Quand l’école envoie en prison…

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Vendredi 10 novembre, 7h30 du matin. Le lycée La Martinière Monplaisir de Lyon ouvre ses portes. Une nouvelle journée banale d’un lycée peut commencer : une journée de dur labeur pour les élèves, de punitions, de mesures vexatoires et d’humiliations continues pour les récalcitrants qui ne voudraient pas rentrer dans le moule promu par l’école de la République et son tri sélectif des futurs travailleurs.
C’était sans compter, justement, sur un groupe de récalcitrants, venus sonner la rentrée en classe à coups répétés de mortiers d’artifices, et tenir un joli feu de poubelles et de trottinettes à l’entrée du lycée. Dans un mail transmis aux parents d’élèves, le dirlo de l’établissement affirme même avoir été personnellement visé.
Cette belle attaque contre une des nombreuses casernes de l’Éducation Nationale serait une réponse, une vengeance, à la tenue la semaine prochaine d’un conseil de discipline dont un des supposés participants ferait l’objet (ou une tentative de bloquer l’établissement).
Depuis, l’élève concerné par le conseil de discipline, ainsi qu’un autre lycéen ont été interpellés puis mis en examen pour, entre autres, violences aggravées et dégradations par moyen dangereux. Sur ces deux élèves du lycée en question, le premier, 16 ans, a été placé en détention provisoire, alors que l’autre, mineur également, est placé sous contrôle judiciaire. Ils ont pu être identifiés par une des nombreuses caméras qui bourgeonnent depuis des années autour et à l’intérieur même des lycées.
L’État et les politicards de tous bords, que nous savons attachés à l’École dite « de l’égalité des chances », vantée comme moyen équitable d’ascension sociale et productrice de citoyens éclairés et vertueux, ont réagi unanimement : “c’est l’école républicaine toute entière qu’on attaque”, “c’est donc bien l’autorité de l’école, pour laquelle je me bats, qui est ici défiée” ont déclaré Attal et consorts, en plus de demander bien sûr une réponse judiciaire ferme et l’augmentation des patrouilles de flics aux abords des lycées. Vendredi 17 novembre, nombre de professeurs de l’établissement étaient en grève ! Pour réclamer la libération de l’élève et l’abandon de cette procédure dégueulasse ? Non, les profs, ces éternels bons élèves, choisissent de se sentir aussi visés et demandent de meilleurs moyens pour “élever [leurs] élèves et pour donner au plus grand nombre le goût de l’étude” et “enrayer les épisodes de violence”, et apportent leur soutien au proviseur apparemment ciblé dans cette attaque”(1).
L’an dernier, craignant l’explosivité et la détermination dont ont su faire preuve par bien des fois les mouvements lycéens, les rectorats en collaboration avec les directions des lycées et des collèges avaient essayé d’organiser la répression : à Paris et ailleurs, des conseils de discipline s’étaient tenus pour punir, ou du moins décourager puisqu’ils ont souvent échoué à obtenir des sanctions pour ce motif, ceux qui étaient suspectés d’avoir participé à répétition à l’organisation et à la tenue de “blocus” dans ces établissements. Quelques semaines après, les émeutes qui ont ravagé le pays pendant plusieurs jours ont pris pour cibles les écoles, collèges et lycées, au grand dam des parlementaires de tous bords qui défendent cet outil si pratique pour pacifier et faire rentrer dans le rang les plus jeunes. Dernièrement, après les récents tragiques événements d’Arras, mais également avec en filigrane le mouvement et les émeutes de l’an dernier, c’est l’angoisse et le tout-sécuritaire qui a primé dans les établissements, tous les élèves étant considérés comme de potentiels assaillants : fouille des sacs, contrôle des entrées, et même dans certains lycées, interdictions des gels hydroalcooliques ! Or il est évident pour quiconque s’intéresse à la subversion et à l’émancipation que l’attentat d’Arras n’a rien à voir avec les mortiers de Lyon, tant dans les moyens que dans les fins.
