Quand l’école envoie en prison…

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Vendredi 10 novembre, 7h30 du matin. Le lycée La Martinière Monplaisir de Lyon ouvre ses portes. Une nouvelle journée banale d’un lycée peut commencer : une journée de dur labeur pour les élèves, de punitions, de mesures vexatoires et d’humiliations continues pour les récalcitrants qui ne voudraient pas rentrer dans le moule promu par l’école de la République et son tri sélectif des futurs travailleurs.
C’était sans compter, justement, sur un groupe de récalcitrants, venus sonner la rentrée en classe à coups répétés de mortiers d’artifices, et tenir un joli feu de poubelles et de trottinettes à l’entrée du lycée. Dans un mail transmis aux parents d’élèves, le dirlo de l’établissement affirme même avoir été personnellement visé.
Cette belle attaque contre une des nombreuses casernes de l’Éducation Nationale serait une réponse, une vengeance, à la tenue la semaine prochaine d’un conseil de discipline dont un des supposés participants ferait l’objet (ou une tentative de bloquer l’établissement).
Depuis, l’élève concerné par le conseil de discipline, ainsi qu’un autre lycéen ont été interpellés puis mis en examen pour, entre autres, violences aggravées et dégradations par moyen dangereux. Sur ces deux élèves du lycée en question, le premier, 16 ans, a été placé en détention provisoire, alors que l’autre, mineur également, est placé sous contrôle judiciaire. Ils ont pu être identifiés par une des nombreuses caméras qui bourgeonnent depuis des années autour et à l’intérieur même des lycées.
L’État et les politicards de tous bords, que nous savons attachés à l’École dite « de l’égalité des chances », vantée comme moyen équitable d’ascension sociale et productrice de citoyens éclairés et vertueux, ont réagi unanimement : “c’est l’école républicaine toute entière qu’on attaque”, “c’est donc bien l’autorité de l’école, pour laquelle je me bats, qui est ici défiée” ont déclaré Attal et consorts, en plus de demander bien sûr une réponse judiciaire ferme et l’augmentation des patrouilles de flics aux abords des lycées. Vendredi 17 novembre, nombre de professeurs de l’établissement étaient en grève ! Pour réclamer la libération de l’élève et l’abandon de cette procédure dégueulasse ? Non, les profs, ces éternels bons élèves, choisissent de se sentir aussi visés et demandent de meilleurs moyens pour “élever [leurs] élèves et pour donner au plus grand nombre le goût de l’étude” et “enrayer les épisodes de violence”, et apportent leur soutien au proviseur apparemment ciblé dans cette attaque”(1).
L’an dernier, craignant l’explosivité et la détermination dont ont su faire preuve par bien des fois les mouvements lycéens, les rectorats en collaboration avec les directions des lycées et des collèges avaient essayé d’organiser la répression : à Paris et ailleurs, des conseils de discipline s’étaient tenus pour punir, ou du moins décourager puisqu’ils ont souvent échoué à obtenir des sanctions pour ce motif, ceux qui étaient suspectés d’avoir participé à répétition à l’organisation et à la tenue de “blocus” dans ces établissements. Quelques semaines après, les émeutes qui ont ravagé le pays pendant plusieurs jours ont pris pour cibles les écoles, collèges et lycées, au grand dam des parlementaires de tous bords qui défendent cet outil si pratique pour pacifier et faire rentrer dans le rang les plus jeunes. Dernièrement, après les récents tragiques événements d’Arras, mais également avec en filigrane le mouvement et les émeutes de l’an dernier, c’est l’angoisse et le tout-sécuritaire qui a primé dans les établissements, tous les élèves étant considérés comme de potentiels assaillants : fouille des sacs, contrôle des entrées, et même dans certains lycées, interdictions des gels hydroalcooliques ! Or il est évident pour quiconque s’intéresse à la subversion et à l’émancipation que l’attentat d’Arras n’a rien à voir avec les mortiers de Lyon, tant dans les moyens que dans les fins.
Il est difficile de ne pas voir dans la réponse judiciaire et politique aux événements du lycée La Martinière Monplaisir, une traduction en acte de la réponse radicalement répressive de l’État face aux émeutes de l’été dernier et son obsession pour la “rééducation” des jeunes qui n’auraient pas intégrés les valeurs de la République.
Dans les conseils de discipline ce sont les mêmes rouages que ceux de cette saloperie de justice qui s’expriment, mais cette fois-ci dans un processus interne à l’Éducation Nationale.
On est officiellement accusé de certains méfaits, on a aussi le droit à être assisté et représenté (par un avocat éventuellement, mais aussi par n’importe quel adulte) dans une séance censée être contradictoire (avec l’hypocrisie supplémentaire que l’institution scolaire y est juge et partie, comme dans toutes les justices internes), on a le droit de s’expliquer, les parents, sur qui l’école compte beaucoup pour tenir les gamins, sont aussi convoqués… et enfin, après délibération, un verdict est rendu par le jury avec des peines mimant la justice classique (TIG, sursis, etc.). Les discussions portent aussi bien sûr sur la personnalité de l’élève, son comportement en général, ses résultats, son implication dans la vie de l’établissement – justice individualisée oblige !
Le conseil de discipline, c’est aussi le paroxysme de ce que l’école fait de mieux en termes d’adaptation forcée à l’existant et ce qui représente son but principal aujourd’hui : le dressage des élèves. À l’école, on apprend surtout l’obéissance aux profs et aux personnels d’éducation, on intègre le respect du règlement, la loi intérieure aux établissements, on étrenne une forme quelque peu adoucie de la privation de liberté avec la présence obligatoire, les heures de colles et les punitions absurdes. On apprend aussi la normalisation, le conformisme à ce que la société veut de nous. On nous enseigne à être de bons citoyens qui votent, qui respectent la sacro-sainte démocratie qui s’immisce dans les élections de délégués, qui ferment leurs gueules et s’écrasent face à la hiérarchie. On assimile en douceur ou au forceps notre position dans le système capitaliste, renforcé par le tri des élèves en cours de route à coups d’orientation forcée et classes spécialisées : toi tu as un profil scolaire, tu es bon pour être manager, toi en revanche tu seras sûrement caissier et toi tu es simplement inemployable !
L’École, c’est la caserne, et c’est déjà l’entreprise !
Il est clair que l’École ne veut pas voir de contestations prendre nid dans ses officines. Il y a tout intérêt pour nous, qui voulons détruire l’État, sa police, sa justice, et ses écoles bonnes à trier les élèves et casser leurs rêves, de voir naître et grandir partout, et au sein même de l’École, une subversion radicale et offensive contre celle-ci.
Pour ne pas les laisser seuls face à la justice, qui ne cherche qu’à nous isoler pour nous faire abandonner nos espoirs, il est nécessaire de pouvoir apporter un soutien collectif effectif aux réprimés, qui peut prendre plusieurs formes (défense, mandats, rassemblements, …).
Pour partager des informations, organiser la solidarité, contactez l’adresse mail : abaslarentree@proton.me

CONTRE LE DRESSAGE, CONTRE LA JUSTICE, AU TRIBUNAL OU EN CONSEIL DE DISCIPLINE !

LIBERTÉ POUR LES ASSAILLANTS DU LYCÉE LA MARTINIERE MONPLAISIR !

(1) Communiqué des personnels de l’établissement réunis en intersyndicale du 10 novembre 2023
https://www.cgteduc69.fr/Lycee-La-Martiniere-Monplaisir-communique-des-personnels