La révolution est-elle soluble dans la gestion des risques ?

Vendredi 11 janvier à 19h

 

Depuis les années 2000, une nouvelle logique que l’on pourrait appeler « assurancielle » se développe et vient ajouter son expertise à l’arsenal coercitif qui peaufine la mise au travail et au pas de tout un chacun. En effet dans des domaines aussi variés et lourds de conséquences que l’assurance chômage avec le PARE (plan d’aide au retour à l’emploi) et la sécurité avec les Lois de sécurité quotidienne (matrice des dispositifs répressifs actuels), la question n’est plus de rémunérer les chômeurs au pro-rata de ce qu’ils ont travaillé, ou de punir les délinquants et criminels en fonction d’une échelle morale du bien et du mal, elle devient de gérer les populations au mieux des intérêts de l’État et du capital. Mesurer le risque de perdre de l’argent, du temps d’exploitation, etc. et y remédier : le projet est finalement assez rationnel. Comment prendre le moins de risque possible ? Comment perdre le moins de jours de mise au travail ? Comment arrêter à moindre frais ceux qui mettent en péril la bonne marche de ce monde ? Voilà ce qui régit les lois qui règlementent nos vies. Et si, pour arrêter les banlieusards en joggings qui manquent de « civilité », c’est plus simple dans les transports parce qu’ils ne prennent généralement pas de ticket, on instaurera des peines de prison pour les récidivistes de la fraude. C’est ce qu’on appelle une logique proactive. Pour l’affiner et la rendre de plus en plus efficace, les laboratoires de sciences sociales travaillent main dans la main avec les services de sécurité et de répression, le tout pour nous gérer au mieux.
Et c’est l’entièreté de notre vie à tous qui se retrouve enserrée dans les mailles de cette gestion.
Plus encore, c’est une vision du monde dans lequel on vit qui se retrouve envahie par cette logique délétère. Pour s’adapter à ce monde, chacun doit désormais gérer au mieux sa petite personne, les risques qu’il prend ou qu’il fait courir, ses efforts, ses déplacements, ses colères, ses passions, ses amours, et rentabiliser l’ensemble. L’ensemble des rapports sociaux se retrouvent asservis à des formes de contractualisation. La perspective, c’est la sécurité, l’assurance. C’est-à-dire au fond que tout reste pareil. Rien n’est pire que la surprise, l’imprévu, qu’on conjure par la prière du contrat. Vivre dans ce monde, c’est apprendre à se préserver, se ménager, s’économiser.
Reste qu’à ce petit jeu de la sécurisation, on y perd beaucoup, et en particulier le goût à tout ce qu’on ne connaît pas encore, à tout ce qui peut mettre en danger le confort, même très précaire, du petit trou dans lequel ce monde nous a proposé de nous installer. On y perd le goût de la singularité de l’expérience, irréductible à ces petits calculs de rentabilité, on y perd l’attrait pour l’inventivité, pour ce qui change, on y perd toute impatience pour ce qui bouleverserait ce monde.
Les milieux subversifs ne sont pas en reste, qui nous assaillent d’injonction à la contractualisation, en amitié, en amour, en politique. Et là, ce qu’on risque d’y perdre, c’est justement l’amitié, l’amour… et la révolution.

C’est de tout cela qu’on propose de discuter le vendredi 11 janvier, parce que pour commencer à vivre enfin contre ce monde, il va falloir comprendre comment se désinserer de ces logiques qui prétendent garantir notre survie en nous empêchant de vivre.