Il est difficile de ne pas voir dans la réponse judiciaire et politique aux événements du lycée La Martinière Monplaisir, une traduction en acte de la réponse radicalement répressive de l’État face aux émeutes de l’été dernier et son obsession pour la “rééducation” des jeunes qui n’auraient pas intégrés les valeurs de la République.
Dans les conseils de discipline ce sont les mêmes rouages que ceux de cette saloperie de justice qui s’expriment, mais cette fois-ci dans un processus interne à l’Éducation Nationale.
On est officiellement accusé de certains méfaits, on a aussi le droit à être assisté et représenté (par un avocat éventuellement, mais aussi par n’importe quel adulte) dans une séance censée être contradictoire (avec l’hypocrisie supplémentaire que l’institution scolaire y est juge et partie, comme dans toutes les justices internes), on a le droit de s’expliquer, les parents, sur qui l’école compte beaucoup pour tenir les gamins, sont aussi convoqués… et enfin, après délibération, un verdict est rendu par le jury avec des peines mimant la justice classique (TIG, sursis, etc.). Les discussions portent aussi bien sûr sur la personnalité de l’élève, son comportement en général, ses résultats, son implication dans la vie de l’établissement – justice individualisée oblige !
Le conseil de discipline, c’est aussi le paroxysme de ce que l’école fait de mieux en termes d’adaptation forcée à l’existant et ce qui représente son but principal aujourd’hui : le dressage des élèves. À l’école, on apprend surtout l’obéissance aux profs et aux personnels d’éducation, on intègre le respect du règlement, la loi intérieure aux établissements, on étrenne une forme quelque peu adoucie de la privation de liberté avec la présence obligatoire, les heures de colles et les punitions absurdes. On apprend aussi la normalisation, le conformisme à ce que la société veut de nous. On nous enseigne à être de bons citoyens qui votent, qui respectent la sacro-sainte démocratie qui s’immisce dans les élections de délégués, qui ferment leurs gueules et s’écrasent face à la hiérarchie. On assimile en douceur ou au forceps notre position dans le système capitaliste, renforcé par le tri des élèves en cours de route à coups d’orientation forcée et classes spécialisées : toi tu as un profil scolaire, tu es bon pour être manager, toi en revanche tu seras sûrement caissier et toi tu es simplement inemployable !
L’École, c’est la caserne, et c’est déjà l’entreprise !
Il est clair que l’École ne veut pas voir de contestations prendre nid dans ses officines. Il y a tout intérêt pour nous, qui voulons détruire l’État, sa police, sa justice, et ses écoles bonnes à trier les élèves et casser leurs rêves, de voir naître et grandir partout, et au sein même de l’École, une subversion radicale et offensive contre celle-ci.
Pour ne pas les laisser seuls face à la justice, qui ne cherche qu’à nous isoler pour nous faire abandonner nos espoirs, il est nécessaire de pouvoir apporter un soutien collectif effectif aux réprimés, qui peut prendre plusieurs formes (défense, mandats, rassemblements, …).
Pour partager des informations, organiser la solidarité, contactez l’adresse mail : abaslarentree@proton.me

