Le démontage judiciaire initialement prévu le vendredi 24 mars est annulé
Par contre le groupe de lecture du dimanche 26 aura bien lieu,
Venez nombreux !
Ne laissons personne seul aux prises avec la machine policière et judiciaire
Alors que nous sommes de plus en plus nombreux à manifester sauvagement notre refus de ce monde,
Des centaines d’arrestations hasardeuses ont eu lieu ces derniers jours, avec l’utilisation de l’interpellation de masse comme mode de gestion de la contestation et tentative vaine d’endiguer les manifestations sauvages et émeutières dont le nombre ne cesse d’amplifier à Paris et dans de nombreuses autres villes. Depuis plusieurs jours les commissariats débordent, les procédures bancales peinent à justifier cette politique de maintien de l’ordre par la menace judiciaire, et la plupart des interpellés sortent après une bien désagréable garde-à-vue mais sans suites, et pour la plupart en ayant refusé les prises d’empreinte et en s’étant bien gardé de déclarer quoi que ce soit (un grand nombre ne sont même pas interrogés).
Ce temps de privation de liberté permet cependant à la maréchaussée de faire son casting pour réserver à certains, choisis selon des logiques intrinsèquement policières (c’est dans ces moments là qu’on ouvre les fichiers…), un sort particulier. Quelques minables rappels à la loi, mais aussi quelques déferrements sont prononcés, ce qui enclenche une machine qui peut facilement faire passer par la case prison avec un usage punitif de l’incarcération préventive.
Constater l’échec global du dispositif répressif ne doit pas nous conduire à nous satisfaire des heures de privation de libertés qu’ont vécu un aussi grand nombre de manifestants. Et plus encore, n’oublions pas les quelques camarades et compagnons qui se retrouvent pris dans les mailles judiciaires, comme les 3 de Rennes placés aujourd’hui en préventive, ou comme ceux qui, arrêtés ces derniers jours, passent ces jours-ci en comparution immédiate.
Ne laissons personne seul aux prises avec la machine judiciaire !
Soyons nombreux aux comparutions immédiates
demain et les jours suivants
à 13h30, au TGI de Paris M° Porte de Clichy
Au moins 6 manifestants sont déferrés en comparution immédiate demain, d’autres suivront les jours suivants. Soyons nombreux pour les soutenir et montrer que ce mouvement inventif et ingérable ne laisse personne seul aux prises avec la police et la justice.
Ne laissons pas la machine policière et judiciaire nous écraser sous ses tentatives d’intimidation par la menace de l’incarcération préventive. A Paris et partout, continuons à déborder les rues et à inventer de nouvelles manières de s’attaquer à ce monde, à son travail et à sa police.
Paris, le 20 mars 2023
Solidarité avec tous les incarcérés, feu à toutes les prisons
On est assez nombreux pour déborder en même temps la rue et les tribunaux !
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Programme de janvier à avril 2023
Tout le monde semble se demander si l’année 2023 va débuter avec un mouvement social contre la réforme des retraites. Les syndicats et tous les partis de gauche se demandent à quel point ils vont pouvoir encadrer et diriger ce qu’ils imaginent déjà comme un mouvement bien ficelé, bien joliment inoffensif et sous sédation profonde de manifs promenades de santé ; le gouvernement et sa police pro-active se demandent quel type d’outils répressifs il va falloir dégainer au plus tôt pour empêcher justement tout mouvement d’ampleur… Et toutes ces Cassandre se demandent, de droite comme de gauche, comment ils vont devoir négocier et dialoguer entre eux, pour, quoiqu’il arrive, nous maintenir au taf. On cherchera, ici et là, à être du côté de ce qui heureusement peut toujours déjouer les pronostics de ces vieilles Cassandre, à s’intéresser à tout ce qui naît ici et là à l’encontre d’une normalité balisée par le travail. C’est qu’à vingt ans comme à soixante, on a bien mieux à faire ! Alors, puisqu’on continue de faire le pari qu’une bibliothèque pour la Révolution peut être un lieu public où les uns et les autres contribuent aux interrogations et aux débordements de révoltes actuelles ou de mouvements, on souhaite que ce nouveau programme, de janvier jusqu’à avril, puisse contribuer à des luttes à venir. Il nous semble que les critiques anti autoritaires (qu’elles soient anarchistes ou communistes) peinent à se faire entendre, diffuser, approprier, en actes comme en paroles, dans les luttes et mouvements de ces dernières années en France. En proposant une première discussion du programme sur le thème de l’outil de communication Signal, sur l’auto-défense numérique et sur l’organisation (20/01/23), on espère contribuer ainsi à renouveler des interrogations quant aux pratiques militantes, et notamment quant aux pratiques de diffusion d’informations, de communication, et maintenant de « réseaux sociaux », qui sont loin de ne pas pouvoir être un instrument au service des autoritaires si on ne s’en préoccupe pas. Un détour par le passé permettra de réfléchir encore une fois aux luttes contre le léninisme au XXème siècle, en réfléchissant aux traces laissées par l’expérience de Nestor Makhno (17/03/23). Une brochure contre la recherche universitaire (à paraître) sera présentée et discutée à l’occasion de sa parution (21/04/23), ce qui sera l’occasion d’échanger autour de l’enjeu crucial d’autonomie des luttes vis-à-vis des institutions scientifiques et universitaire. On discutera aussi du « judiciarisme », cette fâcheuse tendance à penser le monde en termes de fautes, de culpabilités et surtout de punitions, que l’on retrouve jusque dans les milieux militants (03/02/23) afin de creuser nos ruptures avec la justice en tant qu’aspiration et non pas seulement comme institution. Cette discussion est en lien avec le format de discussion des démontages judiciaires, dont un aura lieu durant ce programme (24/03/23). Des permanences se tiendront tous les mardis de 14h à 16h, les curieux y sont les bienvenus pour emprunter, consulter des livres, brochures, revues, ou venir échanger, et, à partir du 22 janvier, nous commencerons (et ensuite un dimanche sur deux) des groupes de lecture sur les différents féminismes, à la recherche de subversion. Les ciné-clubs des lundis soirs reprennent aussi et seront l’occasion de se poser mille et unes questions pour remettre en cause normes, valeurs, morales, et religions.
Le pdf du programme est disponible ici
L’agenda est disponible là
Annulation du groupe de lecture du dimanche 5 mars
Le groupe de lecture du dimanche 5 mars est annulé, le prochain se tiendra donc le dimanche 12 mars à 16h30
Solidarité avec le camarade incarcéré en détention provisoire
L’audience de la demande de mise en liberté aura lieu lundi 13 février à 13h30 au TGI de Paris
A bas la justice !
Solidarité avec ceux et celles sur lesquels elle s’abat
Une trentaine de personnes ont été arrêtées lors de la manifestation massive du 31 janvier, malheureusement trop calme dans l’ensemble malgré quelques affrontements avec les flics et quelques casses. Une grande partie des interpellés ont vu leurs GAV prolongées et il y a eu plusieurs déferrements les 2 et 3 février ; des amendes ont plu (mises directement par le Procureur grâce au nouveau dispositif qui le lui permet) ; deux arrêtés sont passés en comparution immédiate et ont refusé d’être jugés le jour même. L’un des deux, arrêté pendant la manifestation un peu avant Montparnasse au cours d’une charge policière, avait pour chef d’inculpation « jet de projectile sur PDAP sans ITT » (attention ! masqué par un FFP2 !). Alors que ses empreintes avaient été prises de force à coups de taser en garde-à-vue et qu’il n’y avait donc aucun doute sur son identité le juge a appliqué la demande du proc : détention provisoire, en l’attente de son procès le 10 mars… « Pour éviter toute récidive, au vu du calendrier des mobilisations ».
