Discussion sur la démagogie
Vendredi 7 novembre – 19h30
Aujourd’hui, d’Houria Bouteldja à LFI en passant par Frédéric Lordon, tout le spectre de la gauche populiste n’en pince que pour la question des « affects » (entendus comme bas-instincts, ou passions). Il faudrait trouver ce qui mobilise, qu’importe le rationnel, qu’importe si au final ce qu’on mobilise ce sont des « affects » de faf. Pour Lordon par exemple, l’idée est de concurrencer l’extrême-droite sur son terrain car cette dernière fait rêver et fantasmer, en utilisant justement ses affects. De là se dessine une obsession pour la « proposition pulsionnelle » du fascisme, les foules, les hooligans… et une critique d’un « matérialisme étriqué » qui ne prendrait pas en compte ces « pulsions » là.
Lordon par exemple propose alors un « matérialisme étendu » d’un « communisme intégral » qui s’attacherait à savoir comment mobiliser la nation, les racines, la religion …
Pour ce versant de la gauche, cela donne la défense de la nation française pour plaire aux natios, la défense du religieux pour draguer les croyants, la défense des racines pour draguer les « fâchés mais pas fachos », la défense du Frexit et de la sortie de l’euro pour plaire aux électeurs d’Asselineau et de Philippot peut-être et puis même pourquoi pas la race, l’endogamie et autres concentrés réactionnaires…
Et pourquoi pas ? Si « les foules » le veulent !
Ce mode de réflexion démagogique sur la question de la mobilisation des affects ou des pulsions des individus se retrouve malheureusement bien plus largement que dans cette sphère politique qui ne pue que le rance.
Elle s’est invitée de manière partielle dans les aires à prétention subversive. On voit souvent poindre textes, théories ou réflexions néo-léninistes centrés sur la massification, la propagande et la bataille culturelle ou la composition, indiquant qu’il ne faudrait pas aller à l’encontre de ce qui peut « fédérer » les gens, même si l’élément qui fédère à toujours été un ennemi de l’émancipation (comme le nationalisme au drapeau français, au discours crypto-conspirationniste sur les élites, à la religion, au sentiment communautaire, aux rapports pacifiés avec la gauche…)
A croire qu’il faudrait se demander ce qui « fonctionne » le plus, comme un marketeux de la Défense ou un directeur stratégie de campagne électorale, et se baser sur cela pour intervenir dans la réflexion théorique ou la pratique.
Dans les faits, cela donne une absence criante de critique antinationaliste ou antireligieuse et d’opposition à une gauche qui, si elle a toujours été affligeante, a bien fini sa mutation vers un populisme toujours plus abject.
Si nous sommes d’accord avec le constat qu’aujourd’hui, l’affirmation explicite des perspectives révolutionnaires semble battre de l’aile, il n’est pas question pour nous de nous demander ce qui «plaît » le plus, ce qui mais plutôt de faire vivre nos perspectives émancipatrices et conflictuels.
S’il y a des désirs et des instincts vers lesquels il faut se tourner, ne serait-ce pas ceux qui visent à mettre à bas ce monde d’exploitation et de discipline plutôt que ce qui le fait tenir debout ?