CONTRE LE DRESSAGE, CONTRE LA JUSTICE, AU TRIBUNAL OU EN CONSEIL DE DISCIPLINE !

LIBERTÉ POUR LES ASSAILLANTS DU LYCÉE LA MARTINIERE MONPLAISIR !

(1) Communiqué des personnels de l’établissement réunis en intersyndicale du 10 novembre 2023
https://www.cgteduc69.fr/Lycee-La-Martiniere-Monplaisir-communique-des-personnels

Programme de novembre 2023 à janvier 2024

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Pendant ce programme à la bibliothèque des Fleurs Arctiques, nous discuterons de la gauche et de son rapport aux massacres, de la question du fond et de la forme de la violence révolutionnaire et nous questionnerons le lien entre l’université et la théorie et pratique révolutionnaires.

Nous ferons également le démontage judiciaire de l’affaire « Machine à expulser ».

Nous projetterons lors du ciné-club : L’Enfant sauvage, Themroc, Bad Boy Bubby et La Légende du roi crabe.

Les permanences auront lieues le jeudi de 16h à 18h et les groupe de lecture le dimanche à 16h30.

La gauche et les massacres

Vendredi 24 novembre 19h30

Depuis les attentats horribles perpétrés par le Hamas le 7 octobre en Israël, une large partie de la gauche n’a pas hésité à agiter la confusion entre les gouvernements, les armées, les organisations terroristes et les populations, au point qu’on peine à trouver dans la période des réflexions un minimum émancipatrices pour toutes celles et ceux qui souffrent actuellement de la guerre, du nationalisme et du fondamentalisme, que ce soit en Palestine comme en Israël et plus largement partout où des dirigeants se servent de chairs à canon. Comment un tel air de Viva la muerte peut se propager à gauche ? On pense ici aux premiers communiqués de la LFI, du NPA et de Sud Educ qui, depuis des bureaux d’universitaires ou de chefs de partis bien tranquilles, fantasmaient quasi instantanément une « résistance palestinienne » dans la haine du juif terroriste du Hamas, alors même que le bilan des morts ne cessait de s’alourdir… On n’en revient toujours pas.
D’où vient cette rengaine dégueulasse, cette complaisance avec le racisme dans son expression la plus brutale, et comment pouvons-nous la combattre pour nos perspectives révolutionnaires et anti-autoritaires ?
Cette rengaine ne paraît pas sortir de nulle part et n’est pas non plus inédite. L’histoire de la gauche, ainsi que des dits milieux subversifs de gauche, comporte plusieurs exemples de crasse saloperies à l’égard de tueries de masses. URSS, Khmer rouges, attentats de Charlie Hebdo, Bataclan, Munich 1970 et d’autres. Les exemples ne manquent pas où certains à gauche se sont empressés de justifier d’ignobles tueries, en plaquant leur idéologie ou leurs raisonnements retors pour se complaire dans le soutien ou la légitimation de massacres. Une partie de la gauche semble aujourd’hui ressasser ce morne héritage vu les réactions dégueulasses qu’elle a produit suite au 7 octobre.
On espère qu’une discussion publique permettra d’y voir plus clair, plus libre et plus fort, et pour ça on propose de partager comme support les trois émissions de Radio Mad Max consacrées à ce sujet (trouvable sur le site radiomadmax.xyz).
Contre tous les Etats, tous les commanditaires et les adorateurs de la mort,
Contre l’antisémitisme et le racisme,
Vive la liberté !

Lier le fond et la forme ? Y a-t-il une violence intrinsèquement révolutionnaire ?

