Lucas Belvaux, 2006, Belgique, 1h56
lundi 2 juillet à 19h
Inspiré par la fameuse prise d’otage de Tilff en 1989, La raison du plus faible est à la fois un film de braquage et un film « social ». Les personnages font corps avec les décors glauques de l’environnement urbain liégeois, avec la misère, l’ennui, l’alcool, l’usine et le chômage, mais aussi avec le sentiment d’injustice et la révolte que produit ce monde. Un petit groupe de pieds nickelés, à la fois traversé de bonhommie, de courage et d’inexpérience, décide de sortir de l’apathie de l’absence de luttes et de solidarité, en allant chercher l’argent là où il se trouve, dans un geste à la fois audacieux et, pour certains, désespéré. S’ensuit une aventure humaine, un regain d’espoir dont l’efficacité et la réussite semblent hors de portée tant l’aventure consiste, d’abord et surtout, à retrouver la dignité perdue sur les lignes d’assemblages, dans le fond des bouteilles, dans les cellules des prisons, dans la morne gangue urbaine, dans les tickets de loto qui ne font que ruiner ceux qui le sont déjà, écrasant les espérances contre le béton de la réalité du vieux monde. Loin du pathétique et de la démagogie populiste dans lesquelles ce genre de film sombre parfois, Lucas Belvaux présente ici des personnages complexes pris dans des rapports d’exploitation et de misère face auxquels ils sont rendus impuissants par l’absence de réponse à la hauteur du drame. Si le film accède à la grâce dans ses derniers instants, c’est bien que toute tentative de reprendre sa vie en main en ses propres termes constitue déjà, en soi, un acte de guerre contre l’existant. Résonnant face à l’insignifiance, ce film est un hymne à la révolte, un hommage à la conséquence de ceux qui franchissent le pas, répondant à la peur : « C’est avant d’y être qu’il faut que tu saches jusqu’où tu veux aller ».