Lynne Ramsay – 2011 – VOSTF (USA) – 110’
Lundi 16 mars à 19h
Construit sous la forme de flash-backs désordonnés menant tous irrémédiablement à un drame terrible dont on ne comprendra la nature qu’assez tard, ce film américain esthétiquement fascinant a subi de violentes critiques, notamment parce qu’il est difficile à prendre en main tant il est dur et psychologiquement brutal tout en ne donnant aucune explication simpliste et moralisatrice sur son sujet. On y explore à nouveau, et notre cinéclub au long cours sur la famille témoigne à chaque fois de l’intérêt de le faire, les liens familiaux pathogènes, mais sous un angle autre. Que se passe-t-il lorsqu’une relation d’amour entre une mère et son fils est un échec dès la naissance, lorsque le bruit du marteau-piqueur est préféré à celui du bébé ? Ici, les ravages de l’absence d’amour d’une mère, du défaut de présence d’un père, d’un maternage défectueux, et leurs liens avec la construction et la naissance d’une incarnation du « mal » dans toute sa banalité sont traités sans filtre, et c’est parfois plus dur à entendre et regarder que ne le serait un film d’horreur (ce que ce film n’est pas), non pas à cause d’images gores ou choquantes, mais bien à cause de rapports sociaux intolérables. C’est comme la famille, cette horreur qui n’est pas un film. On se souvient encore que Massacre à la tronçonneuse n’avait pas besoin de se livrer au gore puisque c’était la famille elle-même qui faisait horreur. Ici aussi, et pourtant, aucune saleté, aucune dystopie, aucune misère autre qu’affective, aucune surenchère de sévices inimaginables. Quelques maltraitances « banales », des regards exsangues, des bouches obliques, rien de bien tonitruant avant un final effroyable. L’horreur est lancinante. S’il peut se trouver difficile de regarder et même de penser ce film fiévreux dans la solitude, il sera certainement enrichissant d’en discuter ensemble et de retrouver de l’équilibre pour sortir de l’apathie possiblement provoquée par un tel vertige, par cette expérience nihiliste.