Vendredi 8 décembre 19h30

Du mouvement contre la loi travail au mouvement contre les retraites, en passant par les gilets jaunes, une certaine pratique de la violence se diffuse au sein des mouvement sociaux ou hors des mouvements et parallèlement à cela, les formes d’organisation autonomes et l’idée révolutionnaire ont du mal à émerger. La pratique de la violence, de la casse, de l’offensivité avec la police peut se répandre, sans que cela n’empêche de nouvelles tendances politiques de se les réapproprier et de les accompagner d’un discours réformiste et au bout du compte pacificateur.
Faut-il absolument tenir un discours avec les actes et comment ? Ne pas avoir de discours peut faciliter la récupération ou la réinterprétation. Si l’on évoque par exemple le cas extrême en termes d’écartèlement idéologique de l’incendie d’église qui a impliqué historiquement, entre autres, des nazis et des anarchistes : il est important de se différencier des premiers et ne pas leur donner la possibilité de récupérer des attaques perpétrées dans une perspective émancipatrice. Cette question se pose aussi dans des cas de désaccords moins extrêmes, par exemple avec des gens et positions qu’on retrouve dans les luttes. On peut penser aux tendances sociales démocrates qui peuvent se mettre à avoir des modes d’actions plus radicaux, souvent légitimés sous le nom de « désobéissance civile », parfois même la casse en manif, ou les manifs sauvages etc…
On peut aussi penser à 2019, lorsque les Gilets Jaunes ont propagé en France pendant quelques mois une confrontation radicale avec la représentation, les forces de l’ordre, le capitalisme et l’État. Le niveau de violence posé par les GJ pendant les manifestations était rare au vu des 10 dernières années de mouvement sociaux en France. Mais il a été possible dans ces manifestations et émeutes de retrouver beaucoup de bords politiques différents, parfois radicalement opposés. L’autonome ou l’anarchiste pouvait trouver à sa droite, en pleine manif’ dans un mouvement de foule un complotiste patriotard. La question qui s’est posée alors, celle du discours et de la lutte interne au mouvement social, est importante. Avec qui et pour quoi veut on lutter ? A-t-on besoin d’un discours clair pour cela ?
A d’autres époques des réformistes posaient des bombes, faisaient la guerre aux fascistes ou autres et se sont retrouvés à avoir le pouvoir pour réprimer les révolutionnaires qui ne déposaient pas les armes ou qui n’arrêtaient pas les pillages une fois la victoire déclarée. Comment faire exister les positions et les conflits historiques et matériels malgré des modes d’action parfois similaires ? Doit-on se différencier des réformistes et autoritaires en inventant de nouvelles pratiques ?
L’exemple des émeutes pour Nahel est parlant, car il était difficilement récupérable par la gauche ou les syndicats puisque le discours, ou plutôt le non-discours, était contenu dans les attaques : les institutions (commissariats, écoles, etc.), le quartier (voitures, cameras, poubelles etc..) et les pillages. Les émeutes étaient aussi difficiles à récupérer pour la gauche réformiste car elles attaquaient les symboles que cette dernière défend : les mairies, les écoles de la République, les bibliothèques et maisons de quartiers, les prisons et les commissariats, de la police nationale ou celle de proximité, plébiscitée par les gauchistes. Sa tentative de récupération, qui consistait en partie à appeler à la pacification par les appels au calme, a échoué car c’est elle-même qui était en partie ciblée. On pourra se demander s’il existe des moments de révolte, tels que les émeutes, qui sont intrinsèquement irrécupérables, ou si, tant qu’il y aura des récupérateurs, même une attaque de commissariat pourra un jour être emballée pour vendre une soupe de gauche…
Plus largement, cette discussion sera l’occasion d’aborder sous un nouvel angle la question de la violence qui avait déjà fait l’objet d’un cycle à la bibliothèque en 2020, dont les textes peuvent toujours servir à contribution : ici https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=1557, et là https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=1574

Themroc

Mardi 12 décembre 19h 19h30

Claude Faraldo, 1973, 110’

Un ouvrier habitant dans une cité de banlieue s’évade de son travail mais aussi de la société en retournant à la sauvagerie, la radicalité de cette révolte contre toutes les dimensions aliénantes de l’existant fait tâche d’huile et ouvre une brèche de chaos dans la normalité du monde du travail, de la morale, et même du langage puisque le film fait déjà rupture par le choix de ne proposer aucun dialogue parlé, les personnages s’exprimant par borborygmes. Inscrit, comme L’an 01 de Doillon adaptant une bande dessinée de Gébé qui sort la même année, dans le sillage contestataire et libertaire post 68, ce film, expérimental et sans limites par bien des aspects, va très loin dans la transgression puisque inceste et anthropophagie feront partie de la rupture avec l’ordre du monde (mais peut-on encore parler d’anthropophagie puisqu’il s’agit de manger un flic et que ce film date d’une époque où on est visiblement pas obligé de rester poli avec la police ?). Le traitement globalement comique de cette farce acide montre un usage provocateur du cinéma dont on pourra discuter la portée. Reste-t-il subversif aujourd’hui ? La question se pose. Il est d’ailleurs à sa sortie interdit aux moins de 18 ans, et sera considéré comme « tous publics » à partir de 2018. Discuter de ce film nous permettra de poursuivre la réflexion, abordée à la bibliothèque à travers plusieurs discussions et projections, autour de la liquidation de mai 68, qui passe majoritairement par une forme de désactivation de fait des poussées subversives qui se sont exprimées dans les années 70 et dont ce film, apparemment irrécupérable, est un évident témoignage.