Encore une fois, la répression fonctionne de manière pro-active en s’attaquant à des intentions présumées. Ces dernières années c’était par des interdictions administratives que les présumés militants se voyaient interdire de participer aux manifestations. Là c’est encore mieux et c’est énoncé comme tel par le juge : en taule le temps du mouvement ! Encore une fois, nous récidivons dans notre haine d’une justice qui n’hésite pas à aller faire enfermer toute révolte. Une fois de plus l’institution judiciaire s’est ridiculisée en un spectacle immonde. Le juge Coquio, président de la séance, s’est non seulement montré condescendant et abject – soit le minimum prérequis pour exercer sa fonction – mais il s’est permis de faire taire l’avocate qui rappelait que les empreintes avaient été extorquées à coup de taser sous prétexte que : « c’est gênant… ». Oui, c’est gênant de dire en public que l’on a régulièrement recours à la torture pour soumettre des individus. Oui, c’est gênant de confronter ces petits bourgeois en robe noire à la réalité de la violence qu’ils perpétuent et assènent au quotidien. Bien pire que gênant, c’est à vomir. C’est gênant de voir tous les élèves du président de séance prendre des notes (car cette audience était « pédagogique », et suivi par des étudiants en jugement admiratifs de leur maître) sur comment le juge envoie, en bon
de l’ordre, les inculpés faire de la taule, c’est gênant de les voir demander le silence, et se comporter eux-mêmes en matons. Mais cette nausée, M. Coquio la balaye d’un revers de main, avec une rhétorique digne d’un adolescent de 14 ans, et envoie en prison en préventive un adulte comme on sermonne un enfant.
Liberté pour tous !
Changement de programme
Apéro discussion autour du mouvement en cours vendredi prochain à 19h30
La discussion intitulée « la déconstruction du judiciarisme, ça commence quand ? » initialement prévue vendredi 3 février aura finalement lieu vendredi 17 février à 19h30. Elle laisse la place (vendredi 5 février à 19h30) à un apéro-discussion autour du mouvement en cours et des diverses initiatives qui pourraient y être prises. Ce sera aussi un moment pour que tous ceux qui se posent des questions autour de notre projet puissent venir en discuter de vive voix.
Signal, auto-défense numérique et organisation
Vendredi 20 janvier 19h30
Depuis maintenant quelques années, les milieux militants entre autres se sont saisis d’un nouvel « outil » considéré comme idéal pour résoudre des problèmes (éternels) de communication et de sécurité : « Signal ». Il s’agit d’une application sur téléphone permettant d’envoyer des messages, de faire des conversations de groupes tout en ayant un chiffrage du contenu envoyé. Le recours à cette application s’est notamment vu diffusé à travers diverses formations et brochures sur le thème de l’auto-défense numérique et s’est répandu comme une traînée de poudre dans les aires subversives, devenant aujourd’hui une quai obligation si l’on veut se mettre en lien avec des individus ou des groupes, ou participer à la plupart des initiatives.
Plutôt que de forger notre connaissance par l’expérience et par la lutte, les formations militantes sur l’auto-défense donnent un cours (qui, comme tout cours ayant trait à la surveillance et à la répression, aura toujours un caractère péremptoire et discutable par-rapport à la réalité des transformations des techniques policières), et peu de mauvais élèves se manifestent pour remettre en question un contenu qui devient une doxa de moins en moins discutable. Ne pas avoir installé Signal semble aujourd’hui aberrant lorsque l’on s’organise et l’application est vendue comme un « must have », un indispensable à l’organisation.
Pourtant comme n’importe quel outil technique qui prend ce genre de place et d’importance, depuis le temps que cet usage se diffuse, on peut remarquer qu’il induit le développement de formes d’organisations spécifiques, qu’on ne remet pas en question puisqu’elles émanent de la neutralité d’un outil qui semble adéquat et protecteur et s ‘impose comme nécessaire.
Tout ou presque passe par signal, allant même parfois jusqu’à remplacer les assemblées de luttes. Signal est devenu une sorte de réseau social militant, aux conversations pullulantes avec on-ne-sait-qui dedans… mais à coup sur des flics. Les sujets des luttes en cours sont discutés par Signal et les critiques virulentes ou les débats animés sont remplacés par des pouces sous des messages, un niveau encore en dessous des gauchistes mimant ainsi font les petites marionnettes pour approuver la parole de quelqu’un en assemblée. Mais c’est également l’information qui y circule ; les rendez-vous et réunions publics ou privés (cette distinction tendant dans cet usage de Signal à se confondre) disparaissent au profit de boucles Signal ; il devient préférable de s’envoyer des messages plutôt que de se confronter et de réfléchir ensemble si bien que par exemple certaines personnes qui donnent leur avis dans des groupes se permettent par exemple d’infléchir l’écriture d’un tract tout en n’ayant rien à voir avec la décision de l’écrire, ou en en comprenant pas le sens, voire en s’y opposant. On trouve le même genre de phénomène que dans les assemblées qui font voter bloqueurs et antibloqueurs pour prolonger ou nom l’occupation d’une fac : un démocratisme complètement idéologique vient remplacer et saboter l’auto-organisation. De plus le fonctionnement de cette application permet que des boucles plus restreintes se comportant de fait comme des bureaux politiques décident de ce qui sera diffusé dans des boucles plus larges, reproduisant les pires fonctionnement autoritaires sans aucun garde fou et avec l’alibi pratique de la sécurité et de l’efficacité.
