Mardi 17 octobre 2017 à 19h
White God – Kornél Mundruczó – VOST (hongrois) – 2014 – 2h
Dans un contexte qui a toutes les caractéristiques du génocide racial, de sa logique gestionnaire et concentrationnaire à la création de figures stéréotypées en passant par la fabrication de l’oubli même de ce génocide, White God nous raconte l’histoire d’amitié entre une inadaptée et un exclu pour nous interpeller sur des questionnements bien plus généraux. Il nous offre également le récit étonnant d’une insurrection urbaine canine, dans laquelle la main qui nourrit est enfin mordue, et dans laquelle on voudrait abolir les races et donc la bâtardise et les séparations/hiérarchies entre exploités qu’elles produisent.
Car s’il fait écho à la situation politique hongroise, le film s’en saisit pour nous parler plus largement d’exploitation et d’aliénation, qu’elles soient institutionnelles ou interindividuelles, légales et officielles ou illicites et « alternatives ». Ainsi Lili, une jeune fille, ne trouve sa place dans aucun des deux mondes qui lui sont proposés et Hagen, un chien, se voit autant exploité par l’Etat que par des voyous. On constate que tous les rapports interpersonnels au sein de ces sphères qui se voudraient opposées reproduisent les mêmes schémas utilitaristes. Musicalement baigné dans les notes de la deuxième rhapsodie hongroise de Liszt, le film fait évoluer la signification de celles-ci à mesure que l’on découvre la réalité du monde. Tout d’abord apaisantes, elles deviennent rapidement celles de la normalisation, de l’autorité et de la coercition avant de représenter dans une version cartoonesque, comme une mauvaise blague, l’horreur d’un système. À ce morbide tableau le film oppose la camaraderie entre chiens opprimés, la nécessité de la vengeance et son dépassement par la révolte joyeuse. De nombreuses questions propres au processus de révolte sont abordées au cours du film, et si la scène finale devait ne nous en poser qu’une ce serait celle-ci : La reconnaissance des revendications spécifiques par l’autorité doit-elle pour autant arrêter le mouvement de révolte qui en est né ?