Bad Boy Bubby

Mardi 19 décembre 19h 19h30

Rolf De Heer, 1993, 114’

Pour poursuivre les réflexions engagées à la bibliothèque sur la question des dits enfants sauvages, notamment a travers le cas d’école fascinant de Kaspar Hauser, nous proposons de regarder ensemble et de discuter autour de ce chef d’œuvre australien peu connu en France. Bubby n’est jamais sorti de l’appartement dans lequel sa mère le séquestre depuis la naissance, lui faisant croire qu’à l’extérieur l’air contaminé serait mortel. Cette allégorie de la caverne prend fin lorsque son père, maintenu absent, fait son retour. C’est alors l’occasion pour Bubby de tuer (enfin) ses parents et de prendre le large. Alors, quel est ce monde réel ? Il y a de la pizza, de la musique, de la joie, de la tristesse, mais quoi d’autre encore ? Bad Boy Bubby est un film expérimental à plusieurs niveaux, on peut citer en exemple le choix étonnant de l’emploi de 32 chefs opérateurs différents qui chacun filmeront une scène sans avoir connaissance du travail artistique des autres. C’est aussi une critique violente, anti-morale et anticléricale de la société, une apologie de la sublimation artistique et musicale, par exemple des maltraitances infantiles, incestuelles et incestueuses. La prison de cette vie nous voulons tous en sortir, Bubby c’est un peu nous tous et toutes après un assaut révolutionnaire et final. Liberté partout ! Bubby partout !

La Légende du roi crabe

Mardi 9 janvier 19h 19h30

Alessio Rigo de Righi & Matteo Zoppis, 2022, 99’

Luciano est un marginal, un ivrogne, un révolutionnaire, un romantique qui rit au nez de ceux qui cherchent à encadrer sa vie. Le film se déroule dans un village reculé italien, à une époque de basculement, au milieu du XIXe siècle, où la bourgeoisie installe son autorité et sa morale, où l’Église rappelle sans cesse à rester sur le droit chemin, où le seigneur aristocrate du village cherche à étendre son pouvoir sur le territoire, à maîtriser les passages et les mouvements. Les villageois ne sont pas pour autant en révolte contre ce monde, bien au contraire, et participent à identifier un bouc émissaire : Luciano. Après un acte de révolte, une tragédie et une calomnie qui le poursuit, il est contraint à l’exil.
Le film change de registre, d’une fable pastorale, il devient un western mystique. Il est question d’une légende, d’un trésor caché, d’une île du bout du monde, d’une vie d’errance. Une fuite ou une manière d’affronter ses regrets, La légende du roi crabe, en plus de nous emmener dans un univers onirique de personnages et de paysages sortis de tableaux des peintres romantiques, nous fera certainement réfléchir aux mécanismes de marginalisation dans un petit village, aux formes diffuses dans lesquelles l’autorité s’incarne, aux problématiques du deuil et de la mort, à l’idéal d’un ailleurs qui n’aurait rien de commun avec ce vieux monde, aux désillusions et aux espoirs.
Venez nombreux pour le voir et en discuter !

