Pour que la subversion ne soit jamais reléguée au rang du passé mais permette la révolution aujourd’hui, discussion autour du documentaire Touch The Sky : Stories, Subversions, & Complexities of Ferguson (2019, Saint Louis), en relation avec les événements émeutiers qui ont suivi la mort de Georges Floyd.
Samedi 3 octobre 19h
L’ignominie de la mort de Georges Floyd et les premières colères émeutières qui s’en sont suivi sont encore récentes, fraîches dans nos mémoires et dans la solidarité qui peut s’exprimer encore aujourd’hui à l’international avec une mobilisation qui se poursuit et se relance sans cesse en plusieurs point du territoire américain. En effet, cette colère n’est encore ni éteinte ou ni totalement récupérée, elle est encore bien vivace, comme à Portland par exemple ou les nuits d’émeutes violentes se succèdent encore depuis plusieurs mois. Elle se répercute à Kenosha dans le Wisconsin ces derniers jours après que Jacob Blake s’est pris 7 balles de la part d’un flic et que deux manifestants se sont fait abattre par un jeune membre d’une milice de nationalistes. Mais certaines phases émeutières moins récentes risquent malheureusement, le temps passant, de tomber dans des formes de déni, de légitimation a postériori ou de récupération politique et idéologique qui gommeront comme presque toujours l’intensité propre ainsi que les conflictualités internes si précieuses de ces moments subversifs, ou pire encore, dans l’oubli. Il en ressort donc qu’il existe un besoin, peut-être vital pour le mouvement révolutionnaire, de se rappeler de ces moments émeutiers qui passent malgré nous du présent au passé, et non seulement d’en garder la mémoire mais d’aller à contre-courant de cette force monstrueusement puissante qu’est le temps de la reconstitution historique faite pour que l’existant perdure malgré tout, en ramenant quelque chose de cette subversion passée vers le présent, pour en maintenir l’existence et la conflictualité et avoir une chance d’en finir avec ce monde de pouvoir, d’exploitation n et de domination. En 2014, un mouvement émeutier similaire par certains aspects à celui que nous connaissons actuellement aux Etats-Unis a eu lieu à Ferguson et ses environs. Similaire de par son point d’origine, la colère de milliers de personnes déclenchée par un meurtre policier qui vient faire déborder un vase toujours trop plein, comme par sa portée, avec des incendies violents, un rapport de force où l’autorité de la police est remise en question fondamentalement, et par les efforts constants de récupération politique non-violente de certains représentants plus ou moins « populaires ».
Récemment, un documentaire est sorti pour l’anniversaire de cette émeute passée, un documentaire de lutte qui essaye de faire survivre à travers le temps l’expérience d’un moment subversif qui devrait ne jamais être oublié. Qui essaye aussi et surtout de faire exister les conflictualités qui ont composés ce moment, conflictualités que tous les acteurs de la pacification sociale cherchent en toute logique à désactiver. Ce documentaire, Touch The Sky: Stories, Subversions, & Complexities of Ferguson, composée d’images journalistiques ou policières, mais aussi d’images internes à la lutte, peut nous faire réfléchir à notre époque présente, aux émeutes que nous voyons ou vivons aujourd’hui, pour que la subversion ne s’éteigne jamais. Il ouvre la possibilité d’une réflexion théorique sur des questions crucialement révolutionnaires, comme le rapport à l’histoire des luttes par exemple, tout autant qu’il pose des questions davantage liées à des pratiques, le pillage, la notion de « violence » et ses détracteurs, les processus de pacification sociale. Encore et simplement à la subversion de l’ordre établi sous de nombreuses coutures comme celle du rapport à l’autorité et son renversement, celle de l’espace urbanisé, et une multitude d’autres. Cette projection s’inscrit dans un travail de longue haleine entretenu à la bibliothèque des Fleurs Arctiques, autour de la transmission de l’héritage révolutionnaire, par exemple par la critique du documentaire Ni Dieu Ni Maître de Tancrède Ramonet qui a déjà été esquissée et qui sera encore approfondie à l’avenir. Au contraire de celui que nous allons projeter à propos de Ferguson, le docu-fiction de Ramonet présente une histoire des luttes au contraire lissée et simpliste, bonne à être ingérée à une heure de grande écoute avant de passer à la téléréalité du créneau suivant, ayant perdu tout contact avec les aspérités, la vivacité et les complexités des épisodes csubversifs qu’il (mal)traite. Après le visionnage de Touch The Sky: Stories, Subversions, & Complexities of Ferguson, trouvons ensemble des outils et des moyens d’aller à l’encontre des dynamiques pacificatrices dont nous sommes entourés et qui sont bien propres à un système qui cherche naturellement à se protéger des attaques de divers ordres qui lui sont portées.