Il est grand temps de réintérroger tout ce que charrient comme pratiques signal et plus largement les outils numériques et réseaux sociaux ! A quels besoins répondent-ils ? Comment faire en sorte qu’ils ne deviennent pas les outils de contrôle des autoritaires ? Comment saboter des prises de pouvoir online ? Mais, plus, largement, qu’avons-nous besoin de dire ou non via des messageries cryptées, qu’avons-nous besoin ou non de partager publiquement, pourquoi ? Ces questionnements de base sont vitaux pour ne pas faire d’un outil une fin en soi qui, par conséquent, finit par tout niveller : quand l’auto-défense numérique devient le but ultime, c’est l’émancipation de tous qui semble bien loin… Au fond, c’est une bien vieille question révolutionnaire, cruciale, qui se repose à nous : comment faire en sorte que certaines exigences d’efficacité ne prennent pas le pas de la critique permanente des mécanismes autoritaires ? Encore faut-il peut-être tout reprendre depuis le début : Signal est-il efficace, en quoi ?
Et enfin, parce qu’un peu de dérision dans les milieux militants fait toujours du bien : comment se défendre face à l’auto-défense numérique ?
C’est à partir de ces réflexions que nous vous proposons de discuter autour de l’utilisation de Signal, et des nouveaux modes d’organisations émergeant avec le numérique.
Innocents : The dreamers
Lundi 23 janvier 19h30
Bernardo Bertolucci – 2003
VOST (Royaume-Uni) – 116’
Paris, 1968, Isabelle et son frère jumeau Théo fréquentent régulièrement la Cinémathèque française tout comme Matthew, un étudiant américain réservé. C’est devant la Cinémathèque fermée lors des manifestations de protestation à la suite du renvoi de son directeur Henri Langlois qu’ils se rencontrent. Tous les trois passionnés de cinéma, tous les trois passionnés par eux-mêmes et leur rencontre, les jumeaux et Matthew vont vivre ensemble une aventure amicale et amoureuse intense, transgressive, malsaine, jusqu’à en oublier ce qui se passe dans la rue, jusqu’à ne plus pouvoir différencier son nombril, ses ressentis et le monde.
La déconstruction du judiciarisme, ça commence quand ?
Vendredi 3 février 19h30
Vendredi 17 février 19h30
« Sans avoir connaissance des termes de l’accusation ni, à plus forte raison, des suites qui pourraient lui être données, il lui fallait se remémorer toute sa vie, jusque dans les actes et les événements les plus infimes, puis l’exposer et enfin l’examiner sous tous ses aspects. »
F. Kafka, Le Procès
S’opposer à la Justice, en tant qu’institution, ainsi qu’à tout ce qui permet à cette machine à broyer de fonctionner, ses tribunaux, ses prisons, ses « peines alternatives », sa PJJ, ses JAP, sa psychiatrie de boucher, mais aussi à tous ceux qui la font vivre et agir, ses juges, ses procureurs, ses experts psychiatres, et bien sûr aussi à la police sur laquelle elle s’appuie, c’est une évidence pour tous ceux qui veulent en finir avec l’Etat et le capitalisme. Parce qu’elle est le pilier central de la défense de la propriété privée et des prérogatives de l’Etat, parce qu’elle sert les intérêts du capital, parce qu’elle menace directement tous ceux et toutes celles qui luttent, ou même simplement qui dévient de la voie royale de misère et d’obéissance qui est toute tracée. Mais entre révolutionnaires commencent les débats pour savoir si ce faisant on s’oppose à toute justice, toute prison, toute police, ou si c’est à celle de l’Etat actuel, et si on doit bien se résoudre à imaginer une utopie révolutionnaire avec une justice révolutionnaire, des prisons révolutionnaires, des experts psychiatres révolutionnaires, etc. On peut tout aussi bien remplacer « révolutionnaire » par « populaire » ou « du peuple ». A ce niveau-là, on peut dire que le débat est vite tranché, entre des conceptions autoritaires, qui s’opposent à l’Etat mais imaginent , que ce soit par