Démontage judiciaire de l’affaire «Machine à expulser»

Samedi 13 janvier 19h30

Ce démontage judiciaire est une des propositions issues de la discussion publique organisée au printemps dernier à la bibliothèque, à propos du mouvement social en cours à l’époque, et en solidarité avec Serge, camarade très gravement blessé à Sainte Soline, qui était alors plongé dans le coma. De nombreuses personnes étaient venues réfléchir aux différentes manières d’intervenir pour intensifier la conflictualité et exprimer une solidarité avec les blessés de Sainte-Soline. A quelques jours de cette boucherie répressive, la presse se faisait tout particulièrement le relais du déversoir fantasmatique désormais récurrent de haine contre « l’ultra-gauche » et « les fichés S » (deux catégories purement policières) que les discours de Darmanin tentaient d’isoler du reste du mouvement, pour justifier d’avoir transformé cette manifestation en champ de bataille. On se réjouissait alors de constater qu’une certaine forme de solidarité et de refus de telles distinctions (futures dissociations en justice) se maintenaient vivaces, entre autres grâce aux communiqués de la famille et des camarades de Serge, fermement déterminés à les refuser.
C’est donc dans ce contexte qu’il a semblé pertinent aux personnes réunies de réfléchir à la précédente période qui a connu, en France, un acharnement policier, judiciaire et médiatique contre les dits « terroristes » de la dite « ultra-gauche » : la politique de fichage des anarcho-autonomes alors qu’Alliot Marie était ministre de l’Intérieur, le contexte de la circulaire Dati du 13 juin 2008 qui ordonnait aux parquets de se dessaisir des dossiers impliquant la fantasmatique MAAF (mouvance anarcho-autonome francilienne) en faveur de la section antiterroriste du parquet de Paris, y compris les délits mineurs. 4 grosses instructions vont émerger de cette phase répressive : l’affaire dite « fumigène-dépanneuse » (voir les brochures « Mauvaises Intentions ») suite à la découverte d’un engin incendiaire sous une dépanneuse de la police, la très médiatique affaire de Tarnac, l’affaire de Chambéry – dans laquelle un engin explosif artisanal tue une compagnonne et en blesse grièvement un autre – et la double affaire dite « machine à expulser » autour de la répression de la lutte contre les CRA suite à l’incendie par les retenus du centre de rétention de Vincennes en 2008. C’est cette dernière qu’on va d’abord explorer.
La perspective sera donc de comprendre l’usage policier qui a été fait alors des instructions anti-terroristes, des débuts de l’enquêtes aux procès (sur une dizaine d’années le plus souvent) afin de mieux nous armer contre la justice, le renseignement et la police qui menacent aujourd’hui d’utiliser le même type d’arsenal. Point commun entre toutes les affaires de cette période : les chefs d’accusation spectaculaires et gros à faire trembler toutes les mamies ont, dans l’ensemble, fini par se réduire comme peau de chagrin ; les personnes qui ont subi ces instructions, en étant perquisitionnées, arrêtées, filaturées, écoutées, filmées, mises en examen, incarcérées, assignées à résidence, maintenues sous des contrôles judiciaires, pendant parfois presque une décennie, ont fini pour la plupart, par être accusées d’à peine quelques tags ou dégradations légères, refus de signalétique avec des peines de l’ordre du sursis ou de l’amende… C’est donc l’un des volets de l’affaire dite « Machine à expulser » que nous chercherons à démonter collectivement : une affaire, d’abord classé en anti-terrorrisme et qui a concerné une quinzaine de personnes au départ, suite à une phase de luttes offensives contre les frontières et l’enfermement des sans-papiers suite à l’incendie du CRA de Vincennes en 2008. Cette affaire n’a été close qu’en 2016, avec la mise en accusation dans deux procès d’une dizaine de personnes pour des délits mineurs, c’est l’un de ces deux procès, concernant 4 personnes dans lequel nous nous plongerons. On pourra donc revenir sur les dossiers d’enquête, sur les moyens énormes que la section anti-terroriste s’est donné et sur la traduction au final assez ridicule en justice. Ne nous laissons jamais faire !
Une brochure a été élaborée au moment du procès en première instance pour retracer l’intensité de cette phase de lutte, qui n’est pas séparable de la répression qu’elle a essuyé, nous vous conseillons donc de la consulter : « Le vaisseau des morts a brûlé » ainsi que la déclaration d’un des prévenus : « Ça ne se passera pas comme ça ».
C’est aussi par rapport au “procès anti-terroriste du 8/12”, qui s’est tenu en octobre 2023 à Paris, où 7 camarades ont été accusés pour association de malfaiteurs terroristes et dont le délibéré aura lieu le 22 décembre 2023, que nous proposons de démonter l’anti-terrorisme.

