Groupe de lecture de l’Appel – Les samedis du mois de juin à 16h

Dans le cadre des groupes de lecture

Les samedis du mois de juin à 16h

L’Appel est ce petit livre marron, sans auteur ni éditeur, qui a été diffusé à partir de 2003. Ses modalités de diffusion, en grand nombre et « sous le manteau », avec très vite des traductions qui lui permettent de circuler dans plusieurs pays d’Europe, contribuent, au moins autant que son contenu, à intriguer : le coup éditorial fonctionne. Sorti à un moment où peu de textes théoriques généraux circulent dans les « aires subversives », cet appel à mobilisation du Parti Imaginaire est lu, discuté, et, d’une certaine manière et à une certaine échelle, entendu, en particulier par son public cible : une jeunesse en mal de théorie de la révolte et aux « subjectivités friables ». Dans les aires subversives, il énerve, intrigue, mais petit à petit imbibe des milieux déjà gagnés par les apories de la post-modernité, plus par son vocabulaire et son style que comme une pensée structurée à partir de laquelle on réfléchit et on argumente. Ce petit texte vient fournir des affirmations et de l’arrogance là où on se laissait bercer dans l’incertitude et un certain activisme perdu dans l’anti-intellectualisme. Il réconcilie alternativisme mou et folklore radical. D’une certaine manière, il fait son office et le « nous » de « nous avons commencé » se met à consister a posteriori. En quelques années, aidé d’investissements financiers conséquents (« investissements » parce qu’on en attend évidemment une forme de rentabilité), se constitue une aire – faite d’adeptes convaincus et de missionnaires zélés – entourée d’un public complaisant. L’accroissement numérique réel des recrutements s’arrête assez vite, mais le succès de scandale de l’Insurrection qui vient, cette fois diffusé très normalement par La Fabrique, un éditeur de gauche véritable, et en librairie – succès grandement « aidé » par les suites très médiatiques des arrestations imprévues de Tarnac – vient asseoir une réputation tout en élargissant l’écho de ces énoncés. On connaît la suite. Des tribunes dans le Monde, Libé, Die Zeit, des lieux de vie mais aussi de consommation et de « production » (des restaurants, une usine à pâte…), une politique de contrôle territorial et d’installation de colonies ici ou là, la participation à des élections locales, un opportunisme politique décomplexé, des méthodes politiques de trotskystes ou de Tutte Bianche (pragmatisme, ouverture et démocratisme apparent, coup de poing à ceux qui entravent la mise en œuvre de la ligne politique), des moyens de diffusion en phase avec l’époque (« Lisez Lundi Matin°! » comme le répète un tag publicitaire) donnent des possibilités de faire fructifier les quelques mouvements sociaux récents, en se posant à la fois en représentant d’une certaine radicalité et en cherchant à se positionner quelque part dans la recomposition de la gauche de la gauche. Pourtant, le temps passant, des dissonances d’importance se font sentir, des amitiés se dénouent avec fracas, les dégâts humains deviennent visibles, le double discours et le grand écart entre la radicalité affichée et les intentions politiques deviennent difficile à tenir.

Alors que la proposition politique qu’il a ouvert est arrivée à une sorte de point de maturité (qu’ils parviennent à exister politiquement à gauche de la gauche ou qu’ils échouent, à partir de maintenant la voie est tracée…), c’est le moment de revenir à ce petit livre et de le lire ensemble aujourd’hui. La confrontation entre la réalité de ce que cette proposition est devenue et la manière dont elle s’est énoncée au départ permettra peut-être de comprendre comment a opéré la séduction et d’analyser ce qui s’est dit au regard de ce qui en est fait. Il s’agira en somme d’éclairer le texte, ses mots, ses manières d’affirmer, sa rhétorique persuasive en somme, par la réalité qui s’est agrégée à partir de lui.

On procèdera de la manière la plus simple et collective possible : on lit ensemble, on discute librement de ce qu’on est en train de lire, on prend des notes de ce qui se discute. On pourra lire autour du texte aussi : d’autres textes d’obédience appelliste, d’autres qui adoptent un point de vue critique. Ce groupe de lecture, qui commence au mois de juin, va se poursuivre le temps qu’il faudra. Il n’est pas nécessaire de l’avoir pris à son début et de venir à toutes les séances pour y participer, mais quelques chose se poursuivra, de semaine en semaine.