres, et s’achève dans la destruction intégrale du royaume par la main du colosse, produit par et pour le pouvoir puis devenu autonome, semblablement incompréhensible, fou. Mais la figure étrange et destructrice du colosse est aussi celle qui porte l’achèvement de ce conte poétique : car dans ce film où l’on ne parle que de liberté, les prisons ne sont véritablement brisées qu’après la destruction totale du royaume.