La pensée et la pratique révolutionnaires ont-elles besoin de l’université ?

Vendredi 19 janvier 19h30
Vendredi 26 janvier 19h30

L’université, en temps de mouvements sociaux et de révolutions, se transforme souvent en lieu d’organisation, de Hong Kong à Santiago de Chile ou à Athènes. Elle est souvent perçue, y compris par les gouvernements, comme un foyer de contestation dans lequel les jeunes générations font circuler des idées politiques qui pourraient s’attaquer au vieux monde. Mais c’est également un lieu, dans le prolongement de l’école, qui prépare au monde du travail, qui apprend la discipline et le respect de l’autorité, de la hiérarchie, de la norme. C’est un monde aseptisé, bâti sur l’ennui et les mouvements sociaux sont l’occasion d’une explosion de conflictualité qui n’épargne pas l’université et qui se situe souvent en confrontation avec elle, pas en prolongement. En tant qu’institution, elle est à critiquer, à interroger.
Quelle relation entretiennent le milieu révolutionnaire et l’université ? Y a-t-il eu évolution de cette relation au cours de l’histoire ? Quels liens entre théorie et pratique ? À qui revient-il de réfléchir, de produire de la théorie politique ? N’y a-t-il pas le risque, par l’université, d’une séparation entre la pensée et l’action ? Peut-on penser librement à l’ombre de l’autorité ? Qu’y a-t-il d’intéressant et de limites aux formes alternatives de production et diffusion du savoir, de la vulgarisation scientifique aux pédagogies alternatives et autres universités populaires ? Quoi de pire que lorsque les thésards prétendent lutter en faisant leurs thèses sur les mouvements sociaux ? Quelle meilleure manière d’enterrer sa complexité et sa subversion ? À qui laisser l’analyse des mouvements sociaux, lorsqu’ils se déroulent ou a posteriori ? Aux sociologues, aux historiens, aux journalistes, aux philosophes ? A-t-on besoin de thèses pour comprendre ce monde ? Est-ce que ce qu’il manque pour qu’une révolution ait lieu, c’est d’expliquer à ceux qui sont exploités, pourquoi et comment ils le sont ? Quelle critique de la science d’un point de vue anti-autoritaire ? Y a-t-il des spécificités aux sciences humaines ?
Nous ne tâcherons pas seulement de réfléchir aux critiques de l’institution scolaire qu’est l’université, mais aussi de la recherche universitaire, et plus particulièrement en sciences sociales et en sociologie, puisqu’elle prétend donner des outils pour mieux comprendre ce monde. Ces outils ne sont pourtant pas neutres, puisque les statistiques et catégories sociologiques viennent du point de vue de la gestion des populations. Reprendre ces catégories pour penser les révoltes, n’est-ce pas enfermer celles-ci dans de vieux carcans essentialistes et ne pas chercher à bâtir nos propres outils théoriques ? Ce sera l’occasion de poursuivre des discussions que nous avions eu notamment lors d’un cycle de groupe de lecture où nous avions lu Dieu et L’Etat, de Mikhaïl Bakounine, et particulièrement la partie où il livre une critique anti-autoritaire de la science qui cherche, dans l’objectif de tirer des lois générales, à disséquer le monde réel comme on dissèque un lapin, pour comprendre son corps. Bakounine fait un parallèle avec le scientifique qui dissèque le corps social, à la recherche de lois générales et de pareilles abstractions et qui, par son mouvement, ôte le mouvement réel de la vie à ce qu’il analyse.
Dans la suite des réflexions autour de la critique des institutions scolaires, venez nombreux pour discuter de tout cela, et essayer de tirer des fils de réponses à toutes ces questions.