pauvreté d’esprit ou par passion pour le pouvoir d’ailleurs, que des formes de justice et de coercitions ne peuvent que perdurer, et des conceptions anti autoritaires qui voient dans ces réinstitutions le début de la fin de toute émancipation. Le débat est vite tranché, certes. Mais il n’est pas forcément inutile de le raviver alors que certains révolutionnaires d’aujourd’hui continuent à rêver ouvertement d’une vraie Justice populaire avec ses bonnes prisons du peuple. De manière moins brutale, on retrouve aussi dans les aspirations à des formes de « justice alternative » trouvant bien souvent leur modèle dans des fantasmes de formes judiciaires passées, éloignées, voir « primitives », une manière de critiquer la Justice instituée comme n’étant pas la bonne justice, celle qu’on pourrait construire avec un peu de bonne volonté, une Justice vertueuse, enfin au service du Juste.
Ce que nous voudrions mettre en discussion est à un autre endroit de la réflexion sur le rapport au judiciaire, et ce que nous cherchons à couper à la racine, c’est bien le Juste lui-même, au-delà de critiquer ou de valoriser les formes anecdotiques de justice d’ici ou d’ailleurs. Quand nous parlons de « judiciarisme », nous cherchons à nous attaquer à tout ce qui judiciarise, à tous les niveaux de la vie, celui des institutions d’Etat, mais aussi dans les rapports familiaux, politiques, interpersonnels… Tout ce qui a aussi bien été intériorisé par les individus et qui se manifeste par des attitudes innocentistes ou (auto-)accusatrices. En effet considérer qu’il y a « judiciarisme », c’est considérer que l’institution judiciaire trimballe avec elle, au-delà de ce qui lui permet de fonctionner, une idéologie, un rapport au monde, qui, comme toutes les facettes du pouvoir qu’elle cherche à maintenir, se donne pour évident, presque naturel, et sert de miroir aux alouettes, ou de piège dans lequel tombent les révolutionnaires judiciaristes cités plus haut, qu’ils soient autoritaires ou anti autoritaires. Le judiciarisme, c’est cette idéologie intégrée qui considère que, quoiqu’on en pense, il y a des coupables et des innocents, qu’il est impossible de faire son deuil ou de réparer les conséquences d’un acte sans que quelqu’un soit condamné pour l’avoir commis, faisant même du procès une sorte de moment nécessaire du soin, et qu’en somme le fait de juger, de condamner et de punir sont des processus nécessaires à toute vie sociale. Le judiciarisme est par exemple très présent dans le rapport à l’éducation des enfants, avec la prévalence des vertus éducatrices de la récompense et de la punition. Il s’instaure même informellement dès lors que la régulation des conflits passe par l’établissement d’une culpabilité et la mise en œuvre d’une peine. Il pointe son nez dès qu’on se met à considérer qu’une justice serait apte à déterminer la vérité, comme en témoignent les comités « Vérité et justice pour » qui se sont succédés ces dernières années. Le judiciarisme est aussi un dispositif central de tous les systèmes moraux ou religieux, et si la justice de Dieu s’oppose à celle des hommes, il s’agit toujours de faire en sorte qu’une instance détienne le pouvoir de juger, de condamner et de punir. Que cette instance soit déifiée ou collective et autogérée, il s’agit toujours de valider qu’il y a besoin de juger, de condamner et de punir.
Mettre en discussion la question du judiciarisme c’est se demander comment aller au-delà du fameux « ni coupable ni innocent » et cesser réellement de réfléchir en termes d’innocence et de culpabilité. C’est identifier la place et le rôle du jugement et de la punition dans les rapports y compris extra-judiciaires, c’est aussi mesurer à quel point cesser d’intégrer ces principes comme naturels ouvre des perspectives émancipatrices que toute volonté de juger, de condamner et de punir referme immédiatement.