Programme d’octobre de la bibliothèque

[Le programme s’ouvre avec le ciné-club du lundi 02 octobre !]

Pour télécharger le programme, cliquez sur l’image

[Le programme s’ouvre avec le ciné-club du lundi 02 octobre !]

Les traces des révoltes vives qui ont essaimé partout en France entre le mouvement social et les émeutes de juillet nous entourent, et nous donnent un peu d’espoir pour chercher à secouer une rentrée des classes, des ordres, des nouveaux travaux, qui voudrait bien niveler toutes nos activités et pensées vers un train-train inoffensif et pénible… Laissant ces traces et ces souvenirs des mois précédents bien loin, en dépit des coins de bitume dont on voit qu’ils ont cramé et des écoles et devantures de magasins qui n’ont pas rouvert après destruction, qui nous font sourire et nous donnent de la force quand on est assailli d’interrogations merdiques. «Comment payer cette amende, ce loyer, comment faire faire ces papiers, comment passer le bac, comment survivre dans ce nouveau boulot, etc», c’est à chaque fois différent selon les situations, mais du moins quand même assez commun et c’est un ras-le-bol de cette manière-là de vivre qui s’est exprimé tout au long de l’année 2023. Un peu d’ailleurs dans la révolte !!! C’est ce que nous avons trouvé et qui est actuellement salement réprimé : nous pensons à toutes les personnes qui ont passé l’été enfermées suite aux émeutes, à toutes celles qui passent en procès cet automne, à toutes celles qui galèrent après les suites de ces punitions faites dans le tas, à tous les lycéens, collégiens, qui ont, en plus de leurs établissements, retrouvé à la rentrée des flics mobilisés pour montrer symboliquement le retour de bâton de la République Française via une débile question d’habillement.
Nous ne voulons ni oublier, ni laisser la révolte derrière nous, ni laisser faire le retour au pas à la normalité… et nous voulons encore moins nous laisser mobiliser comme des petits soldats en faveur de la France des JO, de la surveillance, et de la France du SNU (la secrétaire d’État à la jeunesse faisait à nouveau il y a quelques jours une annonce sur une future obligation de faire ce service militaire 2.0). Nous tenons à exprimer toute notre solidarité avec les camarades de l’affaire du 8 décembre qui passent en procès en anti-terrorisme dès la première semaine d’octobre. Nous réouvrons la bibliothèque à des horaires plus fréquents (des permanences les jeudis de 16h à 18h et des groupes de lecture les dimanches à 16h) pour pouvoir alimenter des perspectives révolutionnaires dans ce contexte de conflictualité sociale. Il y a beaucoup à discuter ! Notamment, nous proposons le 27 octobre de venir discuter assez largement du mouvement social et des émeutes lors de la présentation de la compilation 35h de trop. Le 13 octobre, une discussion sur la représentation et la mémoire des génocides aura lieu suite à une projection de L’Image manquante de Rithy Pan. D’autres films projetés lors des ciné-clubs du lundi seront l’occasion d’échanger (à propos de vengeance avec le film Les duellistes ; à propos de fuite en avant et de refus de la norme avec Les petites marguerites, à propos d’autisme et de rapport à l’altérité avec le documentaire Dernières nouvelles du cosmos).
Pour que surgissent de nos révoltes encore plus d’inventivité et d’offensivité !
Nique la France encore et toujours.

L’agenda du programme est disponible ici